Rien de plus obscur qu’un traité d’alchimie. Pour masquer leur enseignement et dérouter les profanes, les auteurs emploient tous les moyens possibles : ils usent de signes hiéroglyphiques, d’un langage symbolique, de mythes et d’allégories empruntés à l’antiquité gréco-romaine, à la bible, au folklore populaire. Ils recourent à la cryptographie. Certains maîtres confient leurs secrets à l’image : ainsi le Liber Mutus de Soulat de Maretz ou le Traité symbolique de la pierre philosophale de Conrad Barchusen. C’est enfin dans les pierres elles-mêmes que les secrets de la Pirre sont cachés : sculptures de certains églises, décoration de certaines demeures ont défié les autodafés. Pour réussir, deux voies s’ouvraient à l’alchimiste : la « voie sèche » et la « voie humide ». La voie sèche était appelée aussi « voie sacerdotale » ou « voie des humbles ». Elle n’est révélée dans aucun traité. Transmise seulement de bouche à oreille, elle a d’ailleurs coûté la vie à plus d’un alchimiste téméraire. La voie humide était comparée à la navigation. Dans l’athanor ou fourneau alchimique, symbolisé par une tour, on soumettait au feu un ballon de verre hermétiquement clos contenant la matière première. Ce ballon, où mûrissait l’oeuf, était le plus souvent appelé « oeuf » ou encore « prison du poulet ». Avant d’en venir à cette coction, une série d’opérations compliquées était nécessaire. Il fallait décanter l’eau mercurielle ou « femme prostituée », adultérée par des Arséniates : elle devenait alors Rosée ou Eau bénite, Vierge ou Lune figurée par Diane. Venaient ensuite plusieurs bains où étaient plongées « l’homme » et la « femme » souvent roi et reine, représentaient respectivement soufre et mercure. Toute maîtresse de maison connaît le bain-marie, aucune ne sait qu’il doit son nom à une alchimiste : Marie la Juive. La matière devait encore être volatilisée, puis fixée. La matière première devenait « matière proche », c’est-à-dire épurée, ou encore « Rebis » c’est-à-dire chose double, figurée par un être bicéphale. Les auteurs sont unanimes pour présenter l’aspect de cette matière comme celui d’une « pâte feuilletée ». De cette matière, l’alchimiste pouvait alors, en 40 jours, tirer la fameuse pierre philosophale. Le Grand Oeuvre garde tout son mystère puisqu’on ne sait rien de la fameuse matière première sur laquelle il faut opérer. Elle est aussi secrète qu’elle est commune. Nicolas Flamel la décrit comme « une boue » et même comme une « fiente ». Les frères les plus proches des alchimistes furent les constructeurs. Les uns et les autres ambitionnaient de se faire collaborateurs du Grand Architecte. L’énorme édifice de l’Eglise catholique repose sur un jeu de mots du christ : « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ». Les Juifs vénéraient la pierre de Luz ou de Bethel où rêve Jacob. C’est la Kââba, la noire pierre cubique que les musulmans viennent toucher à la Mecque. La première tâche du constructeur comme celle de l’alchimiste est de bien choisir la pierre qui servira de fondement à l’oeuvre.
Les merveilleux secrets de maître Roncelin
On connaît l’étrange et fameuse histoire de la papesse Jeanne. En l’an 857, le pape Léon IV étant mort fut, dit-on, remplacé par un pape de haut savoir, Jean VIII. Le jour des Rogations, survivance christianisée de la vieille fête païenne de Demeter; Jean VIII, couronné de la tiare et de blanc vêtu, conduisait la procession solennelle quand il fut saisi d’un brusque malaise; alors, à la stupéfaction générale, il trahit le secret de son sexe en accouchant d’une fille au beau milieu de la place Saint Pierre. Ni la mère ni l’enfant ne survécurent. Le concile de Troyes qui accoucha en 1128 de la règle des Templiers fut présidé par un personnage à peine moins étonnant que la blanche papesse Jeanne. Jean II, évêque d’Orléans par la grâce du roi Louis VI, était surnommé Flora, du nom de cette « belle romaine » que Villon, dans sa « ballade des Dames du temps jadis » place à côté de la reine Blanche. L’évêque aurait été « un succube et un sodomite. Les actes du concile donnent à Jean II le titre de Praesul que les Latins réservaient aux prêtres de Mars. L’inquiétant évêque projette sur les premiers pas de l’Ordre du Temple une ombre de mystère et une lueur d’étrangeté qui danseront encore, deux siècles plus tard, devant les derniers bûchers. De Sede se demande si l’Ordre du Temple ne cachait pas dans son sein une société ou une fraction secrète, réservée à ses membres triés sur le volet, si quelques uns au moins des Templiers, après leur réception officielle, n’étaient pas soumis à quelque initiation secrète assortie d’une règle clandestine, et ne professaient pas, sous couvert d’orthodoxie, une doctrine peu catholique et donc cachée. Le Templier Gaucerand de Montpezat déclara : « Nous avons trois articles que personne ne peut connaître jamais, excepté dieu, le diable et les Maîtres ».
