Thierry VISSAC : L'Espérance

Publié le 09 avril 2011 par Unpeudetao

Question : Peut-être pourrais-tu nous parler de l'Espérance qui te soutient ?

R : C'est une belle question. Quand je dis que je n'ai pas d'attente, je comprends que l'on puisse s'interroger sur mes motivations ou sur le moteur de tout cela. Pourquoi tant d'insistance à faire voir quelque chose à ceux qui me lisent ici ? Pourquoi tant d'heures consacrées à parler, à écouter quand le destin de tous ces mots est insaisissable et parfois sans effet “concret”, sans pouvoir réel de libération ? Comment une telle énergie peut-elle s'engager dans une oeuvre sans attente ?

Quand je lis ta question, B., je suis renvoyé à l'impulsion première de tous ces dialogues, à l'élan naturel du partage. Je n'attends rien des hommes parce qu'ils ne sont pas la cause de mon bonheur ou de mon malheur. Mais, dans cette liberté, on réalise aussi que le dialogue se poursuit et qu'il peut exister un échange qui n'est pas motivé par un intérêt personnel.

Mais, sans parler d'intérêt, peut-on dire que l'échange “apporte” quelque chose, malgré tout ?
Là, je vois qu'il y a une Joie simple à faire des ronds dans l'eau, des échos dans l'espace, des résonances chez mes frères et soeurs.

La Vérité est déjà vivante, je ne La crée pas. Mais je peux la montrer du doigt, comme N. peut montrer une constellation, une étoile à quelqu'un qui plisse les yeux pour la voir et y parvient… ou pas. Mais l'étoile et la constellation sont déjà là.

Le fait de plisser les yeux est la quête, la douleur de celui ou celle qui veut obtenir quelque chose. Pour ma part, je ne plisse pas les yeux en montrant du doigt. Parce que l'étoile est déjà là. Et elle brille. Mais la Joie est produite par le Lien sans barrière que crée l'écho de la Vérité entre deux êtres qui étaient jusque-là “séparés” par des visions qui ne se rejoignaient jamais (les visions de l'ego ne se rejoignent jamais, elles restent duelles).

Alors, oui, il y a une Joie, un baume, une onde pure.

La crispation de l'ego, les attaques sont sans véritable effet sur moi mais je peux dire que je ne les chéris pas et qu'elles produisent inlassablement en moi le retour de la lame, du tranchant. Ce qui passe par moi est sans conciliation. Quelque chose dit toujours “Il n'y a plus de temps pour cela !” quand je suis devant les grimaces de l'ego en parade. J'ai apprécié le tranchant et je le transmets. Mais si ma lame était émoussée, si elle manquait sa “cible”, l'étoile serait encore là. Je ne me prends pas au jeu. Mais le jeu consiste, pour moi, à trancher, à goûter à l'expansion de la Joie s'il m'est donné de la recevoir “en retour” ou à demeurer dans l'espace plus neutre de l'accueil à “ce qui est”.
L'Espérance, dans cette compréhension, n'est pas une attente (Je crois d'ailleurs que c'est ainsi que le comprennent les chrétiens), c'est l'accompagnement d'un avènement inéluctable : l'étoile est déjà là, et il faut la montrer à ceux qui plissent les yeux, tout en leur suggérant de se détendre.

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