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Cette toute jeune auteur qui a écrit Entrechats paru aux Editions Voy’[el] a accepté bien gentiment de répondre à mes questions.
Ce livre m'avait beaucoup plu, surtout par son originalité !
En lisant ses réponses, vous découvrirez les sources de son inspiration... :)))
Merci beaucoup Cécile d'avoir partagé avec nous ce délicieux moment.
1) J'ai lu à la fin de ton livre, dans la page des remerciements que tu avais commencé Entrechats en 2005, donc si je compte bien, à 17 ans !!! Peux-tu nous en dire plus sur le parcours de ce manuscrit ?
(moi je sais, je l'ai lu, mais pas forcément nos lecteurs de Bookenstock ;) )
Et oui, j’étais toute jeune, naïve, encore inconsciente de la longueur faramineuse du chemin sur lequel je m’engageais alors…
En 2005, nous sommes le 27 octobre ou quelque chose de ce goût, je découvre le NaNoWriMo (National Novel Writing Month : www.nanowrimo.org), un challenge annuel qui consiste à écrire un roman de 50 000 mots en un mois, celui de novembre. Je me dis « chouette, je suis justement entre deux projets ! », et je me lance. Comme ça, sur un coup de tête. À l’époque, immense fan de la série télévisée Alias, je m’inspire d’un des personnages phares de la série d’espionnage pour créer mon méchant : Lloonas. Si Entrechats met tant en avant ce personnage - pourtant méchant -, c’est principalement à cause de Mr. Sark dans la série Alias. Oui, je sais, ce n’est pas très sérieux tout cela, toutefois ça l’est devenu, avec le temps.
Autre source d’inspiration insoupçonnée : la fanfiction. Une auteur - Alohomoraa, pour ne pas la citer- et une Potterfiction en particulier - Les Portes. (Alohomoraa, si tu passes par là, coucou à toi !) Et donc : juste avant le NaNoWriMo 2005, un chapitre de cette fanfiction est publié sur internet, et il traite des sphinx en tant que créatures magiques existantes. J’ai toujours été attirée par l’Egypte et ses mystères. Une fois le chapitre dévoré, j’ai eu envie de créer un univers qui tourne autour de cette civilisation. J’avais été impressionnée par la manière dont Alohomoraa traitait les sphinx dans son chapitre, mais pour moi elle n’allait pas assez loin, et surtout je n’étais pas d’accord avec elle, même si sa construction tenait la route évidemment. Avec le NaNoWriMo, et tous ces ingrédients, l’idée d’implanter une enquête dans un univers traditionnel est alors née. Un coup classique, sauf si vous mélanger aussi polar et fantasy, séries TV et fanfiction, flingues et sphinx.
J’écris pendant le mois de Novembre, et à la fin j’ai un roman. Imparfait, maladroit, complètement bancal malgré les synopsis préparatoires, mais il est là.
Je le corrige, j’en fais une V2, j’envoie aux éditeurs. Et là, si je compte bien - j’ai tout classé - je reçois 11 lettres de refus papier, et presque autant via mail. Cependant, je ne suis pas déçue : je m’y attendais. Ce à quoi je m’attendais moins, en revanche, ce sont les commentaires très encourageants de certaines maisons d’éditions, et même un petit mot manuscrit glissé par un directeur de collection, lequel ne doit même pas s’en souvenir. Cependant, ce détail a été marquant pour moi. Du coup, je décide de tout reprendre à zéro. Je corrige les erreurs de fond du synopsis - dans la V1, la dissection avait lieu en pleine rue, j’avais un sens de la cohérence disons, hem, personnel ? - et hop, on est repartis. Pas pour une version, mais pour 6 versions de plus ! C’est à la troisième qu’Entrechats est accepté par son premier éditeur, l’Olibrius Céleste. On passe par toutes les étapes de l’édition, mais le roman ne sera jamais publié chez eux. La maison d’édition ferme, pour certaines raisons trop longues à expliquer. En Juin 2009, je récupère mes droits. Quatre ans sont déjà passés, j’ai l’impression de recommencer à zéro une nouvelle fois. Bon, ben ok, allons-y.
