Rendre hommage à la « ville monde » qu’est New York n’est pas chose aisée et quand bien même on s’attaque à la face Hip Hop de la mégapole la tache est semée d’écueils et de poncifs en embuscade prêts à vous sauter à la gorge. Malgré la difficulté d’une telle entreprise, Faf Larage et Akhénaton ont abordé la thématique avec spontanéité et entrain pour un voyage dans le temps au cœur de la Grosse Pomme des années 1990-2000. We Love New York ou le témoignage musical d’un kiff de toute une vie, entre ego-trip, coups de gueule, souvenirs et vannes à la chaîne.
Return at the Mecca
Ce qui au départ ne devait être qu’une tape intitulée I Love New York réalisée sous la férule d’Akhenaton est devenu peu à peu un album à part entière. L’arrivée de Faf Larage sur le projet a semble-t-il été déterminante tout comme leur passion commune pour ce rap new yorkais qui a rythmé et qui rythme encore leur vie musicale. Si le frère de Shurik’n s’est très vite frotté à cette nouvelle vague née de l’autre côté de l’Atlantique, c’est Akhenaton qui a été un des premiers en France à s’être rendu sur place afin de prendre le pouls de cette révolution culturelle. Dès le milieu des années 1980, celui que l’on nomme Chil, sonde les bas fonds de New York en bravant les dangers et en se moquant des différences, halluciné par ces vibrations funk sur breaks trépidants. Au contact du pionnier DJ Red Alert, AKH apprend, regarde, analyse et participe même à ce foisonnement discographique en posant un verse sur « The B Side » des Choice Mc’s de Brooklyn en 1986 (« Straight up from France my man Chil Phil… »). Depuis son point de chute à Fort Greene le jeune français à moustache dévore tout ce qui passe à sa portée : les Jungle Brothers, King Sun, De La Soul, Rakim. Et lorsqu’il revient au pays, ses proches se régalent des ces nouveautés importées tout droit des States. Par la suite, les relations avec la ville continueront de plus belle, entre 1995 et 1997 période durant laquelle deux opus historiques Métèque et Mat et l’Ecole du Micro d’Argent sont enregistrés (en partie) à New York et font état de son influence prépondérante comme l’atteste la présence du groupe Sunz Of Man sur « La Saga ».
En 2010, alors que le rap français ne cesse de s’égarer dans la médiocrité malgré quelques lueurs d’espoir, Faf Larage et Akhenaton prennent le parti de revenir aux fondamentaux dont ils se réclament à l’instar de rappeurs comme Ron Brice ou Soulkast dont l’inspiration est fortement ancrée dans les 90′s. Si pour certains ce retour à la base ne semble être qu’un prétexte pour masquer un manque de créativité, d’autres y verront une position sincère et louable. Question de point de vue. Toujours est-il qu’on ne les attendait pas forcément aussi affûtés.
New York, state of mind
Sorti en indépendance totale sur Me-label, une structure créée par Akhenaton afin de s’affranchir des exigences des grandes maisons de disques, We Luv New York s’apparente à un projet à dimension plus « humaine ». Malgré l’abandon de nombreux morceaux en raison d’une déclaration de samples trop onéreuse et un single « On Rêvait New York » rebutant, l’album repose sur une atmosphère typiquement East. Beats secs, samples épurés, le tout revêtu d’un habillage musical contemporain, l’opus colle dans sa forme au concept. Big L, KRS, le Wu, Rakim, Big Daddy Kane, (« We Love New York »), les références sont là où on les attendait et déboulent en une rapsodie emprunte de profond respect. Entre textes consacrés à la dimension individualiste de la ville (« Zoom sur la ville »), et odes à la dynamique Hip Hop (« The Show »), les deux MC en profitent pour digresser avec un plaisir non dissimulé vers le traditionnel ego-trip (« T’es d’où ? », « T’es pas là ») et la vanne sèche (« Je danse pas », « Le sens du mot flow »). Tous les prétextes sont bons pour lâcher des punchlines bien senties à l’image de « Euh… » basé sur des rimes inspirées d’un freestyle de Faf Larage enregistré en 2006 lors d’une émission animée par Cut Killer. Si dans le fond on parle plus du sujet rapologique que de New York, certains renvois se font de manière plus détournée comme ce refrain de « MRS » emprunté au fameux « T.O.N.Y. » de Capone -N- Noreaga. On regrettera tout de même que l’opus ne soit pas plus clairement orienté vers la thématique de départ, ce qui risque de laisser l’auditeur quelque peu frustré.
Au final, WLNY repose sur une assise confortable (« Ni fouet ni maître », « In memory of your », « Clubber Lang Music ») sans jamais dénoter. Une constance appréciable tenue avec fraicheur par deux MC qui ne se font pas prier pour kicker sur le mic. Sans être renversant, cet opus s’écoute avec un plaisir certain.