Pourtant, au coeur du pouvoir se logent cinq collaborateurs qui incarnent, chacun à des degrés divers, l'ancrage « extrême-droitiste » du candidat Sarkozy.
Brice Hortefeux
Il pose dans Paris Match, la main droite posée sur un carton de déménagement Demeco. « Débordé », commente-t-il. Il « revient » au Parlement européen. Il n'y a pas vraiment mis les pieds. Avant Eric Besson, son successeur au ministère de l'identité nationale, Brice Hortefeux était l'incarnation du discours dur et anti-immigration au sein de l'équipe Sarkozy. Condamné pour injure raciste (une décision de justice contre laquelle il a fait appel), l'ancien ministre est désormais conseiller politique officieux de Nicolas Sarkozy.
Il fait, paraît-il, son « come-back » cette semaine. Il nous confirme que Sarkozy est bien en campagne pour sa réélection, via un joli lapsus : « Je ferai office de directeur de campagne. Mais je ne tiens pas au titre. » A l'Elysée, on doit s'agacer. Même hors du gouvernement, « l'ami de 30 ans » continue ses bourdes.
Gérard Longuet
Quand il était sénateur, en même président du groupe UMP au sein de la Haute Assemblée, l'actuel ministre de la Défense s'est illustré par quelques propos aux sales relents que rappela Bruno Roger-Petit à sa nomination. Ainsi Longuet regrettait-il que Malek Boutih, un temps considéré pour diriger la Halde en remplacement de Louis Schweitzer, ne fasse pas partie du « un corps français traditionnel.»
Depuis qu'il a rejoint, enfin, l'équipe gouvernementale, il se concentre sur sa guerre en Libye et dans les pays arabes. On ne l'entend plus trop s'exprimer publiquement.
Maxime Tandonnet
Cet homme est dangereux, très dangereux. Il a eu un passé à gauche. Il a glissé depuis. Ces propos, publics, le classent sans conteste hors du champ républicain, loin de notre consensus qui va des gaullistes aux communistes. Et pourtant, il conseille Nicolas Sarkozy. C'est son métier, conseiller intérieur et immigration à l’Elysée. Il a été la plume du Monarque pour son sinistre discours de Grenoble. Curieusement, il continue de se livrer régulièrement sur un blog personnel.
Maxime Tandonnet - c'est son nom - n'aime pas la « prolifération de décisions des juridictions dans les domaines régaliens qui deviennent un obstacle réel à la conduite des politiques. » Il ajoute : « Bien sûr ce phénomène n’a rien de bien nouveau mais il s’accélère depuis quelques années à un rythme vertigineux. »
Il donne quelques exemples de ces obstacles constitutionnels ou juridiques qui « gênent » l'action politique de son Monarque. Ainsi, il n'apprécie pas la réforme de la garde à vue, « imposée par la cour européenne des droits de l’homme et par le Conseil constitutionnel, rendant obligatoire la présence de l’avocat dès le début, et qui préoccupe beaucoup les policiers quant à l’efficacité des enquêtes.» Il critique le Conseil d’Etat qui, « s’appuyant directement sur 'la directive retour de 2008'» , « vient de rendre un avis le 21 mars 2011 qui de facto, bloque en grande partie les reconduites à la frontière des migrants en situation illégale, jusqu’à la promulgation d’une future loi en débat au Parlement.» Il n'aime pas davantage cet avis de la Cour de Justice de l’Union européenne du 22 juin 2010 « qui limite fortement, en vertu du système Schengen et de la libre circulation, la possibilité d’opérer des contrôles frontaliers dans une bande de 20 kilomètres pour lutter contre l’immigration illégale.»
Tandonnet a son explication de la multiplication de ces blocages judiciaro-humanitaires : « les instances européennes, les juridictions suprêmes font partie de ces élites sous l’emprise de la pensée unique sur la sécurité et l’immigration, qui privilégient les droits formels des individus sur l’intérêt général ou celui des personnes dans leur vie quotidienne.»
Rassurez-vous, Tandonnet explique que la Présidence Sarkozy s'attelle à ces blocages : « Nous luttons contre cette tendance, avec acharnement, point par point, sans relâche, mais à contre-courant.» Il espère un recours plus large au référendum, la tentation bonapartiste, tendance Napoléon III.
Claude Guéant
Moins discret, plus officiel, il a trouvé ses marques. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, doit « fixer des objectifs » à l'immigration légale cette semaine. Depuis qu'il a été nommé, il suit une feuille de route claire et précise : chaque semaine, il doit parler immigration, légale ou pas, et des problèmes qu'elle causerait à la population française « de souche ». Pour ce faire, il est prêt à toutes les approximations, même les plus illégitimes : des « franco-musulmans » (curieux concept dans la bouche d'un ministre d'une République laïque) aux « 5 à 6 millions de Musulmans » que compterait la France (l'INED n'en dénombre que 2 millions...), Claude Guéant a la froideur de ces hauts-fonctionnaires qui font leur devoir sans se préoccuper du fond. Ainsi, dans les colonnes du Figaro ce weekend, il a « rationalisé » ses provocations contre l'immigration légale. Les 31.000 immigrés économiques « choisis » seraient trop nombreux: « Il n'y avait pas la crise quand, en 2007, le gouvernement s'est lancé dans une politique privilégiant l'immigration professionnelle » a confié l'un de ses conseillers pour expliquer, après-coup, la dernière attaque de Claude Guéant contre l'immigration légale : « Aujourd'hui, le taux de chômage des étrangers (hors CEE) vivant sur le territoire français atteint 24 %, soit deux fois environ le niveau que connaissent les nationaux.» Les immigrés, mêmes légaux, chipent le travail des bons Français... le cliché frontiste est bien légitimé .
Le regroupement familial (9.000 conjoints et 6.000 enfants environ en 2010, pour l'essentiel des algériens, marocains, tunisiens et turcs), seraient également insupportables à supporter. Les 10.000 demandeurs d'asile acceptés l'an dernier seraient des clandestins déguisés : « En matière d'asile, notre pays est plus généreux, malgré les restrictions apportées, que l'Allemagne ou le Royaume-Uni, alors que nous appliquons les mêmes conventions internationales ! » s'est écrié Guéant.
Patrick Buisson
On ne présente plus Patrick Buisson, conseiller politique de Nicolas Sarkozy. Il ne figure pas dans l'organigramme officiel de l'Elysée. Depuis 2009 et ce fichu rapport de la Cour des Comptes, on sait qu'il était rémunéré quelque 1,5 million d'euros par an pour réaliser des études d'opinions.
C'est un conseiller « extérieur », prestataire via sa société Publifact. Souvent présenté comme l'architecte de la stratégie frontiste actuelle du monarque. Il s'est récemment exprimé dans les colonnes de Paris Match. Il dénonça la prolophobie des élites. Il déclarait aussi, avant que l'hebdomadaire ne retire ces propos de son site, qu'il faudrait réserver le RSA aux Français. Un vieux discours populiste de bas étage et mauvaise facture, habituel dans la sphère de l'extrême droite.
Patrick Buisson travaille beaucoup avec un conseiller officiel de la Présidence, Julien Vaulpré. L'an passé, ce dernier avait été surpris travaillant activement à la création d'une nouvelle société de sondages. Il démarchait quelques grosses sociétés du CAC40. Cette entreprise « bénéficierait d'un contrat de cinq ans avec l'UMP », car « l'entreprise veut avoir des clients privés, éventuellement des clients politiques », précisait Julien Vaulpré. Depuis, Julien Vaulpré alimente Bruno Le Maire, chargé du programme pour 2012.