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[Critique] Essential Killing

Par Kub3

Instincts basiques

Récompensé par le prix du jury à la dernière Mostra de Venise, Essential Killing évite les pièges du “film de poursuite” et renvoie l’être humain à ses instincts les plus primitifs.

[Critique] Essential Killing

Des soldats armés au milieu d’un canyon. Ils échangent quelques blagues. Mais leur mission, elle, est bien sérieuse, puisqu’ils cherchent à mettre la main sur leurs ennemis. Nous n’en saurons pas plus. Terré dans l’ombre, un homme ouvre le feu. Il tente de fuir, mais très vite il se retrouve cerné par les hélicoptères qui quadrillent le périmètre.

Aucun cadre auquel le spectateur puisse se raccrocher : Jerzy Skolimowski ne donne aucune indication, ni spatiale, ni temporelle. A peine quelques éléments qui renvoient à la réalité – l’uniforme orange que portent les prisonniers dans le camp, référence à Guantanamo que l’on n’imagine pas anodine. Mais d’emblée, la lecture politique du film ne s’impose pas comme une évidence. Le véritable sujet est ailleurs. Au cours d’un transfert, notre prisonnier parvient par le plus grand des hasards à s’échapper. Dès lors, le rythme s’emballe : la traque est lancée.

Essential Killing, c’est l’histoire de cet inconnu, joué par Vincent Gallo – lui aussi récompensé à Venise – qui tente d’échapper à ses poursuivants, tout en luttant pour sa survie. Les contours du personnage restent très flous : qui est-il ? Qu’a-t-il vécu dans le passé ? Les quelques flashbacks ne donnent que des pistes, que le spectateur interprète à sa manière. On peut imaginer qu’il s’agit d’un taliban, mais qu’importe : ce qui intéresse Skolimowski, c’est ce retour à l’animalité. Seul en pleine nature, lâché dans un environnement qu’il ne connaît pas, Mohammed (c’est le nom que lui donne le générique) doit surmonter ses peurs et survivre. A mesure qu’il s’enfonce dans cette forêt hostile, le personnage se fait plus silencieux, plus animal. Vincent Gallo, mutique, parle avec son corps et son regard. Dans sa tenue camouflage blanche, il se confond avec la nature.

Skolimowski fait l’économie de la musique. Son film est quasiment muet. Il ne reste plus que des sons : un souffle, une respiration, un gémissement, qui viennent troubler une nature impassible. C’est l’une des grandes qualités du film : ce travail sur le son, qui permet au spectateur une immersion complète. Victime d’une déflagration avant sa capture, Mohammed semble être devenu sourd. Dans sa mise en scène, le réalisateur polonais s’attache à toujours rester au plus près des sensations de son personnage, de ses vertiges, ses déséquilibres. Dans ce registre extrême, Vincent Gallo impressionne : l’acteur est totalement habité par son personnage d’homme redevenu primitif, régi par ses instincts primaires. Mis en danger, il n’hésite pas à tuer. Certaines séquences heurtent, car au-delà de la souffrance physique qu’elles représentent, elles saisissent l’essence profonde de l’être humain : confronté à la peur et à faim, il renoue avec sa nature bestiale.

Débarrassé de tout superflu, le film va à l’essentiel : Skolimowski fait confiance au pouvoir des images qu’il montre. C’est dans ce refus du sensationnalisme, dans cette radicalité qu’Essential Killing puisse sa beauté et sa force.

[Critique] Essential Killing

En salles le 6 avril 2011

Photo : © Surreal Distribution


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