Je viens d’achever la lecture de l’’une des références précoces du thriller – le livre date des années 70, bien avant la vague des thrillers sur les serial killers, dont j’ « entendais » beaucoup parler sur la blogosphère : L’Âme du mal de Shane Stevens, beau pavé de presque 900 pages qui se sont faites compter sur la fin…
À 10 ans, Thomas Bishop est placé en institut psychiatrique après avoir assassiné sa mère. Il s'en échappe quinze ans plus tard et entame un périple meurtrier à travers les États-Unis. Très vite, une chasse à l'homme s'organise : la police, la presse et la mafia sont aux trousses de cet assassin hors norme, remarquablement intelligent, méticuleux et amoral. Les destins croisés des protagonistes, en particulier celui d'Adam Kenton, journaliste dangereusement proche du tueur, dévoilent un inquiétant jeu de miroir, jusqu'à un dénouement captivant. A l'instar d'un Hannibal Lecter, Thomas Bishop est l'une des plus grandes figures du mal enfantées par la littérature contemporaine, un héros " terrifiant pour lequel on ne peut s'empêcher d'éprouver, malgré tout, une vive empathie. Au-delà du mal, épopée brutale et dantesque, romantique et violente, à l'intrigue fascinante, constitue un récit sans égal sur la façon dont on fabrique un monstre et sur les noirceurs de l'âme humaine.
En entamant ma lecture, j’ai clairement ressenti la même admiration que beaucoup pour ce livre : il début en effet par une centaine de pages absolument géniales et remarquablement écrites sur les parents de notre serial killer, Thomas Bishop, qui m’ont rappelé certains grands romans américains, secs et efficaces. La lecture de ces cents pages justifierait presque à elle seule de se plonger dans ce livre.
L’étape suivante, c’est-à-dire la « naissance » de Thomas Bishop comme tueur en série, est elle aussi remarquable : on suit de l’intérieur cet être machiavélique, extrêmement intelligent, totalement névrosé (on s’en doute …) dans ses machinations toutes plus géniales les unes que les autres pour s’évader d’un hôpital psychiatrique puis commencer son « œuvre ». Là encore, c’est du grand art. Tout cela est habilement entremêlé de passages sur le rôle de la presse ou le débat sur la peine de mort, donnant au livre une résonance historique très intéressante.
J’ai en revanche été un peu déçue par la seconde moitié du roman, c’est-à-dire par la chasse à l’homme organisée par la police, puis par un journaliste, pour arrêter Thomas Bishop qui devient de plus en plus insaisissable. Plusieurs intrigues sont alors mises en parallèle, d’une manière au début intéressante puis assez répétitive, jusqu’au final qui est, pour le coup, à couper le souffle mais qui arrive peut-être un peu tard. A cela s’ajoutent quelques maladresses de style, dont un recours trop fréquent et trop balisé à mon goût au discours narrativisé, qui a l’avantage d’épouser les réflexions des différents acteurs mais crée à la longue une certaine lourdeur.
Bref, je comprends très bien la place particulière de ce roman dans l’histoire du thriller et son caractère novateur dans le traitement des serial killers, sans le placer pour autant comme certains parmi les chefs d’œuvre de la littérature contemporaine.