Reks : R.E.K.S. (Rhythmatic Eternal King Supreme) (Showoff Records/Brick Records)
Cette année le MC de Boston était attendu au tournant. Suite au succès de son Grey Hairs en 2008 qui l'a réellement fait exploser
au sein de l'underground, Reks a gentiment surfé sur sa menue côte de popularité. Lorsque ce dernier a donc annoncé la sortie de ce nouvel album intitulé R.E.K.S. (pour
Rhythmatic Eternal King Surpeme, rien que ça), de nombreux amateurs se sont surpris à saliver. Servi par une diversité appréciable de producteurs comme Pete Rock, Lil'
Fame, DJ Premier, The Alchemist ou encore l'inépuisable et épuisant Statik Selektah, cet opus avait tout pour devenir une galette
d'excellente facture. Mais voilà, comme souvent la réalité artistique rattrape l'alléchant effet d'annonce. Malgré une entame assez basique introduite par un "25th Hour" de Premo
sans surprise et un "Thin Line" de Pete Rock plutôt plaisant, R.E.K.S. s'enfonce peu à peu dans le rendu terne d'Alchemist ("Why Cry") ainsi que dans le
stakhanovisme forcené de Statik Selecktah à l'image de "This Or That" et sa resucée du sample de Them Two déjà utilisé pour le "Purified Thoughts" sur le dernier Ghostface.
Sha Money XL et Hi-Tek ont beau apparaître au tableau, le résultat ne fera que confirmer la médiocrité d'un album déjà condamné. Seul "Cigarettes" produit par
Lil Fame parvient à faire relever la tête à ce projet battu d'avance. Reks semble avoir très mal négocié son virage.
Malcolm & Martin : Life Doesn't Frighten Me (Soulspazm)
Emmenés par DJ Revolution, Malcolm & Martin (KB Imean de New York et Styliztik Jones
de L.A.) continuent sur leur lancée old school depuis leur interprétation du Criminal Minded du Boogie Down Productions en 2010. Dignes héritiers culturels du mouvement
des droits civiques des années 1960, le duo affirme clairement ses références : Malcolm X et Martin Luther King. Deux personnalités historiques, deux visions politiques pour un même horizon
d'attente. Avec ce Life Doesn't Frighten Me, les deux MC ne dérogent pas à leur grille de lecture. A l'heure où le premier homme noir à siéger à la Maison Blanche continue de susciter un
enthousiasme relatif au sein de la communauté hip hop, Malcolm & Martin n'en n'abandonnent pas pour autant leur combat quotidien instigué par la génération KRS
One et Public Enemy. Résultat des courses, un opus dans une veine fin 80's début 90's entièrement produit par Revolution (à l'exception de "Movement
Music" joué par Marco Polo) rempli de multiples clins d'oeil dont un hommage bégayant au film Do The Right Thing de Spike Lee ("Welcome To The Movement"). Un parti pris
courageux qui n'hésite pas à faire la part belle aux breaks secs et aux productions dépouillées teintées d'un funk pétillant ("Lunchtyme Cyphers", "Bamboozled", "Thank God"), le tout servi par
des flows constants. Les amateurs de oldises seront certainement comblés à l'écoute de morceaux comme "Win Or Lose", "Sista Big Butt", ou "Do It Again" criblés de cuts de James Brown. Life
Doesn't Frighten Me reste avant tout fidèle à cet esprit qui animait le hip hop il y a environ une vingtaine d'années.
Show & KRS One : Godsville (D.I.T.C. Records)
Aujourd'hui, ce bon vieux KRS One ne semble plus vouloir assumer un album seul comme en témoignent ses récentes
collaborations avec son ancien rival Marley Marl (Hip Hop Lives, 2007), Buckshot (Survival Skills, 2009) ou encore True Master
(Meta-Historical, 2010). Autant de déconvenues qui n'ont apparemment pas entamé l'appétit vorace du "Teacha" en manque de tribunes résonnantes pour relayer les échos de ses légendaires
skills. Alors lorsque la moitié du BDP s'apprête à s'acoquiner avec l'un des plus fameux producteurs du D.I.T.C., on se prend à rêver. KRS One & Showbiz,
l'affiche a forcément de la gueule malgré le désastre graphique de la première cover… Passons outre, le contenu s'avère en revanche plus ragoutant. Si Godsville ne se distingue pas par
la récurrence des propos du "Blastmaster", les productions de Show diffèrent du style habituel. "Improve Myself", "This Flow", "Show Power" empruntent ainsi des sonorités ouatées
qui font de cet opus un boom-bap cotonneux très actuel auquel le français E-Blaze vient se greffer magistralement sur "The Truth". Une direction artistique déroutante pour ceux
qui s'attendaient à une mise en scène plus percutante façon Diggin' In The Crates. Au final, à défaut de satisfaire pleinement, Godsville s'en sort avec les honneurs du jury bien
qu'une pointe de déception nous empêche de crier victoire.
Big K.R.I.T. : Return Of 4ever (free
download)
Révélé l'année dernière grâce à son album digital K.R.I.T Wuz Here, le MC-producteur Big K.R.I.T. réussit un
doublon impeccable avec ce Return Of 4ever disponible depuis peu sur la toile en téléchargement gratuit. Une montée en puissance fulgurante pour le natif du Mississippi élevé au son
d'8Ball & MJG, Scarface et UGK dont on retrouve des résidus sur des morceaux comme "R4 Theme Song", "Get Right", ou "Rotation" et son bounce
relevé. Un sans faute pour un nouveau projet réalisé en indépendant qui allie saveurs sudistes et finesse d'exécution., K.R.I.T. se payant même le luxe d'un remix avec son idole
Bun B sur "Country Shit". Pour chipoter nous dirons que cet opus est peut être un poil inférieur à son prédécesseur bien que la qualité s'avère une fois de plus excellente. Du
bel ouvrage.