Vincent Peillon: «Nous sommes sortis du cercle républicain»

Publié le 11 avril 2011 par Letombe

Vincent Peillon, député européen et professeur de philosophie, était chargé par Martine Aubry de préparer les grandes orientations du projet socialiste pour 2012. Il salue de réelles avancées dans le texte présenté par le PS. Entretien.

Vous étiez chargé par Martine Aubry d’élaborer la philosophie générale du projet socialiste, qui a ensuite été pris en main par le fabiusien Guillaume Bachelay. Comment avez-vous mené ce travail?

Ma conviction de départ est que nous vivons depuis quelques années quelque chose d’extrêmement grave avec ce pouvoir: c’est pour cela que nous parlons d’abaissement national. Et que la question de 2012 est celle du redressement. Il y a deux axes majeurs. Le premier est de répondre à ce que nous appelons la crise de l’avenir. Nous sommes dans un pays où les gens ne se projettent pas, c’est une crise spécifique et pire que dans les autres pays. Les Français n’ont pas de perspectives. Et cela n’est pas affaire de sentiment: c’est une question de politiques publiques.

Le second axe est celui de la refondation républicaine. Nous sommes sortis du cercle républicain. Là, nous sommes ailleurs, dans un autre moment de notre histoire. Quand je parle de refondation républicaine, je ne sépare pas la question démocratique de la question sociale.

A l’exception de la réélection de Mitterrand en 1988, la gauche n’a pas gagné l’élection présidentielle depuis trente ans. Elle l’a fait en 1981 en étant portée par un fort mouvement venu des différents endroits de la société. Il n’y a rien de tout cela aujourd’hui, semble-t-il. Qu’est-ce qui autorise le PS à penser que son projet va soudainement fédérer et l’emporter?

Je ne fais pas la même analyse que vous. Mon sentiment est que les gens sont là, qu’il y a des initiatives! Il y a eu des milliers de consultations, de rencontres, d’événements qui ont permis de construire ce projet. Dans le pays tel qu’il est, je n’ai jamais eu à déplorer l’absence des citoyens et la volonté des gens, qui ne sont pas dans des fonctions politiques, à venir faire partager leur expertise et leurs expériences.

Est-ce que vous pensez, par exemple, que cette jonction s’est opérée avec le mouvement social de l’automne contre la réforme des retraites?

Le PS s’est opposé à cette réforme, il a fait des propositions, il y a eu la bagarre législative, il y a eu des rencontres avec les responsables syndicaux. Tout cela a eu lieu et il n’y a pas eu de difficultés.

Ce qui me semble en revanche une difficulté pour l’avenir, c’est la mise en mouvement de la société française pour accompagner l’exercice gouvernemental. Lacan disait «Ils ont besoin d’un maître». Vous avez évoqué Mitterrand et 1981, et nous avons une tradition, une «âme française» qui, par certains côtés, a des complaisances fortes pour le bonapartisme. A cela s’ajoutent un système institutionnel et un système de structuration de l’espace public par les grands médias qui favorisent cela.

C’est un des problèmes majeurs, et on l’a vu pour la gauche au pouvoir qui n’a jamais pu faire plus d’une législature. Cela doit conduire à réfléchir sur la question institutionnelle et démocratique.

Vous dites que le PS a noué ce dialogue avec la société. Pourquoi alors n’y a-t-il aucune dynamique unitaire, comme il y en avait eu en 1981, face à un pouvoir dont vous dites vous-même qu’il est «hors champ» républicain?

Je n’ai pas cette vision presque idéalisée qui est la vôtre de 1981. 1981 est une victoire très politique et elle se fait aussi sur un certain nombre d’habiletés politiques. Ensuite, la grande affaire de 1981 c’est la relation avec le parti communiste. Aujourd’hui c’est un peu plus compliqué et du côté d’une gauche tribunicienne et de l’extrême gauche, et du côté d’une force qui a émergé (EELV) – dont je vois qu’elle pourrait se choisir un leader médiacratique et qui se définissait lui-même comme un catholique de droite il n’y a pas très longtemps (Nicolas Hulot)

Je ne crois pas à une société mobilisée à laquelle il manquerait en fait les «bons représentants». La question est celle de la nécessaire refondation républicaine. Enfin, je continue de penser qu’il y a eu l’union de la gauche, qu’il y a eu la gauche plurielle avec Jospin et que ce nous devons faire maintenant, c’est un rassemblement d’un nouveau genre.

Jusqu’où vont les frontières de ce rassemblement ?

La seule façon pour sortir du mensonge est de mettre les choses sur la table. Prenons la réforme fiscale : qui veut la faire ? Qu’ils s’appellent Mélenchon ou Bayrou m’est totalement égal. L’important est de souscrire à un contrat de gouvernement. C’est cela la priorité. La méthode est celle du contrat de gouvernement et du projet. La nouvelle majorité pour porter cette refondation ne peut pas être une simple réplique de celle de 1997.

Par Stéphane Allies et Lénaïg Bredoux pour « Mediapart«

Merci à :

Section du Parti socialiste de l'île de ré