Raoul de Presles, Nicolas Simon et Guichard de Margiac affirmèrent : « Il y avait dans l’Ordre un règlement si extraordinaire et sur lequel un secret tel devait être observé que chacun aurait préféré se faire couper la tête plutôt que le révéler. Gervais de Beauvois, précepteur du Temple de Laon, possédait un livret des statuts de l’Ordre qu’il montrait volontiers, mais il en détenait un autre plus secret que pour tout l’or il n’aurait montré à personne. Des Templiers anglais comme par exemple Jean de Stoke déclarèrent : « Il existe en réalité dans le Temple deux sortes de réceptions : la première réservée à l’admission et qui se déroule sans aucune cérémonie répréhensible, la seconde qui n’a lieu que plusieurs années après, n’est accordée qu’à quelques uns et est très secrète. »
La pratique secrète aurait été le reniement du christ. Sommé de s’expliquer à ce propos, l’un des chefs du Temple, Geoffroy Gonneville, précepteur d’Aquitaine et de Poitou, déclara : « Il y en a qui prétendent que ce fut une des mauvaises et perverses introductions du Maître Roncelin dans les statuts de l’Ordre. » Pourtant aucun Roncelin ne figure dans la liste des Grands Maîtres du Temple. Dans les pièces du procès on découvre un certain Roncelin du Fos, chevalier de Provence, reçu dans l’ordre en 1281 par le frère Guillaume de Beaulieu. De Sède suppose qu’il existait, au sein des Templiers, une hiérarchie parallèle. Il aurait existé des Maîtres clandestins dont seul un petit groupe d’initiés connaissaient les fonctions. Cracher sur la croix expliquerait le relativisme religieux des quelques Templiers éclairés. Il semble donc que ces Templeirs n’ignoraient pas combien plus vieux que le christianisme était le thème de la mort et de la résurrection de dieu, et qu’ils ne pouvaient voir dans ce thème qu’une allégorie. Ou bien Jésus était dieu et n’avait pu mourir, ou bien s’il était mort il ne pouvait être dieu : vieille alternative des Kabalistes et des gnostiques. Dans cette perspective, cracher sur la croix ne signifierait pas autre chose qu’outrager l’emblème d’un outrage : l’outrage infligé à l’immatérialité et à la perfection divines par les hommes qui osaient figurer dieu à leur ressemblance mortelle.
En 1780, Frédéric Munter, évêque de Copenhague, fit dans les archives du Vatican une découverte capitale. C’était un parchemin comportant deux colonnes d’écriture romane à la page et armé de la grande croix pattée de l’Ordre du Temple ; il était divisé en quatre parties. La première n’est autre que la règle officielle de l’Ordre copiée par Matthieu de Tramlay. Les secondes et troisièmes parties, signées du copiste Robert de Samfort, procureur du Temple en Angleterre, sont datées de 1240. Elles comportent respectivement trente et vingt articles, groupés sous l’inscription : « Ici commence le livre du Baptême du Feu ou des Statuts secrets rédigés pour les Frères par Maître Roncelinus. » La quatrième partie est intitulée : « Ici commence la liste des signes secrets que Maître Roncelinus a réunis » ; elle donne des indications cryptographiques.