Et j’ai bien fait : fin 2009, après avoir renvoyé exclusivement aux éditeurs qui acceptaient une soumission par mail, Voy’[el] me contacte pour publier le roman qui en est alors à sa V5.
Mai 2010 : le roman voit enfin le jour après une très courte correction éditoriale.
Je ne remercierai jamais assez Corinne Guitteaud, mon éditrice, pour avoir donné une chance à ce roman et, plus important encore, à la jeune auteur que je reste encore.
2)Comment as-tu réussi à mener de front tes études ( sont-elles finies d'ailleurs ? ) et le travail colossal d'un écrivain ?
C’est un secret ;o)Non, sans blague, en fait il ne s’agit pas d’être ultra-organisée, juste de compartimenter sa vie. Il y a des jours où je ne fais qu’écrire, d’autres où j’étudie pour la fac. Le plus souvent, l’alternance se fait naturellement, qu’il y ait urgence ou non.C’est aussi une bonne leçon du NaNoWriMo : écrire un roman en un mois, c’est impossible, sauf si vous trouvez le moyen d’exploiter au maximum vos pourtant très courtes sessions d’écriture. C’est quelque chose qui vient avec la pratique, et le NaNoWriMo est vraiment une expérience extrêmement enrichissante de ce côté-là - et pas que de ce côté-là d’abord.(Sinon, non, mes études ne sont pas terminées ! Je suis actuellement en LLCE Japonais [Lettres, Langues et Civilisations Etrangères], en deuxième année. Cela étant, je trouve que les études me laissent du temps pour écrire : la fac reste à la fac, l’écriture à la maison. En gros, la semaine je vais très souvent à la bibliothèque pour faire le travail de la fac, ce qui me laisse tout le weekend pour écrire. Et comme depuis deux ans mes weekends commencent le jeudi soir… je vous laisse faire le calcul ;))
3)Te reste-t-il un peu de temps pour lire ? Quel genre affectionnes-tu et quels sont tes auteurs préférés ?
Absolument, j’ai même toujours du temps à perdre dans les séries télévisées, alors c’est dire si j’ai du temps pour lire aussi ! Même si je lis beaucoup moins qu’avant, cela dit, je m’en tiens à une moyenne d’un livre par semaine.Étant ado, j’adorais J. K. Rowling. Je lisais aussi du Feist (qui prend deux étagères complètes chez moi : j’ai presque tout en grand format Bragelonne), et un peu plus tard le Fitz Robin Hobb est venu détrôner le Pug de Feist dans mon cœur de lectrice !Depuis quelques années, je me découvre aussi une passion pour le roman de la fin du 19e siècle et début 20e : ça a commencé avec Stevenson pour L’île au trésor notamment, et ensuite Jack London (Le vagabond des étoiles a été un coup de cœur instantané, un des plus beaux romans que j’aie jamais lu, toutes catégories confondues, et riche d’humanité, si vous saviez !)…Sans cela, retour vers le futur avec James Ellroy, découvert par une amie qui est une fan de l’auteur. J’ai craqué sur son Dahlia Noir, et depuis je lis de lui à peu près tout ce qui me tombe sous la main.J’aurais encore beaucoup d’auteurs à citer, mais cela risque d’être long, long, loooong et pas très passionnant. ;)
4) Les Plaines Désertiques...enfin l'Egypte ancienne et leurs dieux, c'est une passion qui te vient d'où ?
