Étrangement, c'est justement par cette succursale du coin Beaubien et St-Denis que la réponse allait venir un an et demi plus tard. Et cette réponse, c'est non.
Vous aurez peut-être lu la nouvelle, ou vu la nouvelle aux informations télévisée, la chaîne Couche-Tard a décidé subitement de fermer le dépanneur Beaubien/St-Denis. Vendredi matin, on est venu placarder les fenêtres, retirer les enseignes et mettre une affiche "A louer". La chaîne évoque la non rentabilité de la succursale pour expliquer cette fermeture... qui coïncide étrangement avec le processus de syndicalisation entrepris par les employés.
Je dois avouer que je ne vois pas en quoi les employés d'un Couche-Tard ont tant à gagner à se syndiquer. Je vois mal, au coût des cotisations syndicales, ce qu'il y aurait eu à gagner en terme de conditions de travail dans un emploi souvent temporaire, que plusieurs candidats sont prêts à occuper, qui ne requiert que peu ou pas d'expertise ou d'expérience et qui ne sera conséquemment jamais payé à un salaire élevé. Quand à la centrale syndicale, j'imagine qu'elle y voit essentiellement des nouveaux membres potentiels, représentant des nouvelles cotisations, car je ne comprends pas non plus quel combat majeur devrait se jouer autour des conditions de travail dans les dépanneurs.
Une corporation ne devrait jamais traiter ses employés ainsi. Jamais. Les ex-employés de cette succursale se sont vus remercier sans aucune considération pour le travail qu'ils faisaient pour la chaîne (2). En tant que client, j'ai toujours été bien reçu et je trouve déplorable que Couche-Tard rejette ainsi leurs efforts. La compagnie, en plus de lancer le message de sa toute puissance, de la domination du corporatisme sur l'individu, contribue par ce geste à illustrer combien les corporations d'aujourd'hui sont sans âme et n'hésitent pas à jeter aux ordures leurs employés. Comment, dans un tel contexte, voulez-vous que les employés d'aujourd'hui - et souvent des jeunes dans le cas des Couche-Tard - ne soient pas cyniques envers les compagnies et les employeurs en général? Comment voulez-vous que les jeunes croient au dévouement ou à tout le moins à l'importance de la loyauté envers une entreprise? On reproche aux jeunes de ne pas faire d'efforts, de ne pas s'impliquer sérieusement dans leur emploi, mais pourquoi le feraient-ils après avoir vu ce genre de comportement corporatif? On se demande pourquoi les gens sont cyniques? Dans ce cas précis, c'est Couche-Tard qui agit avec cynisme, pas ses ex-employés.
Personnellement, je n'entrerai plus dans un Couche-Tard, ne serait-ce que par respect pour ces gens qui m'ont servi au fil des ans au coin Beaubien et St-Denis. Que l'on soit d'accord avec leurs intentions syndicales ou non, ils méritaient d'être traités avec respect par leur employeur.
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(1) L'histoire est pleine de trou. Par exemple, dans l'article de Cyberpresse, on peut lire "«Nous étions locataires de cette bâtisse et du terrain. C'est désormais à leur propriétaire de décider quoi en faire», a indiqué Denise Deveau, porte-parole de Couche-Tard". Ce que le porte-parole oublie de mentionner, c'est qu'en tant que locataire, Couche-Tard avait certainement un bail corporatif, et qu'en vertu de ce bail, il devra certainement payer son loyer tant que le propriétaire n'aura pas reloué les lieux.
(2) Selon les témoignages retenus par les journalistes, aucun des employés congédiés ne s'est vu offert un transfert vers une autre des centaines de succursales de l'entreprise. Or si on ferme pour cause de non rentabilité, pourquoi prendre la peine de former de nouveaux employés dans d'autres succursales au lieu de profiter de cette main d'oeuvre déjà formée?