Munster perdit une partie des documents. C’est seulement en 1877 que le savant allemand Mertzdorff publia les trois dernières parties du manuscrit découvert par l’évêque et qu’il avait eu la chance de retrouver dans une liasse d’archives privées à Hambourg.
Les documents confirment le relativisme religieux des Templiers et montrent que l’outrage à la croix était loin d’avoir à leurs yeux un sens impie. D’autres articles révèlent l’attrait un peu trouble exercé sur les Templiers par l’occultisme. D’autres articles encore insistent sur l’obligation du secret. Mais les articles de loin les plus curieux sont ceux de la troisième partie qui ont trait aux monuments élevés ou utilisés par les Templiers, et aux précautions que prenaient ceux-ci pour dissimuler les activités qui parfois s’y déroulaient.
C’est en Orient que les croisés apprirent des Byzantins et des Arabes l’art de fortifier un château. Ceci explique les singularités de l’architecture templière qui a frappé tant d’historiens sans qu’ils puissent en percer les secrets. On se demande si les édifices qu’affectionnaient les Templiers ne répondaient pas à des préoccupations et des usages autres que ceux de la stratégie. L’octogone, dont l’intérêt est nul en architecture militaire, avait pour les Templiers une valeur symbolique éminente puisqu’il est la figure géométrique déterminée par la croix pattée, emblème de l’Ordre. L’article 8 des statuts secrets recommande : « Là où vous construirez de grands bâtiments, faites les signes de reconnaissance », ceci laisse entendre que certains édifices étaient des constructions chiffrées, des rébus de pierre. Dans les trois seuls exemplaires de la règle officielle du Temple qui nous aient été conservés figurent effectivement des signes cryptographiques qui prouvent l’existence chez les Templiers d’alphabets secrets. Maître Roncelin recommandait aux Templiers d’avoir des lieux de réunions vastes et cachés auxquels on accèderait par des couloirs souterrains pour que les frères puissent se rendre aux réunions sans risque d’être inquiétés. Pour Roncelin, il était interdit dans les maisons où tous les frères ne sont pas des Elus de travailler certaines matières par la science philosophique et donc de transmuter les métaux vils en or et en argent. Ceci ne devait jamais être entrepris que dans les lieux cachés et en secret.
La Baphomet
La dernière pièce maîtresse de l’accusation était l’adoration d’une idole. Sa description avait été fournie aux enquêteurs pas l’inquisiteur de Paris, Guillaume Humbert : elle était « en forme de tête d’homme à grande barbe » et on reprochait aux Templiers de la présenter comme « l’image du vrai dieu, du seul auquel on dût croire ». L’idole supposée portait le nom bizarre de Baphomet, sur lequel allait bientôt pâlir des générations d’érudits. Ce nom avait été révélé dès le début de l’enquête par quelques Templiers occitans, des subalternes, des hommes simples, qui dirent l’avoir entendu prononcer par des chefs de l’Ordre. Or, en langue d’oc, Bafomet désignait mahomet. Pour l’accusation, l’idole des Templiers, c’était mahomet ! Mais les Templiers avaient côtoyé les musulmans pendant deux siècles et savaient que le fait de prêter figure humaine à Celui que son infinitude interdit de nommer, et à plus forte raison de rendre hommage à l’effigie d’un simple prophète. Les chevaliers qui avouèrent avoir vu de leurs propres yeux la fameuse tête mentirent à coup sûr pour la plupart sous l’empire de la douleur ou de la crainte mais qu’ils aient tous évoqué cette tête montre bien que tous en avaient au moins entendu parler au sein de l’Ordre comme le secret le mieux gardé de celui-ci. Une pièce à conviction fut saisie au Temple de Paris le matin de la grande rafle : c’était une belle tête de femme en or, creuse, et contenant un crâne de petite fille enveloppé dans une étoffe aux couleurs de l’Ordre, sur laquelle était cousue l’étrange et laconique étiquette : « Caput LVIII m ». Le Templier Antoine de Vercueil qui avait été notaire de l’Ordre pendant 40 ans en Syrie raconta une histoire lors de l’enquête : un noble de Sidon s’était épris d’une jeune fille, mais celle-ci fut enlevée par la mort avant qu’il ne pût la conquérir. Le soir même de l’enterrement, fou de désir, le chevalier ouvrit la tombe et assouvit sa passion sur le corps de la vierge disparue. Alors, une voix venue d’on ne sait où, lui dit : « Reviens ici dans neuf mois, tu y trouveras une tête, fille de tes oeuvres ; ne te sépare jamais de cette tête, car elle te procurera tout ce que tupeux désirer. » Au terme fixé, le chevalier ouvrit de nouveau la tombe et recueillit entre les cuisses décharnées de la morte une tête dont la possession lui permit d’accomplir des prodiges. Cette légende était bien de tradition dans l’Ordre. Un poète anglais, contemporain des Templiers, Roger de Houeden, raconta lui aussi cette légende en 1201. Dans son récit, la vierge violée s’appelle Yse. Du coup, nous reconnaissons l’éternelle allégorie des amants d’Isis : celui qui ose soulever son voile et violer ses secrets enfouis atteindra le sommet du savoir et de la puissance.
