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9 avril 1948: le massacre de Deyr YaSîn

Par Alaindependant

 [Article publié en 1998:]

Le 9 avril, 50 ans auront passés depuis ce jour noir qui vit le massacre de la population palestinienne du village de Deyr YaSîn par les troupes de Menahem Beghin, celui-là même à qui l'on remettra par la suite l'un des plus honteux prix Nobel de la paix qui ait jamais été attribué.

Pour commémorer ce jour, nous vous proposons d'abord quelques extraits d'un article de Dominique Vidal, paru dans le Monde Diplomatique de décembre 1997, et consacré à la révision de l'histoire de l'Etat d'Israël qu'opèrent actuellement certains "nouveaux historiens" israéliens.

«Seuls quelques-uns ont admis le fait que l'histoire du retour de la rédemption et de la libération de leurs pères est une histoire de conquête, de déplacement [des populations], d'oppression et de mort.»

C'est par cette exergue que commence l'article de Dominique Vidal, qui écrit ensuite:

«Entre 1947 et 1949 , plusieurs centaines de milliers de Palestiniens qui vivaient sur les territoires finalement occupés par Israël ont quitté leurs foyers. Selon l'historiographie israélienne traditionnelle, les réfugiés se sont pour la plupart enfuis volontairement, répondant aux appels de dirigeants [arabes] qui leur promettaient un retour rapide après la victoire.

Dès les années 50, toutefois, quelques personnalités israéliennes, liées au mouvement communiste, contestaient cette version. Depuis la seconde moitié des années 80, elles ont été rejointes dans leur critique par un certain nombre de chercheurs, qui se définissent eux-mêmes comme «nouveaux historiens », s'en prennent aux mythes de l'histoire d'Israël , contribuant à rétablir la vérité sur l'exode des Palestiniens — au moins partiellement .

«Sur une carte situant les 369 villes et villages arabes d'Israël (dans ses frontières de 1949), [l'un de ces historiens] résumait, localité par localité, les causes du départ de leur population. Dans 45 cas, l'auteur avouait les ignorer. Les habitants de 228 autres étaient partis au cours d'assauts des troupes juives, dont 41 cas d'expulsions manu militari. Dans 90 autres localités, les Palestiniens avaient cédé à la panique consécutive à la chute d'une agglomération voisine, à la hantise d'une attaque ennemie ou encore aux rumeurs propagées par l'armée juive — particulièrement après le massacre, le 9 avril 1948, de 250 habitants de Deir Yassin, dont la nouvelle se répand comme une traînée de poudre à travers tout le pays.

Emblématique apparaît l'expulsion des Arabes de Lydda (l'actuelle Lod) et de Ramleh, le 12 juillet 1948 : une escarmouche avec des blindés transjordaniens sert de prétexte à une violente répression (250 morts, dont des prisonniers désarmés), suivie de l'évacuation forcée, accompagnée d'exécutions sommaires et de pillages, de quelque 70 000 civils palestiniens! Des scénarios similaires seront mis en oeuvre en Galilée centrale, dans le nord du Néguev et en Galilée du Nord . Autant d'opérations souvent ponctuées d'atrocités, dont Aharon Zisling, chargé de l'agriculture, dira au conseil des ministres du 17 novembre 1948 :

"Je n'ai pu dormir de la nuit. Ce qui est en cours blesse mon âme, celle de ma famille et celle de nous tous (...). Maintenant, les juifs aussi se conduisent comme des nazis, et mon être entier en est ébranlé."»

«Le gouvernement israélien développe une politique inflexible pour empêcher "à tout prix" le retour des réfugiés, que l'Assemblée générale des Nations unies exige pourtant dès le 11 décembre 1948. Leurs villages sont détruits ou investis par des immigrants juifs, et leurs terres réparties entre les kibboutzim environnants. Près de 400 bourgades arabes seront ainsi rayées de la carte ou judaïsées, de même que la plupart des quartiers arabes des villes mixtes.

Selon un bilan établi en 1952, Israël mettra ainsi la main sur 73000 pièces d'habitation , sur 7800 boutiques, ateliers et entrepôts, sur 5 millions de livres palestiniennes sur des comptes en banque et, surtout, sur 300000 hectares de terres.»

"Il doit être clair [écrit Yosef Weitz, alors directeur du département foncier du Fonds national juif] qu'il n'y a pas de place pour deux dans ce pays (...), et la seule solution, c'est la Terre d'Israël sans Arabes. Pas un village ne doit rester, pas une tribu bédouine."

Après ce bilan du terrorisme israélien, bilan qui ne concerne qu'une de deux ans (entre 1947 et 1949) sans prendre en compte toutes les exactions postérieures, bilan qui, de plus, ne prend en compte que les sources israélienne et se trouve donc évalué au plus bas, après ce sombre bilan, donc, on comprendra mieux les quelques réflexions suivantes, tirées du livre d'Emmanuel Lévyne intitulé Judaïsme contre sionisme.

«Des amis antisionistes, écrit-il, condamnent les attentats terroristes des résistants palestiniens, notamment celui de Jérusalem qui a fait de nombreuses victimes parmi la population civile, et prétendent que ces actes desservent la cause palestinienne. On s'attendrait que nous, qui nous prétendons non-violents, exprimions cette opinion. Mais on oublie qu'en Palestine ce sont les sionistes qui ont introduit les méthodes terroristes et que c'est grâce à elles qu'ils ont conquis le territoire de leur Etat d'où ils ont chassé ses habitants palestiniens.