D’un professeur d’histoire ! J’étais en 6e, et nous avions un trimestre sur les mythologies du monde. La mythologie égyptienne ne m’attire au final pas plus qu’une autre ; pour Entrechats, comme vous l’avez vu, ce fut davantage le hasard qui m’amena à l’Egypte.Toutefois, je me rappelle encore de ce cours sur l’histoire des dieux égyptiens, dans la petite salle mal éclairée de mon collège. Notre professeur nous racontait son voyage en Egypte au lieu de nous réciter le bouquin. On aurait crû qu’il avait rencontré un dieu à chaque coin de rue, au Caïre, à Louxor, ou encore dans le désert ! Il était allé partout, si on l’écoutait ! Mais ça sonnait tellement vrai… j’étais fascinée, et c’est à cette époque que j’ai développé un fort intérêt pour les religions en général et, surtout, le concept de dieu. C’est quoi, une divinité, d’abord ? Juste une force supérieure ? Pas sûr.Dans Entrechats, la réponse est… très loin d’être celle attendue. ;)
5)As-tu prévu une suite à ton roman ou as-tu une autre idée en tête ? Enfin, rassure moi surtout, tu ne vas pas t'arrêter là n'est-ce-pas ?
Je n’ai prévu aucune suite à Entrechats car, pour l’instant j’ai besoin de voir d’autres paysages, d’autres personnages… il y a du potentiel, c’est certain, mais j’ai passé tellement de temps à corriger et remanier ce roman que je m’en suis presque dégoûtée à un moment.Sans cela, pas de panique : je ne compte surtout pas arrêter d’écrire ! D’ailleurs, depuis la publication d’Entrechats, je n’ai pas chômé. J’écris actuellement deux séries.L’une n’a pas de titre global. C’est une suite de novellas vampiriques, qui seront bientôt publiées (mais je ne peux pas encore dire chez qui, j’attends mon contrat… mais ce sera énooooooooorme :D *danse de la joie*). Le premier volume s’intitule Quadruple assassinat dans la rue de la Morgue, le deuxième L’étrange cas du docteur Ravna et de Monsieur Gray, et le troisième Le dernier des Néphilims. Le tome 4 n’a pas encore de titre. Il y aura probablement un tome 5… pour l’instant, j’ai seulement écrit les tomes 1 et 2, ce qui représente un volume de 400 000 signes espaces comprises, soit 2/3 d’Entrechats. Tu auras remarqué les influences de mes lectures citées plus haut, notamment les auteurs de fin 19e/début 20e. ;) Une quatrième de couv temporaire est disponible ici, pour le premier tome : http://cocyclics.org/index.php?option=com_content&view=article&id=52:quadruple-assassinat-dans-la-rue-de-la-morgue-cecile-duquenne&catid=13:romans-en-recherche-dediteur&Itemid=20
La deuxième série s’intitule Foulards rouges, et là c’est totalement différent. Je ne vais pas trop dévoiler l’intrigue, juste dire qu’il s’agit d’une uchronie dystopique à l’ambiance western spaghetti, sauce ketchup, avec des bouts de steampunk délirant dedans, et où les E. T. ont débarqué sur Terre en 1803 ! ^^
6) Tu es le 4ème jeune auteur ( et là j'entends "jeune" dans le sens où c'est un premier livre ) qui nous parle de ce forum de grenouilles (Bénédicte Taffin, Ludovic Rosmorduc et Nadia Coste ). Peux-tu nous en dire plus ?
CoCyclics, c’est une utopie en marche, un lieu où l’on apprend à écrire à sa propre école, où l’on rencontre des gens de tous niveaux, et qui ont tous un point commun : la volonté d’améliorer la qualité de leur production littéraire. C’est un lieu où vous pouvez faire corriger vos manuscrits à condition de vous pencher sur ceux des autres. Et ça marche ! L’émulation est forte. Les résultats sont là, sous formes de textes publiés. La bonne humeur perdure sur le forum et dans les rencontre IRL !Cependant… cette description pourtant élogieuse ne rend pas du tout justice au collectif de CoCyclics. Pas assez. Sans CoCyclics, je n’aurais probablement jamais été publiée à ce jour. J’ai tellement appris là-bas ! Sur l’écriture, mais aussi sur le milieu, les pratiques, la manière de soumettre un manuscrit… Quand on écrit de la SFFF, c’est un incontournable.Et ça le reste. Voyez : je suis publiée, certes, mais CoCyclics reste indispensable pour moi. Je suis toujours en apprentissage et, surtout, je me suis fait des amis là-bas que je ne veux pas quitter.CoCyclics est une mare bouillonnante d’activité, toujours en marche vers l’avenir, et… je crois qu’il faut le vivre pour le croire.Si vous êtes intéressé, une seule adresse : http://cocyclics.org/ (faites attention, retenez ce moment, car ce clic peut changer votre vie d’auteur, et dans le bon sens !!)
