Bonsoir à tous. Poursuivons notre série Côte d'Ivoire par un retour sur les derniers évènements dans ce cinquième article consacré à la question...A la fin de l’année dernière avaient lieu les élections présidentielles en Côte d’Ivoire. Celles-ci avaient pour but de mettre un terme aux affrontements internes dans ce pays à l’ethnographie si complexe. Elles avaient aussi pour objectif de remettre en vigueur la pratique démocratique, qui n’avait pas été courante depuis l’élection de Laurent Gbagbo en 2000, celui-ci s’étant « accordé » cinq ans de « règne » supplémentaires. Le premier tour avait vu la victoire de Laurent Gbagbo devant Alassane Ouattara, mais malgré les promesses communes au deux camps de respect de l’issue du scrutin démocratique, le second tour a fait l’objet de tensions et a de nouveau relancé les affrontements. En effet, vainqueur selon la Commission Electorale indépendante, Alassane Ouattara est déclaré vaincu par le Conseil Constitutionnel Ivoirien, qui a annulé les résultats dans plusieurs régions où le camp des Houphouétistes aurait organisé des fraudes. Cependant, aucune élection n’est réorganisée et Laurent Gbagbo se succède à lui-même. Des réactions internationales ont majoritairement soutenu Alassane Ouattarra, qui a tenté de négocier, en formant un contre gouvernement et en tentant des actions pour prendre le pouvoir. Mais coûte que coûte, Laurent Gbagbo s’est maintenu. Le sujet a alors plus ou moins disparu de nos médias pendant un temps…Décembre-Janvier : un dialogue de sourdsEt pourtant les pressions ont continué à s’exercer sur Laurent Gbagbo. En effet, les voisins africains, la France, les Etats-Unis, l’ONU, s’accordaient pour confirmer la victoire d’Alassane Ouattara. L’ONU a renouvelé le mandat à partir du 20 décembre pour 6 mois : 10 000 casques bleus et 900 soldats français les soutenant, sont présents. Intérieurement, la pression fut également forte : des affrontements civils ont eu lieu, dans la suite logique de la guerre civile, ravivée par les problèmes électoraux. Ces affrontements ont fait fuir des Ivoiriens en masse vers le Libéria : 14 000 sont partis. Des négociations ont commencé lorsqu’ Alassane Ouattara a proposé à son adversaire un gouvernement d’Union Nationale, le 28 décembre 2011. Mais le refus de Gbagbo tenait à la condition suivante : renoncer à revendiquer la présidence. Toujours dans cet état d’esprit, début janvier, le candidat du RDR se montrait confiant et pensait pouvoir s’installer sur le fauteuil de président à la fin du mois. Prônant une solution pacifique, il dédramatisait néanmoins l’option militaire dès le 6 janvier par le biais éventuel de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Pour le contrer, Laurent Gbagbo s’est montré en protecteur de la souveraineté de la Côte d’Ivoire face aux tentatives d’ingérences françaises. Il accuse la France et la communauté internationale de vouloir installer Ouattara au pouvoir à sa place et n’en démord pas : il restera au pouvoir. Dans cette logique « anti-ingérence » des exactions ont eu lieu contre les casques bleus en janvier. Ces violences sont attribuées au clan Gbagbo. Voyant que la résignation n’est pas au programme de Laurent Gbagbo, l’ONU a renforcé son effectif d’hommes présents sur place, le faisant passer à 11 500 hommes. De même, la CEDEAO a mis en place son plan d’organisation d’une intervention militaire pour « aller chercher Gbagbo ». Février-Mars : la Côte d’Ivoire s’embrase :Chaque camp mobilise ses forces. Les proches d’Alassane Ouattara s’appuient sur les Forces Nouvelles alors que le clan Gbagbo dispose des Forces de Défense et de Sécurité (FDS). Des combats ont eu lieu dans plusieurs régions. D’abord dans la province des 18 montages, près de la frontière avec le Libéria (ouest de la Côte d’Ivoire). Les FN et les FDS s’accusent mutuellement d’avoir commencé à attaquer. Les FN déplorent 80 morts le 24 février. Des combats ont eu lieu également à Abidjan, ville très partagée politiquement où Ouatarra a des appuis, malgré la situation de la ville au sud du pays (traditionnellement pro-Gbagbo). Ces