Des Juifs palestiniens nous ont raconté les horribles attentats qu'ont commis les sionistes contre les civils arabes pour les contraindre à fuir: par exemple, ils chargeaient des enfants arabes de porter des colis piégés, ils jetaient des bombes dans les souks. Déïr Yassin, où 250 femmes, enfants, vieillards furent massacrés par les terroristes sionistes, a eu beau être désapprouvé par la conscience universelle et même juive, il n'a pas desservi la cause de l'Etat juif, puisqu'il a fait fuir les populations Arabes.

Les Palestiniens, las de faire des prières, de compter sur les sentiments de justice des grandes puissances ou même sur l'aide des armées arabes, ont résolu de se mettre à l'école des sionistes et d'utiliser leurs méthodes de terreur qui leur ont si bien réussi. Quand le monde aura condamné l'Etat d'Israël, nous les condamnerons également.»

« Notre devoir est de condamner le sionisme et l'existence de son Etat fondé dans le sang et l'iniquité, comme l'a fait le prophète Michée (au chapitre 3, versets 9 à 12):

"Ecoutez donc ceci chefs de la Maison de Jacob, et princes de la maison d'Israël, vous qui avez en horreur la justice et qui pervertissez tout ce qui est droit, vous qui bâtissez Sion avec le sang et Jérusalem avec l'iniquité, — et ils osent s'appuyer sur l'Eternel! —: à cause de vous, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de pierres et la montagne du temple une colline couverte de bois."

Les sionistes ont été prévenus par les Prophètes, les rabbins, les penseurs juifs les plus éminents, les politiciens sages. Ils n'ont écouté personne, ils ont passé outre. Ils ont semé la violence. Qu'ils ne s'étonnent pas de récolter du sang. Ils l'ont voulu.»

«Si la reconstruction de Sion a des références dans la Bible, sa destruction en a également, ce qui est le cas de l'Etat sioniste qui a été établi par la violence humaine et la puissance de l'argent, et non par l'esprit de l'Eternel.

Les destructeurs de l'Etat sionistes accomplissent la Volonté de Dieu. Les terroristes d'el-Fatah sont les serviteurs de l'Eternel. Nous devons les vénérer et les craindre et surtout pas nous opposer à leurs desseins

Les sionistes et l'Etat d'Israël dépenses des sommes faramineuses, inimaginables pour produire des livres et des films, financer des journaux, soudoyer des orateurs et des hommes politiques, bref déployer une activité tous azimuts pour arriver à faire passer dans la mentalité collective du public comme des dirigeants politiques les mensonges les plus énormes. Et lorsque, d'aventure, quelque voix dévoilant le véritable visage du sionisme et de l'Etat d'Israël arrive à se frayer un chemin à travers une jungle de médias dominée par les sionistes, la propagande sioniste s'active avec les mêmes moyens financiers pour la faire terre, soit en multipliant les procès, soit en faisant disparaître totalement un livre édité, comme ce fut le cas pour Judaïsme contre sionisme, l'excellent livre d'un rabbin kabbaliste français, Emmanuel Lévyne, qui montrait que le judaïsme authentique ne pouvait que condamner le sionisme et lutter contre lui.

Malheureusement, comme le faisait remarquer Emmanuel Lévyne, la propagande sioniste «a réussi, réussit et réussira encore à faire croire aux esprits les plus lucides, les plus froids, les choses les plus invraisemblables, les plus contraires à la réalité». En particulier de se présenter comme ceux qui sont venus sauver la nation juive de l'enfer nazis et de l'antisémitisme, alors qu'ils sont au contraire ceux qui ont attisé l'antisémitisme, qui l'ont porté même là où il n'existait pas et, pire encore, ceux qui ont livrés sans vergogne leurs coreligionnaires les plus pieux aux nazis parce que cela favorisait leur projet sioniste.

Cela peut paraître incroyable, et pourtant nous avons bien vu de quel cynisme les sionistes avaient été capables dans l'affaire de l'Exodus. Ce cynisme s'étale d'ailleurs parfois ouvertement tout en passant étrangement inaperçu. Ainsi, dans le numéro de novembre 1996 du mensuel le Monde diplomatique, dans un article de Dominique Vidal dont toutes les références sont des études d'historiens juifs, on peut lire que le dirigeant sioniste Itzhaq Shamir reconnaissait volontiers lui-même que son parti avait proposé une alliance à Hitler et ne voyait pas à cela d'inconvénient majeur. Mais laissons plutôt la parole à Emmanuel Lévyne:

«Le sionisme, de son point de vue, ne consiste pas à retourner en Palestine pour y créer une République démocratique, mais à y établir un Etat juif racialement pur, libéré de toute présence étrangère: la descendance d'Amalek, ce sont les Arabes, il faut donc les exterminer, ou du moins les chasser. Avoir pitié d'eux c'est se montrer cruel envers les juifs, c'est s'opposer à la volonté divine, c'est manifester des sentiments chrétiens.

La colonisation de la Palestine ne peut s'accomplir sans l'expulsion du peuple qui l'habite et de son extermination en cas de résistance. Les Israéliens ont déjà prouvé qu'ils avaient atteint un degré d'inhumanité assez grand pour chasser plus d'un million de Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres ancestrales par la terreur, de massacrer des dizaines de milliers de défenseurs arabes au napalm en quelques jours. Hitler et les nazis, avant 1939, n'en avaient pas fait autant avec les Juifs, et à ce rythme et à ce compte nul doute que les victimes palestiniennes et arabes seront finalement infiniment supérieures à celles des victimes juives du nazisme .»

