Manuel, le héros du roman de Jacques Roumain, a travaillé 15 ans à Cuba, fréquenté les syndicats et revient avec un langage qui emprunte à la langue espagnole, qui n’a pas oublié le créole ni le français. Il découvre un pays victime de sécheresse à cause d’un déboisage intensif, une région dont Hilarion, chef de la police, espère pouvoir acheter les terres sans dépenser trop, une fois que celles-ci seront considérées comme improductives par les habitants.
Il va dès son retour s’employer à trouver une source, à rendre aux habitants, aux travailleurs, le titre de « gouverneurs de la rosée », malgré cet Hilarion qui rêve d’une taxe sur l’eau retrouvée, malgré les rivalités qui sont nées dans le pays pendant son absence. Il y a dans ce récit une réflexion sociale et politique qui met l’homme et la femme au centre, et non les dieux, les « Bondieu bon », et non les morts, qu’il faut respecter mais qui ne décident plus de la vie. Le sens du sacrifice est aussi très fort dans ce roman qu’on lit comme si on découvrait l’histoire d’Haïti page après page. Une histoire douloureuse, une histoire d’amour, une histoire de courage, une histoire d’humanité, une histoire universelle. La question de la maîtrise de l’eau est bien sûr essentielle dans ce livre et je pense au film récent d’Icíar Bollaín, Même la pluie, dont j’ai fait état récemment dans ce blog.
On quitte à regret Manuel, Annaïse, Délira Délivrance, figure maternelle, dont les premiers mots ouvrent le livre (« Nous mourrons tous… »), Bienaimé, le père, désagréable et touchant, et les autres, qui font le village de Fonds-Rouge (« C’est dur les habitants, et rude »). Il leur reste, à la fin du roman, à mettre en œuvre les recommandations de Manuel pour une vie sociale et économique juste.
Jacques Roumain inscrit une date à la fin de son livre (7 juillet 1944). Il meurt le 18 août de la même année, dans son pays.