Dans le New York Times du 1er avril (et ce n’est pas un poisson…), un éditorialiste décrypte la belle idée qu’est encore l’Amérique, malgré un effritement économique et même une fragilisation de son assurance d’antan avec la poussée d’une Chine qui entend avaler le monde. Pourtant, le New York Times souligne qu’avec les USA, « aucune autre nation n’a une telle place dans l’imaginaire planétaire ». Et ne cherchez pas un parti pris forcé et peu objectif de la part de ce grand quotidien américain, car aucun autre pays ne peut rivaliser avec le continent nord-américain quant à sa capacité à imposer ses rites, ses images, son mode de vie universels…
Ainsi, dans le concert des grandes nations, la Russie ne passionne guère : elle garde encore les traces de son passé communiste avec une « élite » (le mot est trop fort sans doute) corrompue et une absence de vision exportable et mythique. Idem pour la Chine, dictature froide qui avance à marches forcées, mais manque passablement d’émotion : les Jeux Olympiques ou l’Exposition Universelle ont été de grands spectacles parfaits, si peu chaleureux, si peu incarnés, si peu humanistes. Reste peut-être le Japon, autre puissance historique, qui peut se targuer de faire jeu égal avec les Etats-Unis sur le plan économique. Avec deux bémols toutefois : son absence politique au niveau mondial et une population dangereusement vieillissante qui glisse vers un lent déclin. Ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis, terre d’accueil d’une immigration jeune et enthousiaste qui la revigore en permanence. L’Inde encore, un continent soucieux de garder ses traditions et fort d’une culture identitaire authentique, mais qui peine à sortir de ses images folkloriques, demeurant encore trop fermé sur lui-même et imbriqué dans un système de castes handicapants.
Et l’Europe ?
Un collectif de personnalités a signé un point de vue (assez mou et peu convaincant...) dans Les Echos du 8 avril pour défendre l’Europe, qui avec ses 500 millions de citoyens, est une grande puissance. C’est vrai sur le plan économique, ça ne l’est pas sur les plans politique et culturel. La faute aux Européens eux-mêmes bercés par les sirènes nationalistes des partis extrémistes, mais pas seulement : les gauches et les droites modérées n’hésitent pas à accuser l’Europe pour masquer leurs piètres choix politiques et leurs désastres sociaux.
Pour se faire entendre au plan mondial, l’Europe a toujours besoin des Etats-Unis qui gardent leur leadership pour résoudre, ici des tensions, là des guerres. Terre touristique attractive qui séduit la planète, l’Europe n’en est pas moins hostile aux étrangers dans de nombreux pays. Et si l’Europe a un physique et une conscience —voire…—, elle n’a pas d’âme, elle n’est pas incarnée par un imaginaire collectif qui la rendrait attachante et incontournable. Or, combien d’individus, de citoyens évitent l’Europe ? Elle est perçue comme une machine incontrôlable à produire des règles et des charges, des compromis et des consensus. Tentée par l’isolement nationaliste, dans de nombreux pays européens, dont la France, l’Europe voit resurgir les vieux démons de la haine de l’autre. Pendant que des pays en Afrique, au Moyen-Orient se battent pour acquérir leur émancipation démocratique, l’Europe s’enracine dans un archéo-fascisme indigne pour un territoire qui inventa la liberté de sourire à l’avenir.
L’Europe décline déjà dans les esprits, demain, elle va péricliter dans les faits. Il est grand temps qu’elle se réveille si elle ne veut pas totalement disparaître dans l’imaginaire planétaire, si elle ne veut pas devenir un lieu où on passe quelques jours pour caresser ses vieilles pierres sans jamais s’enraciner.