«On criera encore au scandale : nulle comparaison n'est possible entre le nazisme et le Sionisme. L'Etat d'Israël ne désire que la paix, ce sont les Arabes qui ne pensent qu'à faire la guerre et à exterminer ses habitants. Le mensonge devient insupportable en cette affaire: il y a [bien] un sionisme nazi.» «Les Israéliens font subir aux Palestiniens ce que les Nazis ont fait subir aux Juifs, sinon quantitativement — pas encore — du moins qualitativement.»

«Le Sionisme qui s'était proposé comme but de mettre fin à l'antisémitisme ne fait que l'engendrer et le créer là où il n'existait pas. Il représente le plus grave danger qui ait jamais menacé l'existence du peuple juif et du judaïsme. Il est la fin du peuple juif, sans point d'interrogation. les ennemis d'Israël sont à l'intérieur. Ce sont ses dirigeants et ses chefs . C'est devenu une tradition historique : les dirigeants de la communauté juive, qui se recrutent toujours parmi les plus riches, conduisent le peuple juif à sa perte et le livrent à ses destructeurs.»

«La sociologue américaine d'origine juive, Hannah Arendt a révélé qu'Eichmann avait été partisan de la solution sioniste et lecteur enthousiaste de l'Etat juif, [le livre] de Théodore Herzl.» «[Voici ce qu'elle] a écrit au sujet des événements du nazisme [dans les numéros 99-100 du Nouvel Observateur]:

«Partout où il y avait des juifs, il y avait des responsables juifs, reconnus comme tels, et ces responsables, à de très rares exceptions près, collaborèrent d'une façon ou d'une autre, pour une raison ou une autre avec, les nazis. »

«Ce sont surtout les sionistes et leurs dirigeants qui ont le plus collaboré avec les nazis et se sont le mieux entendus avec eux :

"Dès l'entrée en fonction d'Eichmann, révèle Hannah Arendt, son nouveau patron (un certain von Mildenstein) lui ordonna de lire l'Etat juif de Théodore Herzl. Ce grand classique de la littérature sioniste convertit Eichmann, immédiatement et pour toujours, au sionisme. Il semble que ce fut là le premier livre sérieux qu'il ait jamais lu, et l'Etat juif le marqua profondément. Dès lors — et il le répéta mille et une fois — il envisagea une "solution politique" et chercha les moyens de « mettre un peu de sol sous les pieds des juifs ». A cette fin, Eichmann se mit à répandre le message sioniste dans les milieux S.S. (...).

Ses premiers contacts personnels avec des responsables juifs bien connus, sionistes de longue date, furent tout à fait satisfaisants. L'"idéalisme" d'Eichmann était, selon lui, à l'origine de sa fascination pour ces sionistes [qui] étaient, comme Eichmann lui-même, des « idéalistes». Un « idéaliste» tel que le concevait Eichmann, était quelqu'un qui ne vivait que pour son idée et qui était prêt à sacrifier tout et notamment tout le monde à cette idée.

Le Docteur Rudolf Kastner était le plus grand « idéaliste » qu'Eichmann rencontra parmi les juifs. C'est avec lui qu'il négocia au moment des déportations des juifs de Hongrie. Ces deux hommes parvinrent à un accord selon lequel Eichmann laisserait partir « illégalement» quelques milliers de juifs pour la Palestine (en fait leurs trains étaient convoyés par la police allemande) ; en échange, « l'ordre et la tranquillité» régneraient dans les camps d'où étaient expédiés en direction d'Auschwitz des centaines de milliers de juifs.

Les quelques milliers de rescapés mentionnés dans cet accord étaient des Juifs éminents et des membres des organisations sionistes de jeunesse, « le meilleur matériel biologique» selon les termes employés par Eichmann lui-même.»

Le livre d'Emmanuel Lévyne intitulé Judaïsme contre sionisme, est composé de textes écrits à diverses époques, depuis 1902 jusque fin 68. La deuxième partie du livre est ainsi constituée de lettres qu'il écrivit en 1967, après la guerre des six jours, à Georges Montaron, qui était alors le directeur du journal Témoignage chrétien. Dans ces lettres, Emmanuel Lévyne lance un appel aux chrétiens pour qu'ils saisissent la chance d'être fidèles au Christ en soutenant les Palestiniens. Les titres qu'il a choisi pour ces lettres sont particulièrement révélateur de leur état d'esprit. On peut y lire: «Le Christ est un réfugié palestinien»; «le Messie sera un pauvre» ou encore «Dieu se range toujours du côté des persécutés».

Un des points importants évoqués dans ces lettres est l'information que nous donne Emmanuel Lévyne sur deux formes de sionisme qui n'ont en commun que le nom: le sionisme politique, pour lequel Sion désigne un Etat, l'Etat juif, et le sionisme traditionnel des rabbins pour lesquels Sion était un concept essentiellement spirituel. Certes, celui qui se rendait en Palestine, en pèlerinage ou pour s'y établir afin d'y mener une vie consacrée à l'étude religieuse, accomplissait bien pour les rabbins une haute œuvre religieuse. Mais il n'était pas question pour eux de se rendre en Palestine collectivement, encore moins pour y établir un Etat, et surtout pas par la force des armes, l'injustice et le crime généralisé.

