Au moment où l'ObObs se fait l’écho du combat capital de Pierre Priolet pour un retour à une alimentation saine qui implique le système de la grande distribution, l’explosion des prix des produits de base vient soudain aggraver une baisse constante du pouvoir d’achat, et elle a pour conséquence directe d’interdire aux consommateurs à faibles revenus tout accès à une nourriture équilibrée.
Dans un tel contexte, le « Panier des essentiels», sorte de Minimum nutritionnel que tenterait d’instaurer le Secrétaire d’État chargé de la consommation, en liaison avec l’ensemble de la grande distribution (Leclerc, Casino, Carrefour, Intermarché, System U, Auchan, Monoprix, Cora-Match), et qui prendra effet au plus tard fin avril, aurait pu s’avérer un acte de salut public. Hélas, c’est une déception, et les critiques pleuvent. Pourquoi ?
Que dit la convention ?
-Les modalités : chaque enseigne s’engage à proposer toutes les semaines un « panier » de 10 produits de qualité pour un total n’excédant pas 20 euros. Un logo commun permettra l’identification des articles.
-Le contenu : un fruit, un légume de saison, une viande, un poisson, un fromage ou un produit laitier, une boisson.
-Le but recherché : prouver aux Français « qu’ils peuvent se nourrir correctement à des prix abordables » (Frédéric Lefebvre- Le Parisien).
Une mesure en trompe-l’œil ?
Malheureusement, excepté lors de la venue du Secrétaire d’État, qui a eu droit à sa petite mise en scène dans son Carrefour préféré, à Charenton, les premiers observateurs ont vite fait de relever d’évidentes contradictions. Et d’abord, nous dit Marc Vignaud (Le Point), ne cherchez pas le panier, c’est comme l’Arlésienne, il n’existe pas ! Citant l’exemple de Casino :
Non seulement la convention laisse le mode opératoire et la présentation à l’appréciation du magasin, à condition juste qu’il en fasse la promotion, mais les articles ne sont ni regroupés, ni mis à disposition sur un présentoir. Au client donc de se débrouiller, armé d’une calculette, et de glaner à travers différents rayons, pour y détecter les « bonnes » promotions ! (Ici, 30 centimes de moins tout de même, mais sur des pommes de terre déjà en promotion).
À quoi rime alors tout ce battage, si les grandes surfaces (pas folles !) ont la permission de faire semblant ?
Et les prix ? Frédéric Lefebvre élude : « Des contrôles par la DGCCRF sont en cours »… Quoi qu’il en soit, les distributeurs, eux, refusent de communiquer sur les efforts qu'ils consentiront ... "Le prix n'est pas l'essentiel" (sic !), a d'ailleurs lâché le représentant de Géant Casino (Marc Vignaud).
Et Frédéric Lefebvre d’enfoncer le clou : "Ce n'est pas un panier du pauvre, mais le début d'une démarche de qualité" (fruits de saison, viande d’origine contrôlée).
« Difficile alors de comprendre, dit Marc Vignaud, pourquoi "le panier des essentiels" n'est qu'en "phase d'expérimentation pendant trois mois"… Sinon à supposer, comme le stipule la convention avec l’État, qu’après un bilan effectué par les enseignes, "les participants à l'opération pourront décider de poursuivre celle-ci pour une durée d'un an". Histoire de pouvoir s'en débarrasser s'ils la jugent inutile... Pas de quoi, conclut-il, éduquer durablement les Français à mieux consommer »...
Le pouvoir d’achat au panier ? (Titre Libération)
Si Familles rurales ou la CLVC prennent acte d’une avancée sur le plan nutritionnel (mesure « pas négative »), prudentes, elles disent attendre de voir comment la convention sera appliquée.
UFC-Que Choisir, cependant, elle, n’y va pas par quatre chemins, et dénonce déjà « l’effet d’annonce » pour détourner des vrais problèmes. Elle vient de publier un communiqué déclarant que le panier propose trop peu de produits, et que son contenu, laissé au choix des distributeurs, risque de ne constituer qu'un "panier d'appel".
Selon l’association le panier pourrait même être « contre-productif » :« On focalise l’attention sur un petit nombre de produits pour faire oublier la liberté de jouer sur les prix avec les milliers d’autres ! » martèle Olivier Andrault, son représentant.
Par ailleurs, "aucun niveau maximal de prix n'est défini, aucun engagement chiffré n'est donné pour contenir l'inflation, pas plus que pour améliorer la transparence dans la construction des marges", précise l'association. Enfin, "ni le Ministère de la Santé, ni le Programme National Nutrition Santé n'ont été associés au choix des produits concernés, ce qui laisse le champ libre aux dérives sur la communication des bénéfices nutritionnels de cette action."
(Rappel : L’UFC plaide pour la mise en place d’un « coefficient multiplicateur », afin de règlementer les hausses de prix alimentaires, et contraindre aussi à des baisses en phases de redescente des cours).
Alors ?
Encore une fois, rien de durable sur cette voie semée d’embûches du « consommer juste » ! Il est fort à craindre que des bonnes intentions éducatives affichées « en haut », faute de moyens et sans doute d’une vraie volonté d’engagement sur le fond, ne dépassent pas le stade de « l’écran de fumée »… Et n’améliorent guère le sort du consommateur.