Et voilà un autre moment exceptionnel de ma courte expérience de grimpeur qui vient de se réaliser. Il ne s’agit pas de prendre l’avion pendant des heures, ni même d’aller à l’autre du bout du monde, bien que dans mon cas je le sois déjà, non, rien de tout cela !Destination Cape Raoul, des falaises escarpées de plus de 200m de haut sur la Tasman Peninsula, au sud-est de la Tasmanie. Elles m’avaient fasciné lorsque je les eus vus de loin quelques semaines auparavant. Puis un de mes amis, Jed, avait décidé d’y tenter sa chance. Il me montra les clichés d’une magnifique arête d’orgues s’élevant au-dessus de l’océan. Ce fut le déclic.
L’aventure est pour ainsi dire digne d’une journée alpine : engagement, isolement, réchappe difficile et longue très longue journée.
Pourquoi tant se fatiguer me direz vous ? Tout simplement pour ça:
Soyez francs, ça en jette quand même !
Nous avions prévu, une semaine auparavant, d’y partir avec deux autres grimpeurs, Merry, un Néo-zélandais plein d’expérience qui fait du 7b a vue, et Merlin, un Belge que j’ai accidentellement rencontré à Arapiles après qu’il fut tombé sur sa tête (hélico, ambulance et compagnie…)! Et lui fait du 8a après travail. J’étais donc bien entouré !
Ma journée de mercredi de posée, après avoir justifié de l’importance d’une telle entreprise auprès de mon travail, avec une équipe béton et une météo exceptionnelle : tout était rassemblée pour garantir le succès de l’expé !
Je suis passé les chercher mardi soir chez Crazy John (John le fou) : un pote un peu ‘barge’ qui enchaîne les bourdes, mais que l’on adore(nt); la dernière en date, suspendre ses pieds au dessus d’une porte, la tête en bas, et la c’est le drame : chute sur le pouce … opération … et 3 semaines plus tard, il essaya déjà de tester la force de sa main sur sa poutre d’escalade ! Bref Merry et Merlin squattaient chez lui, et m’avaient préparé à dîner juste avant que l’on s’envole pour Cape Raoul.
Après 2h de routes vers l’Est, et un peu de dirtroad, nous étions arrivés un peu au bout du monde, il faut le dire. Tout était prêt, les Friends, coinceurs, cordes (1 ligne fixe et un brin de 60m pour 3!), eau , sac de couchage …
Et à 20h40, les frontales sur la tête, nous commençâmes à marcher par une magnifique nuit étoilée pour rejoindre le « camp de base » qui se situait à deux heures de là .
Cesaria Evora, une douce voix du Cape Vert, s’échappa de mon téléphone, parfait pour se réveiller paisiblement à 6h du matin. Pas de temps à perdre, un peu de muesli sec, du beurre de cacahuète et nous fîmes la première descente en rappel un peu avant 7h.
Une très longue journée nous attendait, car pour accéder a Pole Dancer, le nom de la voie que l’on souhaitait faire sur ce totem, il fallait tout d’abord descendre 30 m en rappel sur une corde que l’on laisse pour pouvoir remonter au retour, puis trouver son chemin le long de la falaise ( en pointille sur la carte ) pour enfin arriver à la base du Wedding Cake, la falaise principale en forme de pièce montée. Au tenu de la faible fréquentation du lieu, l’accès n’est pas vraiment une autoroute. S’en suivirent deux longueurs en terrain d’aventure pour arriver au somment du gâteau de mariage !
L’atmosphere au sommet était réellement grandiose, à 150-200m de haut, nous étions sur cette arête précaire complètement entourés par l’océan.
Le soleil commençait à chatouiller chaleureusement la roche, lui donnant ses belles couleurs vives orangées, et la mer était d’une paisibilité déconcertante pour le lieu qui est souvent soumis aux rudes conditions. Une autre descente en rappel pour arriver de l’autre cote du cap, de la marche, quelques traversées et cheminées à escalader et le totem fit enfin son apparition.
L’un après l’autre, nous avons tous grimpé à vue cette magnifique arête en 6c, les mouvements étaient assez techniques, une véritable dance verticale, et le cadre tout simplement prenant. Nous avions aussi quelques spectateurs qui rugissaient et qui devaient se disputer l’issue de notre escalade (une meute de phoques), certains semblaient ne pas tenir compte du spectacle que nous leur offrions et étaient complètement affales sur le belvédère du contrebas
À 14h45, nous avions tous les trois fini, prêts à faire machine arrière, ce qui nous prit un peu plus de 3heures ! Au final la partie la plus dure de la journée était de remonter les 35 m sur la corde fixe que nous avions laissé au départ. Quelle galère ! La corde était élastique, et donc malheureusement non statique; et remonter les 35m avec étriers et jumars fut une véritable épreuve de force: la sueur qui dégoulinait et la fatigue de la journée cumulée m’ont complètement anéanti pendant ce simple exercice.
Quelques heures de marche plus tard pendant lesquelles Orion nous montrait l’ouest et la Voie lactée sa belle trainée, puis après avoir déposés Merlin et Merry à Fortescue Bay afin qu’ils puissent tenter leur chance sur le Totem Pole (photo ci-dessous), 7a+, un autre grand classique tasmanien, je suis rentré au chaud vers 23h30, avec un bol de poisson au curry qui m’attendait dans le micro-ondes gentiment préparé par un de mes colocataires. Et le lendemain, boulot, pour recuperer
Encore une victoire de canard !