Il faut vraiment chercher pour trouver dans la presse française, comme dans les médias internationaux, la moindre nouvelle en provenance de l’Islande. C’est pourquoi il faut rendre hommage à Courrier international, qui, dans son dernier numéro, reprend l’article de Joana Azevedo Viana, journaliste portugaise d’un hebdomadaire qui curieusement n’est pas nommé.
Depuis que son fameux volcan au nom imprononçable a cessé de cracher ses cendres qui empêchaient nos avions de voler, qui se soucie vraiment de cette île austère perdue dans l’Atlantique nord, seulement peuplée de 320.000 âmes, et qui pourtant possède des paysages naturels à couper le souffle.
À peine apprit-t-on d’abord que cette île, dont les habitants disposaient d’un des plus élevés niveaux de vie au monde, avait été l’une des premières victimes de la crise financière de 2008 et complètement ruinée. On crut savoir ensuite que sa population avait congédié le gouvernement en place au moment des faits. Puis on apprit – nous nous en fîmes le relais ici-même –, que les Islandais s’étaient dotés d’une Assemblée constituante afin qu’elle rédige une nouvelle constitution capable de les mettre à l’avenir à l’abri de pareil désastre. Mais dans le détail, peu de choses sur le déroulement des événements.
Déjà, contrairement à ce qui s’est fait dans tous nos pays occidentaux lorsque le système bancaire tout entier a menacé de s’effondrer, les Islandais ont commencé par nationaliser leurs trois banques privées. Histoire de leur montrer qui commande dans leur pays.
Mais la crise était si grave que cela n’a pas suffi et que l’économie est tombée en récession. C’est alors que le pompier en chef du FMI, appelé à la rescousse, leur a généreusement accordé un prêt de 1,6 milliards d’euros échelonné sur plusieurs années. Mais, cela va de soi, soumis à conditions. Devinez lesquelles ! L’éternelle rengaine bien sûr : baisse des dépenses publiques et remboursement par l’Islande des fonds versés par la Grande-Bretagne et les Pays-Bas à leurs ressortissants lésés par la faillite de la filiale d’une des trois banques dont ils étaient les principaux clients.
Les Islandais qui ont de la suite dans les idées n’ont pas du tout apprécié le diktat de M. Strauss-Kahn et sont descendus dans la rue. Jusqu’à ce que le chef du gouvernement, qui était prêt à signer le contrat de prêt, démissionne. Ce qu’il a dû faire pour laisser place à une coalition de gauche. Dès le troisième trimestre de 2009, le pays sortait de la récession.
Juste assez pour que les gouvernements britanniques et néerlandais – qui avaient indemnisé comme nous l’avons vu précédemment leurs ressortissants, à hauteur de 3,9 milliards d’euros –, reviennent à la charge et exigent alors de l’Islande le remboursement planifié de cette somme. Par deux fois, ils ont présenté la note avec des modalités différentes et par deux fois ces entêtés d’Islandais, redescendus dans la rue, ont refusé de payer. Sous la pression des citoyens, le président islandais a dû céder, ne pas promulguer l’accord et en appeler à un nouveau référendum.
Mais pendant ce temps, les banquiers, responsables de la déconfiture financière, due en partie à des malversations, ont commencé d’être nommément mis en accusation. Et toujours en raison de la pression populaire sur le gouvernement de coalition de gauche, ce dernier a dû se décider d’enquêter sur ces crimes financiers. Que Jean-Marc Sylvestre se rassure, le gouvernement islandais est jusqu’à présent le seul au monde à avoir eu cette idée saugrenue.
Le dernier acte en date, nous en avons déjà parlé. C’est la mise en place de l’Assemblée constituante que d’aucuns en Europe souhaiteraient voir mordre la poussière. Pensez donc, elle viserait entre autres choses, à faire du pays un sanctuaire pour les journalistes et leurs sources. De quoi affoler par exemple notre va-t-en guerre de président et sa garde rapprochée.
La révolution citoyenne – car c’est ainsi qu’il faut nommer la chose – qui se déroule actuellement en Islande n’est pas le fait d’illuminés ou d’enragés. Elle est le fait d’un peuple responsable qui désire reprendre en mains ses affaires. C’est fou ce que cette brise marine venue du grand large est vivifiante. Puisse-t-elle transporter avec elle jusqu’à nous les pollens printaniers de la nouvelle et vraie démocratie que nous appelons de nos vœux.
Reynald HarlautParti de Gauche
Source :Courrier international N°1066 du 7 au 17 avril 2011-04-09« Quand tout un peuple refuse le diktat des financiers », p. 26