Alors que les habitants d’Abidjan sont cloîtrés chez eux, internet devient le relais des appels à l’aide en Côte d'Ivoire. Plusieurs initiatives solidaires se sont créées pour leur porter secours.
Le chaos règne sur Abidjan depuis une semaine. Pour éviter les tirs et échapper aux pillages, les Ivoiriens se sont barricadés chez eux, ne sortant qu'au péril de leur vie. Au fil du temps, les moyens de communiquer vers l’extérieur se sont fait de plus en plus rares. Les distributeurs de cash sont vides depuis longtemps. Difficile de se procurer des unités pour les téléphones portables. Même depuis l'étranger, les systèmes de recharge par carte de crédit sont paralysés. Les personnes malades, isolées, ont du mal à se signaler ou même à trouver des médecins qui acceptent de braver les dangers de la guérilla urbaine. Mais l’ingéniosité de quelques jeunes Ivoiriens aidés d’internet a peut-être fait des miracles.
Les réseaux sociaux se mobilisent
La personne qui a besoin de soins peut se signaler de différentes manières. D'abord grâce aux fameux réseaux sociaux, dont on a déjà vu le rôle dans les révolutions d'Afrique du Nord. Sur Twitter, en apposant à la fin de son message le mot-clic (ashtag en anglais) #CIVsocial, l’appel à l’aide est directement identifié par des bénévoles qui pourront proposer la solution la plus rapide possible. Guy Manasse, développeur informatique à Abidjan, se dit à l’initiative de ce dispositif. Avec deux autres bénévoles, ils se relaient jour et nuit pour veiller sur le réseau. « Ce matin, on a sauvé un diabétique, un asthmatique et aidé cinq personnes qui manquaient d’eau et de nourriture », annonçait-il modestement il y a quelques jours.
Même principe sur Facebook. Sur la page du groupe « la chaîne humanitaire », on pouvait lire notamment que des élèves enfermés à l’Institut national de la jeunesse et des sports (INJS) de Marcory n’auraient plus rien à manger et à boire, qu’un enfant d’un an serait bloqué avec sa maman et que le jeune Franck, blessé par balle à la cuisse, aurait besoin d'assistance à Yopougon. Aux internautes d’activer leurs réseaux pour essayer de leur venir en aide.
Système D
Pour ceux qui peuvent encore téléphoner, un centre d’appel d’urgence a été installé à plus de 300 km de là, à Accra, au Ghana, pour recevoir les appels, ou les tentatives d’appel de personnes en détresse. Le call center rappelle, localise, identifie les besoins avant d’avertir, toujours via Twitter, des bénévoles à Abidjan qui tenteront d’agir. À l’origine de ce service, l’ONG Akendewa qui s’occupe habituellement de développer l’accès internet en Côte d’Ivoire. Une collecte de fonds vient d’être lancée pour couvrir les coûts de communication de l’initiative.
Quand bien même les appels à l’aide sont identifiés, les services de secours ne peuvent pas toujours intervenir. « Les ambulances ne circulent plus par peur d’être prises pour cibles », explique Guy Manasse. Seule la Croix-Rouge (CICR) organiserait des évacuations sanitaires. Les bénévoles sont, du coup, à la recherche de particuliers qui accepteraient de prêter leurs véhicules personnels pour transporter les malades. « On veille à prendre des draps blancs et à dessiner dessus des croix rouges », ajoute Manasse. Mais à l’arrivée, dans certains quartiers, « sur dix cliniques, seules deux sont en état de fonctionner ». Et partout les médicaments manquent. La plupart des pharmacies sont fermées depuis belle lurette.
L’union fait la force
Autre initiative, rapportée par France 24, la création d’une carte collaborative pour justement lister les rares pharmacies opérationnelles, les marchés, ou les hôpitaux à travers la ville. Son auteur, Didier Valette, un professeur de droit de la faculté de Clermont-Ferrand (France) souhaitait maintenir le contact et aider d’anciens étudiants ivoiriens et gabonais habitants Abidjan. Enfin, certains médecins de la capitale économique se sont regroupés pour assurer une permanence téléphonique et prodiguer des conseils en attendant l’arrivée des secours.
Si depuis le début de la crise les ambulances et les médicaments ont toujours manqué, la population fait désormais face à une difficulté supplémentaire : la pénurie croissante d’eau et de nourriture dans certains quartiers. Dans les prochaines heures, la solidarité ivoirienne sera plus que jamais nécessaire.