C'est donc en profitant de cette homonymie que la propagande sioniste a réussi à faire progresser cette doctrine — qui n'est, comme le rappelle Lévyne, qu'un vulgaire «nationalisme racial» — au point de dominer le judaïsme et de le vider de ce qu'il pouvait s'y trouver de plus spirituel. Mais écoutons plutôt le message que ce juif juste, rabbin et kabbaliste, voulait faire passer aux chrétiens:

«Je vous remercie de tout coeur d'avoir eu le courage de publier mon article L'Etat d'Israël est-il un signe de Dieu ?. Je ne m'attendais pas à une publication si rapide. Dans mon esprit, c'était un sondage, et je ne me faisais guère d'illusions : le lobby pro-israélien est si puissant, quel journal pourrait résister à ses énormes pressions ? Déjà j'avais bien été étonné de voir ma lettre au journal Le Monde paraître. Mais les réactions ont été si violentes, d'après ce que m'a écrit Jacques Fauvet, qu'on ne s'est pas aventuré à me donner le droit de réponse aux lettres hostiles qui ont été publiées à la suite de la mienne.

Dans l'esprit des rabbins, la Palestine, la terre d'Israël représentait une patrie virtuelle, symbolique destinée à faire contre-poids à l'attirance des nations parmi lesquelles les Juifs séjournaient: aujourd'hui nous sommes des étrangers, mais l'an prochain à Jérusalem nous serons dans notre patrie, nous pouvons donc tenir encore une année et ne pas nous assimiler. Pour les Juifs faibles, l'idée de Sion était indispensable pour empêcher l'assimilation.

Mais comme la réalisation du sionisme se situait à la fin des temps, à la venue du Messie, et qu'il était interdit de retourner en masse et de reconquérir la Palestine par des moyens humains — ni par l'argent, encore moins par les armes —, elle ne devait pas engendrer de nationalisme et aboutir à la création d'un Etat — donc à des guerres et à des conflits que ces sages rabbins savaient insolubles et inextricables. La volonté funeste d'établir de nouveau une souveraineté humaine en Israël constitue une régression catastrophique — une sorte de névrose collective .

Que le sionisme soit une névrose, une folie, on commence à s'en apercevoir, et à prendre au sérieux ce mouvement infantile qui n'est pas le signe d'une grande intelligence. Ils sont aussi fous que les nazis. Ils ne sont que deux millions, mais essayez d'imaginer ce qu'ils feraient s'ils étaient 70 millions comme les Allemands. »

«Le peuple juif a le droit à l'existence, mais aucun peuple n'a le droit de menacer la vie de l'humanité par des entreprises et des initiatives injustes. Imposer son roi, sa souveraineté, son Etat à un peuple étranger, cela n'est pas défendable, c'est une injustice au plein sens du mot, c'est ce que l'on appelle aujourd'hui le colonialisme. C'est ce qu'ont voulu faire et ce que veulent faire plus que jamais les sionistes. Ils exigent que les Palestiniens acceptent un Etat juif dans leur propre pays. Que diraient les Français si les Juifs voulaient leur imposer un Etat juif dans un de leurs départements. Pourtant il y a toujours eu des Juifs en France, plus qu'en Palestine même .

Abraham était un étranger dans le pays de Canaan, qui a été conquis, plus tard, par les troupes de Josué par des méthodes qu'on appelle de nos jours — il faut le reconnaître — « génocide». D'après l'histoire, les premiers propriétaires de la Palestine furent les peuples cananéens qui ont été... exterminés [comme on peut le lire dans la Bible au livre de Josué, chapitre 10, versets 28 à 40, et dans tout le chapitre 11]; en conséquence, les Juifs, ne peuvent revendiquer la Palestine qu'en tant que conquérants et colonisateurs — et ce ne sont pas là des titres dont on doit être fier et qui donnent tous les droits. »

«Vous avez bien raison, il ne s'agit pas d'un conflit de races, de peuples, de nations, mais de mondes : celui des gavés contre celui des damnés de la terre, celui des riches contre celui des pauvres. Les Juifs sont devenus riches (la principale communauté juive, plus de six millions, est celle des Etats-Unis, de laquelle dépend l'Etat d'Israël); les pauvres, les sous-développés sont les Arabes, et surtout les Palestiniens. Les réfugiés Palestiniens sont, spirituellement, notre chance de redevenir de véritables Juifs et de véritables Chrétiens, de nous réconcilier, de nous réunir, de reconstituer le peuple de Dieu, l'Israël spirituel, le coeur, l'âme de l'humanité qui est en train de périr. Ne la laissons pas échapper. C'est la dernière chance.

Le Christ est un réfugié palestinien. Moi qui suis Juif, je le comprends, je le vois. Pourquoi tant de Chrétiens sont-ils aveugles ? Pourquoi ont-ils pris parti pour les plus riches, les plus forts, les plus puissants ?» «Oui, vous pouvez dire cela aux Chrétiens de l'Amitié judéo-chrétienne, ces flatteurs, ces courtisans des Juifs riches et puissants, qui sont prêts à toutes les complicités, à approuver et à couvrir tous les crimes de la bourgeoisie et du capitalisme judéo-américain et de l'Etat qu'ils ont fabriqué en Terre Sainte et où ils ont exproprié les pauvres de Dieu.

