Le merchandising ou marchanisage (l’art de la présentation et de la mise en marché) est un sujet relatif au design. Une étudiante m’a posé des questions à ce sujet. Voici mes réponses. D’abord, le mot de cette étudiante:
Je suis étudiante en master 1 en communication institutionnelle à SUP DE PUB, Paris (une école de commnication)
Cette année je réalise mon mémoire sur le merchandising visuel des enseignes de parfums et de cosmétiques.
Et j’ai besoin d’interviewer des professionnels du merchandising afin d’enrichir mon mémoire. Effectuer vous des travaux sur les tendances du merchandising visuel?…
Bonjour, ce questionnaire a été réalisé pour mon mémoire de fin d’études. Vos réponses me sont d’un très grand intérêt. Merci.
- Sarah Mroue
Voici mes réponses à ses questions.
Le merchandising visuel : techniques et intérêt
Pouvez-vous me donner une définition du merchandising visuel ?
- La mise en valeur de produits et services par des installations (exemples : affiches, bannières ou stand) dans un objectif de mise en marché (marketing).
Le personnel (dimension sociale de l’atmosphère) fait-il parti des composants du merchandising visuel ?
- Oui et non, cela dépend de la philosophie de l’entreprise. En général, ce sont des négociations entre le service des ventes et celui du merchandising qui aboutissent à des conclusions en ce sens.
- Lorsque le personnel est en contact direct avec le client et qu’il interagit avec les consommateurs, son importance est grande, donc on a tendance à créer un look. Au contraire, on ne travaille généralement pas le visuel des employés qui ne sont pas en interaction avec les clients, question de réduire les coûts.
- Les vêtements des différents départements d’une boutique ne porteront pas le même type d’uniforme. Ces uniformes sont des codes qui facilitent le service à la clientèle. Ils indiquent un message de professionnalisme.
- Aussi, il est possible de donner comme objectif à une entreprise qu’il n’y ait pas d’uniforme comme tel, mais plutôt un code vestimentaire général. C’est le cas dans les restaurants et bars qui se veulent accessibles et branchés en laissant une part de créativité à leurs employés.
- Le look peut aussi favoriser l’achat. C’est le cas de la boutique de jouets Benjo à Québec où les employés sont déguisés et présentent les jouets avec amusement de sorte à créer une atmosphère festive qui pique la curiosité des enfants et des parents.
- Puis, les postures de travail des employés sont à revoir ainsi que l’aménagement des postes de service. Certains consommateurs ne veulent pas être servis par une personne assise ou par une personne derrière une vitrine. C’est une question de bon sens généralement selon la vitesse d’exécution du service et de contraintes relatives à la tâche de l’employé.
A quelle fréquence les enseignes modifient elles leur merchandising visuel? (saisons, nouveaux arrivages etc.)
- Selon mon expérience, les visuels des boutiques changent à toutes les saisons au minimum. Il faut comprendre que certaines boutiques voient leur stock modifier à toutes les deux semaines et ce sont les fournisseurs qui leurs envoient des affiches.
- Généralement, il existe aussi des enseignes qui ne sont changées que lorsqu’on revoit l’aménagement complet du magasin.
- Puis, il y a des produits qui viennent dans leur propre stand. Ceux-là sont modifiés rapidement (disons une semaine), dès l’épuisement des stocks.
Pouvez-vous me citer quelques nouvelles tendances du merchandising visuel ? Quelles enseignes appliquent ces nouvelles techniques ?
- L’interactivité. Comme dans l’ensemble des activités de nature marketing, la tendance en vogue est l’interactivité. Donc, il s’agit de faire interagir les consommateurs avec des objets animés, des écrans tactiles, des appareils électroniques, etc.
- L’authenticité. Le fait d’utiliser un flacon de parfum à tester représente un évènement authentique dans la journée du consommateur. Ce genre d’évènements authentiques est en demande.