affrontements font fuir de nombreux civils des quartiers et opposent toujours les mêmes forces, auxquelles s’ajoutent les « commandos invisibles », des groupuscules armés souhaitant le départ de Laurent Gbagbo. Pendant ce temps, l’économie ivoirienne et ouest-africaine inquiète. Le FMI s’inquiète des répercussions de la crise sur l’économie, notamment à cause de l’inflation sur l’énergie et l’alimentation. L’instance demande aux états de prévoir des plans et de réserver des fonds qu'elle pourrait toutefois apporter en cas de difficultés majeures. Selon le FMI, la sortie de crise politique permettra un nouvel essor économique de la région.De même Jean Kacou Diagou, "patron des patrons ivoiriens", souligne le fait que l’économie ivoirienne tourne au ralenti. Les entreprises travaillent peu, les ports accueillent beaucoup moins de marchandise, le trafic aérien baisse, les banques ont fermé en mars. L’activité économique est donc en contraction, ce qui profite aux pays voisins (Togo, Ghana), qui attirent soudain plus d’investissements. De même, beaucoup d’entreprises ne paient plus les salaires, et certains secteurs sont sinistrés, comme celui du bâtiment, dont le chiffre d’affaire a diminué de 70 pour cent depuis la crise électorale. Aussi l’exportation de cacao ne peut avoir lieu normalement, les navires européens étant interdit d’accoster aux ports d’Abidjan et de San Pedro. La crise politique rend donc la Côte d’Ivoire exsangue économiquement, surtout en ce qui concerne le réseaux des PME et PMI. C’est à partir du 28 mars que la crise bascule dans une nouvelle étape avec le lancement des opérations militaires par Alassane Ouattara. Avril : retour sur le devant de la scène internationale : Tout d’abord, il paraissait tout à fait plausible qu’en cas de conflit armé entre le nord de Ouattara et le Sud de Gbagbo, ce soit ce dernier qui l’emporte. En effet, le sud de Gbagbo possède plus de richesses économiques et humaines. Mais la situation économique du pays rééquilibre la donne. L’offensive est donc lancée fin mars. Elle est absolument fulgurante et incomparable avec la marche des rebelles de 2002 qui avait échoué. En effet, Ouattara lance ses Forces Républicaines de Côte d’Ivoire à l’assaut par 4 axes. Grâce à des hommes nombreux et surmotivés, et une supériorité technique évidente, la marche vers Yamoussoukro s’apparente à une véritable « guerre éclair » qui fait reculer très rapidement les FDS, incapables de résister. Le 31 mars, les Forces Nouvelles peuvent déjà lancer la bataille d’Abidjan, seule ville à résister où les pro-Gbagbo se recroquevillent. -Carte de l'offensive menée par les FRCI-
Malheureusement pour le président, même au sein de ses plus fidèles, l’enthousiasme n’est pas de mise. Le chef d’Etat-major, Mangou, se réfugie même chez l’ambassadeur d’Afrique du Sud. La chute du régime de Laurent Gbagbo semble s’accélérer. Il doit même annuler son message au pays qui avait pour but de galvaniser les patriotes. Les troupes de Laurent Gbagbo ne pouvaient faire face pour plusieurs raisons : le moral des troupes n’était pas maximum, tout comme leur motivation. De même, le recrutement de mercenaires a divisé les troupes de Laurent Gbagbo. Enfin, le paiement des hommes fut plus que difficile. Malgré cette première grosse défaite, Laurent Gbagbo décide de rester au pouvoir coûte que coûte. Des offensives des FRCI ont en effet été repoussées à Abidjan et l’Angola semble soutenir le président en place : tout cela incite certainement le leader du Front Populaire Ivoirien à se maintenir. La France, quant à elle, demande à Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de son adversaire, ce qu’il refuse catégoriquement. Alain Juppé souligne que même le ministre des affaires étrangères Alcide Djédjé aurait alors lâché son président. Il ne resterait plus qu’à négocier sur les conditions de départ, ce qui se ferait déjà selon certains, par l’intermédiaire des «traîtres ». La France, sur place pour défendre ses ressortissants, aurait apporté une aide logistique aux FRCI, par des conseils et formations militaires. De même, par