Oui, ces faux-chrétiens peuvent s'associer à ces faux-juifs, ils font bon ménage ensemble, les voilà les assassins du Christ de génération en génération. Qui sont les assassins du Christ ? Ceux qui approuvent et se rendent complices de l'assassinat des pauvres. Jésus était un pauvre et il a été victime non des Juifs, mais des Juifs riches, [complices] des romains. Ils ont beau acheter des intellectuels et des historiens pour prouver le contraire. L'Etat d'Israël donne la preuve de leur culpabilité en la réactualisant.»

Dans une de ces lettres, Emmanuel Lévyne faisait allusion à un de ses article intitulé L'Etat d'Israël est-il un signe de Dieu ? Cet article était une réponse ferme et catégorique dans laquelle il contredisait fermement les thèses d'un des rabbins sionistes les plus célèbres de France: Josy Eisenberg, collaborateur de nombreux médias, en particulier le quotidien Le Monde et la télévision, où il est l'un des principaux responsables et animateurs de l'émission Judaïque.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, Judaïsme contre sionisme est un recueil de textes juifs contre le sionisme, l'essentiel étant constitué par ceux d'Emmanuel Lévyne lui-même. La troisième partie de l'ouvrage, intitulée «Dieu ou l'Etat», réunit des lettres envoyées au journal le Monde en réponse à des prises de positions sionistes parues dans ce quotidien, et en particulier des articles du rabbin Josy Eisenberg. Malheureusement, le Monde ne publia aucune de ces lettres, parce que, dit Emmanuel Lévyne, après la publication d'une première lettre «les réactions ont été si violentes, d'après ce que m'a écrit Jacques Fauvet, qu'on ne s'est pas aventuré à me donner le droit de réponse aux lettres hostiles qui ont été publiées à la suite de la mienne».

Ce sont des extraits de ces lettres que nous entendrons aujourd'hui, en commençant par celle où il contredit la thèse des juifs qui voudraient voir, dans la création de l'Etat d'Israël, un "signe de Dieu".

«Un signe de Dieu, dans le langage de la tradition biblique et juive, c'est un miracle, un prodige, une intervention surnaturelle, comme cela s'est produit lors de la sortie d'Egypte. Or, je voudrais bien qu'on me montre en quoi la création de l'Etat d'Israël est un signe de Dieu, un miracle? L'Etat d'Israël semble devoir beaucoup plus son existence à l'efficacité des terroristes de l'Irgoun et des groupes Stern qu'à une intervention surnaturelle.

Le retour à Sion est un événement surnaturel et messianique qui ne peut se réaliser selon les voies de ce monde; il ne peut être un événement naturel et historique: son accomplissement se situe à la fin des temps, à la fin de l'histoire, à la fin de ce monde; ce sera un événement métahistorique, eschatologique.

L'Etat d'Israël est un Etat de ce monde. C'était d'ailleurs le but de ses fondateurs et de ses constructeurs. Normaliser le peuple juif, en faire une nation comme toutes les autres nations. Ce sont les rabbins qui se sont ralliés plus tard au mouvement sioniste qui lui ont attribué un caractère messianique. Mais en fait, il est difficile de ne pas reconnaître avec Léon Tolstoï que le sionisme «est lui-même l'os de l'os, la chair de la chair de l'européanisme contemporain».

La pensée juive se fourvoie dangereusement en s'engageant dans le sionisme et en se faisant la servante de la raison d'Etat, [mais] elle peut [certes] être assurée d'être bien payée par l'Etat d'Israël, dont la puissance est celle du capitalisme juif et américain.»

«Le rabbin Josy Eisenberg affirme que «les Prophètes ont toujours proclamé la renaissance d'un Etat juif comme un indispensable palier de l'escalade messianique». Aucune référence n'est donnée. Et pour cause : dans toute la littérature traditionnelle juive, on ne trouve aucune mention d'un projet de monter en Terre Sainte pour y établir un Etat israélite. L'Etat juif est la traduction d'une expression allemande, le titre de l'ouvrage du journaliste autrichien Théodore Herzl, fondateur du sionisme politique. César — fut-il devenu juif— ne sera jamais notre Dieu et notre Messie. Nous n'avons d'autre souverain que l'Eternel et de royaume que la Torah.»

«C'est [le sionisme] qui a introduit le nationalisme racial dans le judaïsme. Pour les rabbins, au contraire, le judaïsme était un nationalisme de religion et de culture. Etre juif, c'était essentiellement vivre dans le monde de la Torah, et non se rattacher à un territoire particulier ou au peuple juif pour lui-même. C'était la Torah, la religion juive, qui constituait le lieu de l'unité du peuple juif, et non la terre ou la race, comme le veulent les sionistes.

Le concept du nationalisme, tel qu'il a été élaboré dans l'Europe du 19e siècle, et dont le sionisme s'est inspiré, était étranger à l'esprit des rabbins. Le sionisme était pour eux un mouvement nationaliste d'origine européenne, donc étranger au judaïsme, et ils pressentaient le danger qu'il représentait pour l'avenir spirituel du peuple juif; c'est pourquoi ils le combattirent de toutes leurs forces, comme les livres Lettres des rabbins, Lumière pour les justes et d'autres, en témoignent.

"Les sionistes [peut-on y lire] se sont ingéniés à introduire de l'extérieur le nationalisme, qui nous est étranger, à nous fils d'Israël ; c'est la Torah seule qui a fait de nous un peuple, et nous n'avons pas cessé de l'être même après que nous ayons été exilés de notre pays à cause de nos péchés."»

