Le premier cosmonaute a décollé il y a 50 ans.
Son prénom retentissait comme un cri de ralliement, ŤYouri !ť. Et, jusqu’au petit pas pour l’Homme de Neil Armstrong, il fut le plus célčbre de tous. Une célébrité instantanée, universelle : Youri Gagarine fut le tout premier dans l’espace, un vol de 108 minutes, dont 89 sur orbite. Un événement historique, capital, qui relevait tout ŕ la fois de l’exploit technologique ŕ l’état pur, de la propagande politique et, bien sűr, de la rivalité entre ce qu’il était convenu d’appeler les deux Blocs, URSS et Etats-Unis.
De son vivant, Gagarine a profité 7 ans ŕ peine de la célébrité. En effet, il perdit la vie en 1968, aux commandes d’un MiG-15, au moment oů la course ŕ la Lune envahissait l’actualité. Aussi fut-il momentanément oublié, injustement, avant que son sourire digne d’un casting de propagande soviétique ne bénéficie, anniversaire aidant, d‘un regain d’intéręt. Y compris la petite phrase historique qu’il aurait prononcée quelques secondes avant le décollage de l’imposant Vostok 1 : Ťon y va !ť.
Il n’est męme pas nécessaire de rappeler l’impact considérable de cet exploit spatial. L’URSS était solidement installée sur le plus haute marche du podium, aprčs le choc planétaire du premier satellite artificiel (Spoutnik, le 4 octobre 1957) puis le saut dans l’espace de la malheureuse chienne Laďka. On travaillait beaucoup, derričre le rideau de fer, d’autant que les missiles balistiques intercontinentaux, ICBM redoutés, porteurs de menaces terrifiantes, constituaient une base de travail irremplaçable pour des ambitions spatiales civiles.
A l’époque, on ne savait rien, les secrets étant bien gardés, sous la houlette du Kremlin et du KGB. Nous ne connaissions męme pas le nom de Sergvaď Korolev, émule de Konstantin Tsiolkovski et Friedrich Tsander, sorte de Wernher von Braun aussi doué que son rival germano-américain. Une époque bénie en matičre de grandes avancées techniques, sur fond de Guerre Froide, c’est-ŕ-dire avec des motivations qui ne se contentaient pas de prendre en compte le bonheur et la soif de connaissances de l’humanité.
Que pouvait bien en penser le jeune Gagarine ? L’a-t-on jamais su ? Né en 1934, jeune pilote militaire en męme temps que parachutiste hors pair, candidat cosmonaute de la premičre heure, sélectionné pour son profil parfait, męme politiquement, il devint le premier. Un titre que personne ne pourrait jamais lui ravir. Il fut plus célčbre que Korolev confiné dans l’anonymat le plus absolu. Ainsi allait l’URSS…
Cet épisode est désormais bien lointain. Il est gravé dans le marbre, certes, mais d’autres événements sont vite intervenus pour en relativiser l’importance, ŕ commencer par le discours de John F. Kennedy de mai 1961, prononcé 42 jours exactement avec le vol de Gagarine, demandant la Lune avant la fin de la décennie. Gagarine, entre-temps, avait disparu prématurément et Apollo 11 ne put gâcher sa joie. Pire, l’URSS avait perdu la main et, avouant implicitement qu’elle visait avant tout une victoire géopolitique, elle se retira de l’épreuve alors qu’elle avait espéré poser des cosmonautes sur la Lune dčs 1968, grâce au colossal lanceur N1.
Jacques Tiziou, spécialiste reconnu de l’espace , a bien connu Gagarine, l’a interviewé ŕ plusieurs reprises et, aujourd’hui encore, le qualifie de Ťsuper talentueuxť. Et d’ajouter : Ťavec Shepard, Grissom, Titov, Glenn et bien d’autres, il nous a ouvert la porte des étoiles, qui était lŕ depuis toujours, mais dont nous n’avions pas encore la clefť. Pour Jacques Tiziou, pour des raisons que nous connaissons tous, l’heure est venue de faire une halte, économique et politique. Il est vrai qu’il y a 50 ans, rappelle-t-il, ces avancées étaient soutenues, encouragées par la compétition.
Signe des temps, au moment męme oů est célébré l’exploit de Gagarine (1), Virgin Galactic publie une annonce trčs remarquée dans la rubrique des offres d’emploi : elle va recruter les premiers pilotes-astronautes qui prendront les commandes de ses avions-fusée SpaceShipTwo. Les candidatures seront reçues jusqu’au 30 avril et demandent, outre la citoyenneté américaine (2), des pilotes familiers avec les essais en vol et forts d’une solide expérience professionnelle, 3.000 heures au moins. Moyennant quoi Virgin Galactic peut s’attendre ŕ recevoir plusieurs milliers de dossiers. Ils émaneront de jeunes gens et jeunes filles qui n’étaient évidemment pas nés ŕ l’époque oů Gagarine souriait aux photographes de l’agence officielle Tass, pas plus qu’ils n’ont assisté ŕ l’alunissage de juillet 1969. Mais les candidats connaissent certainement leurs classiques et, attendent déjŕ le moment extraordinaire qui leur permettra de s’écrier Ťon y va !ť
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Au Bourget, le musée de l’air et de l’espace consacre la journée du 12 avril ŕ Youri
Gagarine. Et une exposition lui est consacrée au Palais de la Découverte, ŕ Paris.
(2) Cette exigence est inattendue, bien que la compagnie soit établie aux Etats-Unis.
Virgin Galactic appartient au groupe britannique Branson et son chef pilote d’essai, David MacKay, est un sujet de Sa Majesté.