De Sede évoque Gerbert d’Aurillac qui fut mojne défroqué à la fin du Xè siècle et alla en Espagne pour se faire instruire par les Arabes. Il devint par la suite le pape Sylvestre II. C’était un savant. Il avait inventé la première horloge à balancier et des orgues hydrauliques. Appliquant les secrets qu’il tenait des Arabes et ayant choisi le moment où toutes les planètes sont à l’entrée de leur course, Gerbert avait coulé dans le cuivre une tête et cette tête, grâce à un dispositif ignoré, répondait par oui ou par non à toutes les questions qu’il lui posait et lui prédisait l’avenir. Pour les gens du début du XI è siècle, la tête parlante parut une terrifiante diablerie. Quand mourut Gerbert, le pape maudit, on hacha son corps, on le mit sur un charriot traîné par des boeufs et on l’enterra là où s’arrêtèrent d’eux-mêmes les ruminants. On le raya pour longtemps de la liste des papes. Seuls les Templiers célébrèrent pieusement sa mémoire. On prétend que la tête parlante fut détenu ensuite par Roger Bacon, astrologue et alchimiste puis par Albert Le Grand, illustre occultiste allemand.
L’héritage
Pour certains, l’Ordre du Temple n’a jamais cessé d’exister dans l’ombre et ce sont ses complots vengeurs qui expliqueraient tous les malheurs advenus en France, depuis sa chute, au trône et à l’autel. Si l’Ordre, en tant que corps constitué, ne survécut pas au coup de massue qui lui fut porté en France, où il avait sa tête, par Clément IV et Philippe le Bel, ailleurs les souverains le traitèrent avec moins de rigueur; ainsi en Allemagne, plus encore en Angleterre et surtout au Portugal où le Temple, resté pratiquement intact sous l’appellation nouvel d’Ordre du christ, put encore, deux siècles plus tard, hisser fièrement sa croix pattée sur les caravelles de Vasco de Gama et de Magellan. En France, de nombreux Templiers, isolément ou par petits groupes, passèrent à une clandestinité à laquelle ils étaient préparés de longue date. Ils s’éparpillèrent dans divers ordres monastiques ou dans des corporations de métiers. A la lumière de ces faits, on peut mieux juger des prétentions des groupements qui affirment descendre en droite ligne de l’Ordre du Temple. La franc-maçonnerie est apparue en Angleterre en 1717. Pour De Sede, du caractère purement spéculatif de la franc-maçonnerie moderne, on ne saurait conclure que celle-ci est dépourvue d’origines corporatives, mais seulement qu’au XVIIIè siècle l’évolution sociale avait tué l’ancien système de corporation. Dès le début du XIIè siècle, époque où elles commencent à se dégager des ordres monastiques avec lesquels elles s’étaient jusqu’alors confondues, les corporations de bâtisseurs présentent certains caractères qu’on retrouvera, six cents ans plus tard, dans la physionomie de la franc-maçonnerie moderne : initiation, obligation du secret, doctrines ésotériques, qui les firent condamner à plusieurs reprises, comme le seront plus tard les francs-maçons, par la hiérarchie catholique. Les préoccupations ésotériques existaient avant les francs-maçons modernes chez les bâtisseurs de cathédrales. C’est pourquoi ils furent condamnés par l’Eglise. Les Templiers encouragèrent la formation dans leur sillage de confréries laïques de constructeurs. Souvent installées dans les domaines de l’Ordre, ces confréries bénéficiaient des exemptions et des franchises adjugées à celui-ci : on les appelait pour cette raison « francs-métiers ». Mais pour De Sède, l’imposante organisation templière fut brisée net et n’a jamais ressuscité de ses cendres. Mais, toute mythologie mise à part, il est hors de doute que, par l’entremise des corporations de bâtisseurs, la franc-maçonnerie spéculative a recueilli, adopté et intégré dans ses conceptions propres une partie des enseignements du Temple.