«Les créateurs du sionisme, c'est-à-dire d'un nationalisme étatique juif, ont rendu un bien mauvais service à l'humanité en découvrant une nouvelle source de tension et de conflits au Moyen-Orient; le monde n'en avait nul besoin, il n'est que trop gâté de côté. Et ils savaient bien ce qu'ils faisaient, car leur prophète Théodore Herzl a écrit dans son Etat juif ces paroles hautement significatives :

"On nous dit que nous devrions nous garder de créer de nouvelles distinctions entre les hommes, qu'au lieu d'élever de nouvelles frontières, mieux vaudrait abolir les anciennes. Ceux qui se bercent de ces illusions me semblent être des rêveurs dignes d'estime (...). Mais la fraternité humaine est moins qu'un beau rêve. La présence d'un ennemi est un précieux secours sans lequel ne saurait se modeler les grandes personnalités".

C'est là [sans doute] de l'allemand, mais certainement pas de l'hébreu prophétique.»

«Nous, juifs antisionistes, nous avons choisi la Paix. C'est pourquoi nous n'avons pas voulu la création de l'Etat d'Israël et nous souhaitons sa disparition . En fait, les sionistes apparaissent comme des juifs qui ont perdu leur conscience messianique, leur conscience tout court, comme le faisait remarquer Léon Tolstoï dans un article publié en français dans le recueil les Révolutionnaires

«La majorité des rabbins ont condamné le sionisme à sa naissance, et les événements actuels montrent qu'ils n'avaient que trop raison. Mais alors, m'objecterez-vous, pourquoi la plupart des rabbins sont aujourd'hui partisans de l'Etat d'Israël et soutiennent sa politique? C'est parce qu'ils sont corrompus. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire que les masses juives et leurs dirigeants s'égarent. Déjà du temps de Moïse et des Prophètes. La question n'est pas de savoir si les juifs antisionistes sont en majorité ou en minorité, mais de juger s'ils ont raison ou tort en référence aux vérités éternelles .

Dieu ne peut que renier l'Etat qui le nie. Et de ce fait, toute force politique qui nie l'existence de l'Etat d'Israël se révèle comme l'allié, l'instrument objectif de l'Eternel.»

Dieu ne peut que renier l'Etat qui le nie. Et de ce fait, toute force politique qui nie l'existence de l'Etat d'Israël se révèle comme l'allié, l'instrument objectif de l'Eternel.»

Ces puissantes paroles du rabbin kabbaliste français Emmanuel Lévyne sont tirées de son livre Judaïsme contre sionisme, et l'on comprend mieux en les entendant pourquoi les sionistes n'ont lésiné sur aucun moyen pour faire disparaître ce livre du marché et des bibliothèques publiques.Lisons des extraits de deux lettres adressées aux directeurs des journaux le Monde et Témoignage chrétien, lettres dans lesquelles Emmanuel Lévyne aborde principalement deux problèmes: d'abord, celui de la catastrophe qui se produit lorsque l'on prend la Bible à la lettre, sans faire les interprétations nécessaires; et puis l'exigence de ne pas se résigner à un état de fait lorsqu'il est injuste.

«Une fois de plus je dois rétablir la vérité qui n'a pas été respectée par un de vos lecteurs [… qui] écrit : « mais il est une citation en tout cas que personne ne pourra jamais tirer de la Bible (y compris du Nouveau Testament), c'est une révocation quelconque de la promesse de la Terre faite à Abraham, et renouvelée à Isaac et Jacob pour leur descendance "à perpétuité"».

Dans le Zohar, il est dit : "Le sens littéral de l'Ecriture, c'est l'enveloppe ; et malheur à celui qui prend cette enveloppe pour l'Ecriture même". On affirme [même] que cela fait revenir le monde au chaos primitif. Il est évident que si l'on s'obstine à lire la Bible littéralement, c'est ce qui risque de se produire à brève échéance. Car la Bible ne promet pas à Israël une Palestine habitée, la coexistence, mais une terre dont les habitants auront été dépossédés impitoyablement .»

«Si vous n'expulsez pas devant vous les habitants du pays, ceux d'entre eux que vous laisserez seront comme des épines dans vos yeux et comme des aiguillons dans vos flancs, et ils vous traiteront en ennemis dans le pays que vous allez habiter» peut-on lire au livre des Nombres, chapitre 33, verset 55.

«[Heureusement], les rabbins ont évolué et déjà du temps du Talmud, il y a près de 2000 ans, ils avaient pris conscience que les juifs et le judaïsme ne pourraient survivre sans un changement de conception, sans une nouvelle exégèse de la Promesse de la Terre . Mais certains chrétiens voudraient revenir à une situation antique. Ils se réjouissent de voir une partie du peuple juif engagée dans une voie qui est bien connue des historiens pour mener inéluctablement à la catastrophe.

La Promesse de la Terre, selon les rabbins, doit s'accomplir par le Messie miraculeusement, surnaturellement, sans armes et sans guerres, avec l'accord de toutes les nations intéressées. Je veux bien de la Promesse d'une Terre, mais non d'une Terre arrosée du sang des pauvres et des innocents.»

