Les Américains ont le chic pour nous refiler leurs chefs-d'œuvre et leurs bouses. A côté de dizaines de films de qualité indéniable, on a eu droit à Independance Day, Armageddon, ou encore la série infernale des Ocean's Eleven, Twelve et Thirteen.
Red Riding Hood Trailer 2 par teasertrailer
Pourtant, ils avaient une histoire en or. Inventé par un français, pour une fois. Il n'y avait qu'à dérouler... Déjà Perrault a fignolé la célèbre formule pour démarrer son histoire. Il était une fois... C'est pas beau, ça, peut-être ? Ça se décline dans toutes les langues, c'est un bonheur : «Once upon a time». «C'era une volta...», «Er war einmal». Et là, le silence se fait, les yeux et la bouche s'arrondissent, les oreilles passent en mode super-ouïe. Par la même occasion, les mioches se taisent, c'est dire si c'est magique.
Derrière une telle intro, il faut quant même avoir un truc à raconter. Il était une fois rien, ça marche pas. Le petit chaperon rouge, c'est bon, de côté là, il débute sur les chapeaux de roues..
- «Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu'on eut su voir...»
Perrault raconte ensuite une vraie histoire pleine de sang et de fureur, là où Catherine Hardwicke fait mumuse avec ses effets spéciaux. Bon il faut dire que le petit Chaperon Rouge y met du sien. Elle essaie d'embrouiller le loup en lui laissant le choix entre le chemin normal et un raccourci des familles. Mais le Loup prend Porte de Clignancourt et change à Réaumur-Sébastopol. En plus, la veille, il a dévoré un garde-forestier avec un GPS dans son Iphone. Eh oh, fastoche, moi aussi, hein... Et puis, discrétos, l'air de rien, il coupe le fromage à travers les taillis. Non mais la triche ! Alors que Chaperon rouge suit consciencieusement le fléchage mis en place par la DDE.
Le clou du spectacle, c'est la phrase magique, quand le loup puis le petit chaperon rouge frappent à la porte de la maison de la vraie et fausse Mère-Grand : -Tire la chevillette et la bobinette cherra». Je vais être charitable avec ce succédané de Twilight, je ne vais pas leur demander la traduction en anglais. Bref, la gamine a de la ressource, car chevillette, bobinette, comme mot de passe, ça se pose là... Bon je suis d'accord la formule a un peu vieilli. Aujourd'hui, on s'embête plus : quand un petit chaperon rouge portant son pot de beurre et son pinard sonne à la lourde, on répond : «4e gauche...» Et on ajoute à la cantonade «C'est la livraison Monoprix» d'un air blasé. Et on laisse choir la chevillette comme une vieille merde.
- «Oh grand-mère, comme vous avez de grands yeux !»
- «C'est pour mieux te voir, mon enfant» (toi ma fille, par contre, t'aurais bien besoin de lunettes)
- «Oh grand-mère, comme vous avez de grandes oreilles»
- «C'est pour mieux t'entendre, mon enfant» (et pour te repérer dans le noir. Des fois, l'odorat ne suffit pas...)
Etc. etc., on a ensuite les mains, et le bec et la tête, jusqu'au bouquet final :
- «Oh Grand-Mère c'est marrant, comme vous avez comme une minuscule zigounette!» (Dis donc Katsuni, tu veux me faire perdre mes moyens, c'est ça ?)
Mais voilà, avec un scénario en béton armé pareil, les Ricains nous ont pondu un scénario politiquement correct. Déjà Raiponce avait pris 6 ans par rapport à l'original, dans le dernier Disney. Pas de danger qu'ils adaptent Barbe Bleue, en revanche, bien trop cruel même de nos jours. Ni Peau d'âne avec son histoire d'inceste refoulé. Surtout, qu'on garde bien notre petit Poucet comme trésor national : ils seraient capables de lui donner 18 ans et d'en faire une sorte de mix entre Harry Potter et Matrix. Tiens, à propos, on m'a demandé de faire le bonus du DVD du Petit Poucet de Michel Boisron (1972), qui va ressortir bientôt. J'ai interviewé Jean-Pierre Marielle, Francis Lai et et Jean-Christophe Maillot. Mais ça c'est une autre histoire que je vous raconterai une autre fois si vous êtes sage... Et si vous n'allez pas voir "Red Riding Hood"...
Illustrations : wikipédia, Facebook, Warner Bros, DR