« Une fois tombés ses "prétextes", comment l'œuvre de Gide va-t-elle subir l'usure du temps ? Nous ne lisons plus Voltaire par rapport à son époque, mais pour ce qu'il peut nous dire, comme s'il écrivait aujourd'hui, et pour la manière de le dire.Il est possible, et même probable, que les témoignages courageux de Gide, ses critiques du colonialisme et du communisme, ne soient plus lus que pour leur valeur documentaire, comme demeurent exemplaires les batailles de Voltaire pour la liberté de la pensée et de l'individu. Mais c'est l'œuvre de l'écrivain dont l'avenir reste indéchiffrable. Sa diversité a donné dans tous les genres avec un inégal bonheur. Je ne crois pas aux maigres romans gnangnan, pas davantage aux Faux-Monnayeurs, mais aux petits traités du début, si originaux, peut-être aux Caves, aux souvenirs et, certainement, au Journal. Les générations qui viennent n'imagineront pas de quel empois moral il a contribué à nous débarrasser. Pour moi, il m'a conforté dans un souci d'exigence. La liberté sexuelle, elle m'était acquise, naturellement, sans questions inutiles : je voulais aimer qui j'aimais, et n'avais besoin ni d'un guide ni d'un blanc-seing. Mais il a eu, certainement, une influence libératrice sur beaucoup, et surtout sur la société. Ce n'était pas rien ! »
Le tome 9 de L'invention du temps, le journal de Claude Michel Cluny, est paru en janvier dernier aux Editions de la Différence, sous le titre Moi qui dors toujours si bien. Un titre emprunté à la réponse que faisait Florence Gould quand on lui demandait si elle avait peur de la mort. Dans le premier tome, Le silence de Delphes, couvrant les années 1948-1962, Cluny évoquait Gide à l'occasion de sa mort en février 1951 :