«Je ne suis pas un spécialiste de l'exégèse chrétienne, mais j'ai dans mes dossiers un document émanant d'un groupe de théologiens du Proche-Orient et intitulé Mémorandum sur les exigences de la foi chrétienne devant le problème palestinien dans lequel je lis:

"La promesse faite à Abraham porte sur une descendance et sur une terre. Si cette descendance devait être la race juive et la terre la Palestine, cela signifierait que Dieu exclut les autres peuples de la terre, or la bénédiction de la promesse est destinée à se répandre sur toute l'humanité et toute la création. La terre, c'est le Royaume de Dieu . Comprendre "selon la chair" la promesse faite à Abraham, c'est pervertir le dessein de Dieu .»

«Je crois vous l'avoir dit [écrit Emmanuel Lévyne dans une lettre au directeur de Témoignage chrétien, écrite en 1967, peu après la guerre des six jours]: mes interventions publiques dans le conflit palestinien se font au nom de la vérité et de la justice, qui sont les attributs essentiels du Dieu d'Israël, qui ne peut être que du côté des faibles, des vaincus, des persécutés, des pauvres, comme l'enseigne ce texte rabbinique :

«Dieu prend toujours le parti du persécuté. Si un juste persécute un juste, Dieu se range du côté du persécuté. Si un méchant persécute un juste, Dieu se range du côté du persécuté. Si un méchant persécute un méchant, Dieu se range du côté du persécuté. Et même si un juste persécute un méchant, Dieu Se range encore du côté du persécuté»

Le Dieu d'Israël est donc du côté des réfugiés palestiniens. Et comme le dit un autre texte des rabbins : « Mieux vaut être parmi les persécutés que parmi les persécuteurs»

«Vous écrivez : « L'Etat d'Israël est reconnu par les grandes nations. Il est membre de l'O.N.U. Cela lui donne le droit à la vie. (...). Il a le droit à son indépendance et à son intégrité territoriale.» Mais vous vous déclarez hostiles à l'annexion des territoires nouvellement conquis [lors de la guerre des six jours]. Israël n'a pas fait autre chose en 1967 que ce qu'il a fait en 1948 . Ceux qui, comme vous, approuvent 1948 — ou du moins s'y résignent — parce qu'on se trouve en 1967, ceux-là qui désapprouvent 1967 [maintenant] l'approuveront en 1987 — ou du moins s'y résigneront. Non, cher monsieur, reconnaître et tolérer l'injustice parce qu'elle est devenue un fait accompli n'est pas conforme à la justice . Elle doit être réparée et effacée.

L'Etat d'Israël portait dans son principe toutes les injustices et tous les crimes auxquels nous assistons aujourd'hui, il ne pouvait pas se créer sans les perpétrer et se maintenir sans les perpétuer et se développer sans en commettre de nouveaux et des pires. Il faut condamner l'Etat d'Israël en son principe, en son idée même, sinon nous serons témoins et complices de la destruction et de l'extermination du monde arabe, du moins palestinien. Car c'est la même référence biblique qui autorise la possession de la Palestine par les juifs et la dépossession et l'extermination, le génocide, de ses habitants:

"Vous conquerrez le pays et vous y établirez, car c'est à vous que je le donne à titre de possession (…) Mais si vous ne dépossédez pas à votre profit tous les habitants de ce pays, ceux que vous aurez épargnés vous harcèleront sur le territoire que vous occupez" [peut-on lire dans les Nombres, chapitre 33 versets 53 et 55].

Telle est l'exégèse littérale, simpliste , qui permet aux sionistes comme aux nazis de commettre leurs génocides. Je l'ait écrit, je l'ai dit et je ne le répéterai jamais assez : ce n'est pas la bombe atomique qui provoquera la fin de l'humanité, mais une lecture erronée, une exégèse simpliste de la Parole de Dieu. Les rabbins du Talmud, contrairement au sens apparent de ce verset et d'autres, ont dit qu'il était interdit de retourner collectivement et par la violence en Palestine . Le sionisme politique et la création d'un Etat juif en Palestine étaient expressément interdits par les rabbins si l'on ne voulait pas provoquer des catastrophes épouvantables.»

«En reconnaissant le droit à l'existence de l'Etat d'Israël, vous prenez parti pour les sionistes, qui sont des faiseurs de catastrophes, qui ont causé déjà et qui causeront des malheurs sans nombre dont seront victimes avant tout les pauvres et les faibles. Vous avez dit non au nazisme allemand, ce n'est pas pour dire oui à un nazisme juif.»

La quatrième partie de Judaïsme contre sionisme est intitulée Textes de combats. Elle est composée de prises de positions qui intervinrent, soit dans des correspondances, en particulier avec des juifs prosionistes, soit dans des textes parus dans la revue Tsédek. Cette revue, dont le titre signifie «justice» en hébreu, était consacrée à la défense de la pure tradition judaïque et Emmanuel Lévyne la publiait lui-même au prix des plus lourds sacrifices.

«Vous avez dit non au nazisme allemand, ce n'est pas pour dire oui à un nazisme juif.» C'est en lui reprochant de telles expressions qu'un ancien ami de son père, devenu sioniste, essaya de faire passer Emmanuel Lévyne de l'autre côté de la barrière:

«Vous avez tort, [lui écrit-il au lendemain de la guerre des six jours] grandement tort, tort jusqu'à la profanation de parler des juifs d'Israël comme vous le faites. Ils défendent leur vie, ils défendent notre vie, ils entendent assurer leur sécurité et celle de leurs enfants. Vous n'avez pas le droit, sans commettre l'outrage suprême, sans vous mettre au niveau le plus bas, de traiter les juifs d'Israël de nazis. Ils sont nos frères, nos proches, notre chair.»