7)Où pioches-tu ton inspiration ? Tes volatiles avec deux paires d'ailes, la deuxième sur le croupion m'a fait mourir de rire !!! Quand un auteur imagine un dragon, quelque soit la description, cela reste dans ma tête un dragon. Mais là, tes coureurs du désert, j'ai trouvé ça énorme !!!
Merci :o) Si tu veux rire davantage, voici un secret (un peu honteux) : les coureurs de vent, ces fameux volatiles à quatre ailes, tirent leur origine d’un obscur et ancien numéro du Mickey Magazine qui contenait un dossier sur les créatures du futur. Ils y parlaient d’oiseaux à quatre ailes, et l’idée m’a beaucoup plu ! J’ai donc créé mes propres oiseaux du futur… j’avais, quoi, 13 ans ? Ces bestioles m’ont poursuivie. D’ailleurs, ils feront d’autres apparitions dans d’autres romans.De manière générale, pour l’inspiration, je la pioche et la développe de manière inconsciente. Je note l’embryon d’idée sur mon Moleskine et, sans avoir à y réfléchir, 15 jours plus tard, un développement soudain va m’apparaître. Que je note juste à côté. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’idée finale n’ait plus qu’un faible rapport avec l’idée d’origine. C’est aussi ce qui me permet de trouver des idées et des concepts assez originaux, décalés : je ne me contente pas de l’idée telle quelle, je préfère la laisser se développer, voir où elle me mène, et ensuite, je ne garde que ce qui me plaît et/ou me paraît exploitable.Très souvent, les idées se percutent, se mélangent.J’ai tendance à dire que je plante mes idées pour attendre que ça pousse. C’est la métaphore la plus parlante pour décrire le processus.
8)Ce mélange d'imagination débordante et d'humour m'a beaucoup plu. En revanche, comme je le disais dans ma chronique, le sort que tu as réservé à Loonas m'a franchement irritée... tu ne voudrais pas ré-écrire la fin, rien que pour moi? Et tant-pis pour la morale !!!
Si j’ai choisi une telle fin, ce n’est pas pour la morale, mais bien parce que j’envisageais Entrechats comme un volume unique. Si j’avais exaucé ton souhait, il aurait fallu écrire une suite, et à l’époque je préférais me contenter d’un seul roman. C’est d’ailleurs préférable quand on débute.Mais… depuis, l’idée d’un autre récit dans le même univers a fait son chemin, et j’envisage de le centrer sur Lloonas, sur les raisons qui l’ont poussé à s’exiler des Terres Croisées pour venir en Plaines désertiques. Le récit de cet exil volontaire me tente bien, mais pour l’instant, comme tu l’as vu, j’ai d’autres projets en cours qui demandent mon attention. Ce ne serait donc pas une suite, mais bien une préquelle. ^^
9) Je te laisse la parole pour conclure cet échange et transmettre ce que tu veux à tes lecteurs.
Eh bien… chers lecteurs, j’espère que cet échange vous aura donné, sinon l’envie de lire mes publications, au moins celle de me suivre. J’ai un compte Facebook, un compte Twitter, je ne mords pas même si je suis un peu fofolle ! :o)Si en plus d’être un lecteur, vous êtes un auteur, j’espère que cet échange vous aura appris quelques petites choses.Dans tous les cas, je vous remercie de m’avoir lue jusqu’ici ! Merci aussi à toi, Dup, et à très bientôt !