les forces de la Licorne, la France a organisé des opérations militaires aériennes contre la résidence du président Gbagbo. Toutefois, Gbagbo et ses fidèles résistent encore à Abidjan, avec l’aide des soldats de l’Unité de Garde Présidentielle d’Angola. Le chaos qui règne dans la ville favorise en outre les disparitions inquiétantes, qui pourraient constituer des prises d’otages. Afin d’empêcher ces exactions, l’évacuation des expatriés de tous pays s’accélère. Malgré tous ces évènements, la résistance vaillante de Gbagbo semble le renforcer de jour en jour. Aussi se présente t-il comme le résistant patriote face à l’armée d’occupation nordiste soutenue par la France, ancien pays colonisateur. Profitons de cette occasion pour vous montrer la video de la semaine dont voici le lien sur agoravox. Elle montre clairement que contrairement à certaines rumeurs, Laurent Gbagbo, bien que fatigué, est tenace et ne veut pas lâcher sa place. D'ailleurs, selon les dernières nouvelles (source Europe 1), ses fidèles reprennent des quartiers stratégiques d'Abidjan. Les dernières réactions internationales :Selon les Etats-Unis, Ouattara sera à même d’unir le pays qui devrait bientôt être repris à Laurent Gbagbo. A Washington sont également condamnées les exactions à l’égard de l’ONU. Barack Obama soutient les frappes de l’ONU et appelle Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir. L’Union Africaine, qui a depuis mars demandé à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir, dénonce également les abus et violations de Droits de l’Homme. Elle appelle à protéger la population civile. Le Sénégal et le Nigéria ont également soutenu les offensives contre Gbagbo. En revanche, à Moscou, on s’offusque d’une ingérence Française dans le conflit ivoirien.Conclusion : La crise Ivoirienne semble tourner en faveur des nordistes menés par Alassane Ouattara, vainqueur officiel des dernières élections présidentiels. Après avoir empêché son rival d’accéder à la présidence, Laurent Gbagbo a refusé toute abdication, affirmant son succès. La solution pacifique ne fut pas longtemps envisagée dans un contexte de reprise du conflit civil qui a décimé la Côte d’Ivoire pendant une décennie. L’offensive de la fin mars 2011 fut fulgurante, contrairement à celle des rebelles de 2002, qui ne disposaient même pas de liaisons radio pour communiquer entre eux. Elle a rapidement eu raison des FDS, qui sont tout de même retranchés à Abidjan avec le peu de soutien dont bénéficie encore le président Laurent Gbagbo. Si l’ONU a joué un rôle ainsi que d’autres organisations inter (ou supra) nationales, on peut également entrevoir une ingérence relative de la France. Plusieurs éléments nous permettent de le dire : d’abord parce que contrairement à 2002, les forces françaises en présence n’ont pas empêché l’offensive des Forces Nouvelles du nord vers le sud, ensuite parce que la Licorne a mené des opérations militaires contre les forces de Laurent Gbagbo (pour se défendre dit-elle), enfin par des conseils et aides apportés conjointement avec les Etats-Unis (selon jeuneafrique.com). La solution politique qui semble se dessiner pourra peut-être permettre à la Côte d’Ivoire, moteur économique de l’Afrique occidentale, de sortir dans la crise économique qui la touche depuis les évènements post-électoraux. Néanmoins, comme le souligne à raison l’africaniste Bernard Lugan sur son blog, la solution devra prendre en compte la situation ethnique et religieuse du pays, deux données ferments des affrontements depuis des années. Il faut surtout insister sur le fait que rien n’est encore complètement joué, même si la situation semble désespérée pour le président Ivoirien, qui s’appuie tout de même sur le mécontentement croissant de certains pays africains comme l’Angola ou l’Afrique du Sud, qui dénoncent l’intervention française. Si Alassane Ouattara vient à devenir président de la Côte d’Ivoire, sa légitimé sera probablement entamée par son installation facilitée par la France. Sources :
-20 minutes-Jeune Afrique-Wikipedia-Blog de Bernard Lugan-Le télégramme
Vincent Decombe