Le vaudeville
Le 18 mars 1808 à Paris, l’église Saint-Paul, toute drapée d’étoffes blanches semées de croix rouges, offrait un aspect d’une solennité tout à fait inaccoutumée. Devant le grand portail, plusieurs bataillons de l’infanterie impériale rendaient les honneurs; dans la nef, d’importants détachements de la garnison, en tenue de deuil, se mêlaient à la foule. LE chanoine Pierre Romain officiait; ni les couleurs ni la forme de sa longue dalmatique ne devaient grand-chose à la liturgie traditionnelle. Dans le choeur se dressait un cénotaphe et étaient assis des personnages qui portaient des manteaux de fourrure armés d’une croix rouge sur l’épaule gauche; ils étaient ceints de cordons à pompons évoquant irrésistiblement des embrasses de rideau et coiffés de toques d’hermine au haut desquelles, telles des serins, perchaient des aigrettes d’or. Un personnage portait un diadème d’or et les hauts talons de ses bottes rouges en cuir de Russie dissimulaient sa petite taille. Il avait un collier de perles et une épée et un sceptre surmonté d’un globe et d’une croix. Ce jour était la journée expiatoire du supplice de Jacques de Molay. C’était Bernard Raymond de Spolète, patriarche et grand maître de l’Ordre du Temple restauré alias Bernard-Raymond Fabré-Palaprat. Il avait pris la tête d’une fantastique mystification. Tout avait commencé dans les débuts du Consulat par la création à Paris d’une association très prosaïque dénommée la Société de l’Aloyau. Un des ses sociétaires, Radix de Chevillon proclama, en 1804, que l’ORdre du Temple vivait toujours sous les espèces de l’Aloyau. Radix s’en était vu confier les commandes des mains du dernier en date des Grands Maîtres, le duc de Cossé-Brissac qui venait de mourir. Radix disparut en 1804 après avoir passé ses pouvoirs à Fabré-Palaprat. Les preuves de la continuité de l’Ordre du Temple sont un drapeau noir et blanc, un casque et une épée qu’on affirme avoir été ceux de Jacques de Molay, quelques os calcinés que l’on jure avoir été recueillis sur son bûcher. Mais surtout, c’est le « Levitikon ». Tel est le titre d’une charte de transmission sur parchemin, écrite en grec et revêtue des signatures de tous les grands maîtres qui se sont succédés sans interruption depuis l’apparente disparition de l’Ordre.
