Pourquoi s'attaquer à TSF Jazz, la radio de tous les Jaaazzz ? Parce que le même homme, M. Sébastien Vidal, dirige la programmation de cette radio, celle du Duc des Lombards, un des grands clubs parisiens, produit des albums, dirige une soirée annuelle à l’Olympia où les musiciens sont invités à jouer sans être payés. Finalement, refuser de passer par ce système, c’est s’exposer à une censure économique : ne pas être produit, diffusé. Dans la littérature, c’est dénoncé tous les ans lors de la remise des prix littéraires trustés par la famille « Galligrasseuil ». Dans le Jazz, tout le monde se tait, par peur.
D’où vient ce système ? Le Jazz, c’est bon pour l’image. C’est classieux comme disait Serge Gainsbourg. Cette musique souffre d’une dérive mercantiliste. TF1 dit clairement les choses. Son PDG, Nonce Paolini, est un fou de Jazz ( une collection de plusieurs de dizaines de milliers d’albums en vinyle et en CD) mais il n’en passe pas sur sa chaîne. TSF Jazz prétend diffuser tous les Jazz alors que c’est faux. Il suffit de regarder sa grille de programmes pour s’en apercevoir.
Quelle utilité de prendre ainsi la parole ? Les musiciens de Jazz autrefois étaient des durs, des indomptables. Mingus, Miles Davis, Monk. Aujourd’hui, ils sont soumis, ils ont peur. Les musiciens sont trop individualistes. Chacun essaie d’exister dans son coin. A Hollywood, les scénaristes ont fait grève et les producteurs ont dû céder parce qu’ils ne pouvaient pas s’en passer. Le Jazz c’est pareil. Sans musiciens, pas de spectacle, pas de business.
Qu’est ce qui ne passe pas sur TSF Jazz ? Nous sommes dans une période bénie pour le Jazz, pour la production. Il y a une nouvelle génération de musiciens formidables, qui pousse et qui ne passe jamais sur TSF Jazz. Rien que pour la guitare : David Doruzka, Nelson Veras. Pourtant, ce sont eux qui laisseront des traces dans l’histoire de cette musique.
Comment y remédier ? Il y a un phénomène corporatiste autour du Jazz. Le musicien est le dernier à avoir la voix au chapitre. J’avais un projet d’émission pour TSF afin de passer de la musique qui, justement, n’y passe pas, afin que cette radio soit vraiment, comme elle le prétend, la radio de tous les Jazz. Je n’ai pas eu de réponse, pas même négative.
Pourquoi est-ce vous qui vous exprimer ? Tous les musiciens le disent en privé. Mais ils n’osent pas l’écrire. Cela arrive dans un climat particulier (proximité des élections en France, printemps arabe, catastrophe nucléaire au Japon). L’air du temps est au changement, à la remise en cause. Le blog est un cahier de doléances. Ensuite on verra ce que cela donnera. Peut-être que les virages que j’ai opérés ces dernières années avec la création de mon propre label, et mes choix artistiques avec des musiciens intègres, me protègent de possibles pressions ou représailles.
Quels sont les effets de cette censure économique ? Le Jazz coûte si cher aujourd’hui (production, diffusion, attachés de presse, festivals à démarcher…) que les jeunes musiciens sont désormais issus de milieux très aisés pour une grande majorité d’entre eux. Cela n’enlève évidemment rien à leur talent. Qu’on écoute le jeune Antonin Tri Hoang qui vient d’enregistrer son premier disque avec Benoit Delbecq pour Bee Jazz pour s’en convaincre. Mais il faut bien comprendre que ces systèmes verrouillés produisent de la ségrégation sociale. Il y des tas de jeunes musiciens magnifiques qui viennent de milieux modestes – nous en voyons pas mal à l’Edim, l’école où j’enseigne – dont je me demande comment ils vont faire pour percer ce plafond de verre. Quand je suis arrivé à Paris en 1988, au CIM il y avait des musiciens qui venaient de partout. Les gars de Sixun n’étaient pas issus des beaux quartiers. Aujourd’hui, c’est une perte de sève. Il ne faut pas oublier que cette musique est aussi née des bas fonds. Louis Armstrong a appris à jouer du cornet en maison de correction ! Maintenant, c’est devenu un produit d’appel, confisqué par des marques.