A ce genre d'arguments, Emmanuel Lévyne a évidemment de quoi répondre:

«La tradition nous commande d'être solidaires dans le malheur, mais non complices dans le crime. Le sionisme est un crime collectif, car il ne pouvait pas se réaliser, s'accomplir sans verser du sang et sans provoquer de terribles injustices. Nos anciens rabbins étaient des sages, c'est pourquoi ils l'avaient interdit; nos rabbins modernes ne pensent qu'à plaire aux riches qui les payent: c'est pourquoi ils taisent la vérité, ils cachent le crime, ils excusent et justifient les assassins en interprétant faussement les enseignements traditionnels.»

Comme il va l'expliquer à son correspondant, Israël n'est pas une race, encore moins un Etat, mais une communauté religieuse, celle des enfants d'Israël, qui n'existe que par le respect d'une foi et d'un Livre. Mais laissons-lui plutôt la parole:

«Je regrette de ne pas partager votre conception raciale — pour ne pas dire raciste — du judaïsme et d'Israël. Pour vous, une seule chose compte: préserver la survie de la société juive à tout prix. Et pour vous Israël, le peuple juif, c'est l'Etat. Vous ne vous apercevez pas que vous transférez à l'Etat les qualités que nos pères attribuaient seulement à Dieu : le salut des âmes et des corps. Vous divinisez l'Etat — qu'ont fait d'autre les Allemands avec Hitler — . Vous ne croyez plus qu'à la violence et à l'armée pour assurer la survie du peuple juif; contrairement à nos pères qui croyaient que notre vie dépendait exclusivement de notre attachement à l'Eternel et à la Torah : s'il nous arrivait des malheurs, c'était à cause de nos péchés.

Je constate que les opinions simplistes par lesquelles vous justifiez et défendez l'Etat d'Israël ont un caractère américain manifeste ; les raisons que vous avancez pour justifier, couvrir l'agression israélienne contre le monde arabe est de même nature que celles des Américains pour justifier leurs agressions impérialistes . Les centaines de milliers de réfugiés chassés de leurs maisons et de leurs terres comme l'ont été les Juifs d'Allemagne, les dizaines de milliers d'Arabes écrasés sous les bombes, brûlés au napalm en quelques jours, en quelques heures, cela ne vous suffit pas? Combien de millions, de dizaines de millions de cadavres arabes vous faudra-t-il pour commencer à ouvrir les yeux et à comprendre que le prix du sang de l'existence de l'Etat d'Israël est un peu trop élevé?

Hitler et les nazis nous ont exterminés parce que nous étions juifs. Nous ne pouvions pas ne pas être juifs. Mais nous pouvions éviter de construire un état au milieu d'un monde étranger qui avait des raisons de ne en vouloir. Nous juifs européens, qu'avions-nous à aller emmerder ces paisibles paysans palestiniens, à leur imposer un Etat juif — donc forcément étranger — conçu en Allemagne. Il faut partir, ou du moins renoncer à l'Etat juif.

«Les Arabes palestiniens sont comme nos pères: le monde entier est contre eux, on leur reproche les mêmes défauts, on les traite de la même façon. Je ne peux pas me désolidariser d'eux. Je ne reconnais plus [les enfants d']Israël dans les Israéliens. Je ne vois en eux que les assassins de mon père et de ses pères.»

Dans sa réponse, Emmanuel Lévyne cite alors un extrait du n°47 des Cahier Témoignage chrétien, intitulé «l'impérialisme international de l'argent». «C'est sous la signature d'un prêtre, le Père Gauthier, que j'ai lu les paroles de justice biblique et prophétique, de Tsédek, qu'il fallait dire au monde. Je me contenterai ici d'en rapporter ces passages particulièrement démonstratifs et probants:

« L'Etat d'Israël fait figure de nouveau riche à la frontière des pays de la faim. Le revenu moyen d'un Israélien est [en 1967] de 1500 dollars par an, alors que celui de l'Egyptien moyen est de 75 dollars (5 % de celui de l'Israélien). Le revenu national des 50 millions d'Arabes voisins d'Israël équivaut à peine à celui des 2 millions et demi d'Israéliens. (...).

Durant [la guerre des six jours], et surtout au début, on a parlé du petit David face au géant Goliath. Rien de plus faux que cette comparaison. En réalité, Israël n'a sans doute [en 1967] que deux millions et demi d'habitants, mais soutenus par quelque dix millions de Juifs, dont quatre aux USA et deux à New York. Financièrement Israël, avec ses supporters est une grande puissance .

Mais d'où proviennent donc les dollars que les Juifs américains ou autres envoient à Israël ? N'est-ce pas le produit de l'exploitation des peuples encore non-développés tenus en esclavage économique ? La différence de salaire entre l'ouvrier de ces pays et celui des U.S.A. est telle que le premier est frustré chaque jour par rapport au second de huit fois moins son salaire . Le système économique international des pays liés aux U.S.A. et aux grandes puissances permet à celles-ci d'empocher ce dont est frustré l'ouvrier du pays colonisé. Avec ces bénéfices, il est facile d'être généreux à l'égard d'Israël.»

«Bien des Juifs religieux [conclut alors Emmanuel Lévyne] savent et disent que les Prophètes ont toujours protesté contre les alliances avec l'Egypte ou la Babylone d'alors, c'est-à-dire les U.S.A, ou l'U.R.S.S. d'aujourd'hui.


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