- L’expérience totale. C’est l’idée d’impliquer le consommateur dans un parcours visuel allant de l’entrée du magasin à sortie et plus tard encore de sorte à imprégner une image forte dans son esprit. Cette expérience se poursuit à la maison lorsque le consommateur se rappelle de son expérience en entrant en contact avec l’emballage, la facture, le site Web, etc.
- La distribution automatique. Depuis quelques temps, on sent monter un intérêt pour l’utilisation de distributrices automatiques. On place le produit dans une de ces distributrices et le consommateur exécute lui-même l’achat.
- Le recours à Internet. Certains entreprises ont aussi recours à des postes informatiques afin d’inciter les consommateurs à faire des achats en ligne, question d’initier ce genre de pratique auprès de la population.
Dans quel but les enseignes font elles appel au merchandising visuel ?
- C’est une question de cohérence. L’incohérence dérange. La cohérence apaise et rassure. Elle donne donc envie d’acheter.
- Puis, les consommateurs réagissent inconsciemment à certaines géométries de l’espace, certaines couleurs, formes, etc. Ces signaux les incitent à accomplir des actions, dont l’une d’elle est l’achat.
Quels types d’études sont faites auprès des consommateurs ? (exemple : eye tracking etc.). On dit que « les merchandisers empruntent les yeux des consommateurs. »
- En général, on demande à un groupe test de donner ses impressions de manière structurée, voire scientifique.
- On peut filmer un client et observer ses gestes.
- On peut aussi utiliser des logiciels qui calculent les actions.
- D’une manière très poussée, on peut réaliser des tests (neuromarketing) évaluant les zones du cerveau touchées par certains éléments visuels.
- Il existe des études scientifiques sur l’impact des éléments visuels. Par exemple, on sait bien que la couleur rouge est vendeuse puisqu’elle affecte le rythme cardiaque.
- Puis, il existe des principes fondamentaux étudiés par les spécialistes de la géométrie, de la psychologie, de l’ethnologie et de l’anthropologie.
Que pouvons nous dire du merchandising visuel à l’ère du numérique ? Quels conseils donneriez-vous ?
- D’abord, il faut une présence en ligne efficace, ce qui nécessite une équipe professionnelle !
- Pour la boutique, il suffit d’intégrer les internautes dans le magasin. Ce peut être par l’intégration d’un écran affichant les « tweets » ou d’une interface permettant le clavardage entre employés et internautes ou internautes et consommateurs. Ce peut-être aussi par l’intégration d’une Webcam diffusant des images de la boutique lors d’évènements spéciaux. Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact des technologies interactives. Les projections 3D, ambiances musicales et ambiances lumineuses interactives ont un impact significatif sur l’expérience vécue par le consommateur en boutique. Il ne faut pas oublier d’intégrer des outils comme Foursquare qui augmentent l’achalandage.
- Pour les autres, il ne faut pas oublier d’être tangible dans le monde réel autant que virtuel. Les consommateurs apprécient de toucher, voir, parler en face-à-face avec un être humain, dans un monde réel.
- Enfin, il est utile d’intégrer l’adresse de son site à ses outils promotionnels (un point important que certains oublient malheureusement).
Les pratiques du merchandising visuel sur le web sont-elles différentes du merchandising visuel dans une enseigne ?
- Bien entendu : oui.
- Le Web est régi par des normes et standards correspondant à la navigation Internet : ergonomie, référencement Web, etc. Le Web est intangible, mais ce sont les choses tangibles que les consommateurs achètent en général. Certains sites ont intérêt à ressembler au monde réel, d’où l’intérêt des boutons 3D, textures réalistes, vidéos et photographies. Sur le Web, c’est plus proche d’une enquête dans une encyclopédie.
- L’enseigne est structurée selon des normes que je dirais « ethnologiques » en ce sens que la consommation en boutique est un acte de socialisation. Donc, on a intérêt à inclure des bancs, comptoirs de service chaleureux, espaces de détente et de divertissement, « bac à trouvailles », etc. Dans une boutique, c’est plus proche de la chasse au trésor.
Le fun shopping : consommer autrement
Aujourd’hui on parle de fun shopping ? Qu’est-ce que cette tendance a apporté aux enseignes ?
