En ce temps-là
Il y avait, dans le ciel, des étoiles par milliers,
Une lune rousse
Et d’étranges oiseaux de nuit
Qui criaient leur désespoir
De n’avoir vu le jour qu’en rêve.
Sur les plages de l’océan,
Au bord du monde,
Déferlaient des vagues infinies,
Des vagues immenses,
Qui puisaient leurs forces dans les profondeurs abyssales,
Là où des monstres inconnus
S’accouplaient sans retenue
Dans les silences sous-marins.
La terre naissait à peine
Et partout des volcans répandaient leur colère.
Ce n’était que pluie de feu, lave coulante et rivières de sang.
Dans les grottes, d’étranges créatures attendaient,
L’œil aux aguets, que se lève enfin le jour.
Les rochers prenaient des formes étranges,
Sculptés par le vent des déserts
Et dans la moiteur des forêts
Se glissait le serpent fondateur,
Rampant sans répit au milieu de ses rêves.
Un cyclone parfois frappait les côtes
Et dans la grande nuit déchirée d’éclairs
On apercevait des plaines infinies
Où couraient les premiers hommes.
Nus, hirsutes, le corps tatoué d’étranges signes,
Ils emportaient avec eux les os de leurs ancêtres
Les vénérant comme des dieux immortels.
Dans l’ombre, on devinait le souffle des bêtes fauves
Tandis que le sol était ébranlé
Par la fuite éperdue des grands herbivores.
Cachés dans les replis de la terre,
Des chamans dessinaient sur les parois
Les animaux fantastiques qu’ils avaient cru voir en songe.
Eclairés par des torches, leurs ombres géantes
S’agitaient dans la nuit,
Fantômes incertains aussitôt évanouis.
Parfois, tout en haut du ciel, parmi les nuages,
Planait un oiseau de proie, l’œil implacable et menaçant.
Quelque part aux abords de la grande forêt
Une femme criait, écartelée sur un lit de fougères.
Accroupis autour d’elle, les hommes du clan
Observaient la naissance de l’Histoire.