Comment se manifeste cette position dominante du duopole Duc des Lombards/TSF ? D’abord au Duc, tous les concerts sont filmés. En léger différé ce qui est désagréable pour le spectateur. Et puis, à ma connaissance, rien n’est prévu pour les droits d’auteur des artistes sur ces films. Pourtant les lois sur la propriété intellectuelle prévoient bien une autorisation de l’artiste pour tout enregistrement et diffusion de son travail ainsi qu’une rémunération dudit travail. TSF diffuse des concerts live tous les soirs. Soit, c’est une excellente initiative. Mais quid de la rémunération des musiciens là aussi ? Ils sont venus enregistrer mon Blowing trio au New Morningil y a quelques années. Je n’ai pas le souvenir que nous ayons eu une quelconque rétribution. Ensuite TSF fonctionne avec la sacro-sainte playlist. Qui me dit que ce n’est un moyen de clientélisme, et que le morceau qui a été sélectionné n’a pas fait l’objet d’une tractation avec achat de publicité par le producteur sur l’antenne ? Pourquoi pas, après tout, me direz-vous ? TSF Jazz est une entreprise privée qui doit être rentable. Elle fait ce qu’elle veut de son argent mais qu’elle ne nous raconte pas d’histoire. Ce n’est pas la radio de tous les Jazz. Enfin le même homme, Sébastien Vidal, dirige TSF Jazz, le Duc des Lombards, le festival de Samois sur Seine, produit des albums. Bref il exerce une position dominante dans cette profession. En abuse t-il ? A vous de juger.
Quel est votre message final ? Il ne faut jamais oublier que, dans le Jazz, l’individu est au service du collectif. C’est ce qui fait la force et la richesse du travail de Steve Coleman depuis plus de trente ans par exemple. Il est hors de question de laisser cette richesse collective confisquée par quelques individus fussent-ils d’un abord souriant et sympathique comme Sébastien Vidal. Je n’avais pas d’agenda, de plan préétabli quand j’ai lancé ces emails. Aujourd’hui, il y a un débat de très bonne tenue, très vivant, avec de nombreux acteurs de ce petit monde. C’est déjà magnifique ! Il y a moins d’une semaine, nous étions encore tous silencieux. J’entends dire qu’il faut vite en faire quelque chose de concret, ne pas laisser retomber, faire des propositions, une table ronde, une pétition… Certes, mais laissons dans un premier temps la parole se libérer. C’est une chose trop rare pour ne pas s’en réjouir et prendre le temps de la contempler et de l’entendre. On dirait parfois que tout ce déballage dérange. Ça fait désordre. Bien entendu, très bientôt viendra le temps d’en faire quelque chose qui laissera une trace plus pérenne. Des pistes ont déjà été lancées. La Mairie de Paris réfléchit actuellement à casser l’image de Ville morte que la capitale a développé à l’étranger. C’est peut-être le moment d’aller frapper à leur porte et de proposer qu’ils nous octroient une salle qui serait gérée par une association de musiciens qui souscrivent à l’idée que ce lieu manque à Paris, sur le modèle de l’AMR à Genève. Un lieu qui serait ouvert aux jeunes musiciens, à des jams, avec des prix abordables et qui verraient revenir vers nous toute une jeunesse qui adore notre musique mais ne peut pas se l’offrir rue des Lombards et qui, comme un grand nombre d’entre nous, est otage d’un système fermé.Ces jours-ci, je me disais aussi que ce serait extraordinaire d’avoir un texte, un manifeste, qui dise des choses aussi simples que « le Jazz appartient avant tout aux musiciens, et que sans leur dévouement, leur abnégation, et leurs années d’effort, tous ceux qui vivent de lui seraient au chômage ». Ou bien « nous déclarons que, par notre engagement total à notre musique, quel que soit notre génération, style, chapelle, influence, origine sociale, nous avons fait le choix de la liberté et de l’intégrité sur celui de la cupidité », avec en bas de page des centaines de signatures de musiciens de tous âges et nationalités, des connus, des moins connus… oui, décidément, ça aurait de la gueule. Car encore une fois, plus nous serons nombreux à le dire, plus ces vérités auront des chances d’être entendues.
*Article L111-1du Code de la propriété intellectuelle : Modifié par Loi n°2006-961 du 1 août 2006 - art. 31 JORF 3 août 2006. L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n'est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l'auteur de l'oeuvre de l'esprit est un agent de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France. Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s'appliquent pas aux agents auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique.
" Pourquoi le coq est le symbole de la France? Parce que c'est le seul animal qui chante les pieds dans la m..." Coluche
The World Belongs To Those Who Dare (Paroles et musique de Laurent Coq)
The world belongs to you and me
if only we know how to see
the beauty that lies in a tree
a smile, a kiss, a symphony
The world one day will dance with you
cause you won't fake the things you do
but rather try to remain true
to the kid that once was in you
It's easier to follow the crowd
Than to walk in the narrow path
That leads to who you really are
The world belongs to those who dare
to blow a new song in the air
so we can sing and be aware
that music is the thing to share
Laurent Coq - Crédit photo Juan Carlos Hernandez