- Les consommateurs achètent pour se faire plaisir et cela depuis longtemps. On ne fait que remettre à jour les pratiques des galeries d’art, boutiques de poterie et d’artisanat en les appliquant ailleurs. Maintenant, on comprend l’impact du design sur le roulement des consommateurs en magasin : ils cheminent d’un intérêt à un autre et s’arrêtent aux endroits les plus stimulants positivement.
- Donc, il y a plus d’éléments stimulants positivement : odeurs, musiques, couleurs, géométries circulaires ou ovales, textures recherchées, zones de divertissement à même la boutique, espace de dégustation, etc.
Pouvez-vous me commenter cette phrase ? « La mise en scène contribue au ré enchantement de la consommation »- Hetzel (2002)
- Je suis d’accord. Les objets produits en série n’ont plus de valeur comme tel, ce sont leur impact dans la mémoire des consommateurs qui compte. La mise en scène des objets permet de les imbriquer de manière positive dans l’imaginaire des consommateurs afin qu’ils leurs donnent du sens.
Comment accélérer les ventes ?
Comment éviter les coins morts dans un point de vente ?
- L’habillage des coins morts, c’est plutôt inefficace. C’est l’ensemble de la géométrie d’un local qu’il faut revoir pour qu’il n’y ait pas de coins morts. Pour cela, il faut penser à un aménagement Feng shui qui maximise la circulation des personnes dans la boutique. La clé de tout cela, c’est d’imiter l’aménagement des casinos: facile d’y entrer et d’aller payer, pas facile d’en sortir sans acheter.
- Dans un coin mort impossible à modifier, on indique de manière claire le chemin à suivre pour retrouver les coins payants avec des affiches par exemples qui donnent un plan de la boutique si elle est très grande. On transforme ce coin en coin de divertissement en ajoutant des produits interactifs. On y place un préposé du service à la clientèle pour dégustation/test de produits ou encore une boîte à suggestion.
Pourquoi dit-on que l’étalage en carré est le plus vendeur ?
- Cela oblige le consommateur à faire le tour de la boutique sur ces quatre murs en le confrontant avec des produits plus ou moins mis en valeur aux coins par exemple.
- Je ne crois pas que le carré soit la meilleure forme. Je prétends que c’est la forme octogonale qui est préférable, mais elle n’est pas simple à utiliser puisque la majorité des locaux sont rectangulaires ! Cependant, observez l’interaction des consommateurs autour d’une table de démonstration octogonale et vous verrez qu’il s’agit d’une forme à considérer.
Les PLV et les miroirs sont ils un véritable accélérateur de vente ?
- Cela dépend des types de lieux de vente. Dans une banque, c’est nul. Dans une boutique de vente de vêtement, c’est un must. En général, les surfaces miroirs donnent le sentiment de faire parti du décor, ce qui a un effet inconscient. On se sent ainsi inclut dans l’espace, mais cela a aussi un effet dévastateur si on a une mauvaise estime de soi ! Je crois que la lumière accélère davantage les ventes.
Quel est selon vous un merchandising visuel qui vend ?
- Il faut de la cohérence autour d’un message marketing à la fois stimulant et extrêmement clair.
- Exemple : si le message est « Boulanger : pain baguette », tout le décor doit signifier cela. On y verra du pain, des couleurs relatives au pain, des images rappelant le plaisir de déguster du vin, du fromage et du pain. Il y aura une table de dégustation de pain baguette. On verra un gros four à pain chaud et qui sent bon. On sentira l’odeur du pain. On aura l’impression de parler à un véritable boulanger, habillé comme tel. Et pour signifier « pain baguette », on aura l’occasion de voir des œuvres artistiques évoquant le pain baguette, le blé et la farine.
Pouvez-vous me donner quelques chiffres qui illustrent cette efficacité ?
- Je vous réfère à Neurosciencemarketing.com, un site qui fait la démonstration de l’efficacité des pratiques de design sur les ventes de manière scientifique.
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