Les adeptes de l’Aloyau prétendent que Jésus Christ était le premier grand maître de l’Ordre. L’abbé Grégoire a déclaré que le Levitikon offre toutes les apparences de l’authenticité. L’Ordre du Temple nouvelle manière connaît un succès inattendu même si il faut payer fort cher pour y entrer. Le duc de Choiseul-Praslin est une des vedettes de l’Ordre. L’archevêque de Saint-Domingue devient primat et président du Conseil des ministres de Fabré-Palaprat. Napoléon va juger ingénieux de laisser son ministre Fouché encourager en sous-main une entreprise qui, malgré son extravagance, pourrait jouer le rôle d’un double schisme affaiblissant d’un côté la franc-maçonnerie et de l’autre le Saint-Siège. Voilà pourquoi, à chaque représentation de vaudeville imaginé par Fabré, il n’hésite pas à prêter ses grognards. Après l’écroulement de l’Empire, Fabré est arrêté comme « agent de l’usurpateur » par la police de Louis XVIII. Il s’en tire en promettant de célébrer une messe d’actions de grâces en l’honneur du retour des Bourbons. Celle-ci a lieu, et l’entreprise continue. C’est alors qu’apparaît dans l’opérette le vicomte d’Asfeld alias l’aventurier Latapie. Il avait été l’espion de Wellington. Le retour de Napoléon, l’obligea à se forger de toutes pièces un état civil de vicomte et des galons de général de brigade espagnol, à l’abri desquels il peut commettre quelques escroqueries mais on l’arrête. Il simule la folie et on le libère. Il devient le vicomte d’Asfeld et chevalier de Saint-Louis. Il devient secrétaire de l’abbé Grégoire D’un soi-disant voyage en Orient, le faux vicomte a rapporté un parchemin qui était ô merveille ! Le supplément du Levitikon prouvant la fondation de l’Ordre par Jésus christ. L’abbé Grégoire écrit au Président de la République dominicaine qui lui révèle que Latapie est un imposteur. L’abbé et Palaprat chassent le faux vicomte. Mais Latapie menace de révéler ce qu’il sait sur le faux Levitikon. Latapie prétend détenir les seules archives authentiques de l’Ordre. De plus, il a une idée géniale. En 1831, il publie dans « L’encyclopédie moderne » un article révélant qu’il a toujours eu des Templiers. Les fêtes de Palaprat continuent toujours avec l’appui des autorités. Palaprat meurt en 1838. Il est remplacé par l’amiral Sydney Smith. Ce croisé moderne traverse la mer pour tenter de rallier à la cause des néo-templiers les chefs musulmans insoumis, les poches gonflées de bijoux et de décorations de l’Ordre. Les néo-templiers sont discrets sous la IIè République. Les journées de juin les raniment : c’est le moment où le prince de Chimay demande au pape de donner au néo-temple, prêt à abjurer l’hérésie de Palaprat, la caution du Saint-Siège en ces temps dangereusement troublés. Voici Napoléon III. Le néo-templier Philipe Belot lui apporte le dévouement de l’Ordre.
Le 6 juillet 1857, George IV, roi de Hanovre, fit savoir aux dignitaires de l’Ordre, par une lettre officielle que leur remit son ambassadeur, le comte de Szapary, qu’il acceptait d’assumer dans ses etats la grande maîtrise de l’extraordianaire association. Puis le néo-temple disparut.
De Sède fut invité à l’initiation de Don Jaime de Mora y Aragon, le propre frère de la reine des Belges dans l’ordre souverain et militaire du Temple de Jérusalem dans les salons de l’hôtel George V.
Et le trésor ?
Aucun trésor n’a fait couler tant d’encre, excité tant d’imaginations ni engendré tant de chimères. Le trésor des Templiers c’est aussi ses archives. Philippe le Bel rassembla en un Trésor des Chartes les documents officiels en même temps qu’il institua le Trésor du Louvre pour abriter l’encaisse métallique de l’Etat. Les papiers de l’Ordre d’une part, de l’autre ses réserves en espèces, tel était le double dépôt que recelait le Temple de Paris. Pourtant nous n’avons qu’un nombre infime de pièces émanant de l’Ordre du Temple lui-même : trois copies de sa règle officielle, quelques cartulaires provinciaux, deux livres de comptes, mais pas un document essentiel, pas un acte diplomatique, et surtout aucun des procès-verbaux des chapitres généraux qui nous renseignent si bien sur certains ordres de chevalerie comme celui de la Toison d’or. Quelques chercheurs ont émis l’opinion que le gros des documents de l’Ordre est tenu sous le boisseau au Vatican. Lors de la prise de Rome, Napoléon, que passionnait cette énigme historique, fit saisir aux archives vaticanes tout ce qui les concernait. Le dossier fut ensuite rendu au pape en vertu du Concordat, mais entre-temps plusieurs savants l’avaient consulté et en avaient dressé un catalogue qui nous apprend que le Saint-Siège n’est pas en possession des archives du Temple, quoiqu’il détienne certaines pièces du procès qui présentent pour nous un intérêt capital. On ne saurait rejeter la disparition de ces archives sur Philippe le Bel. Si elles avaient été gênantes pour lui, il est certain qu’il les aurait déposées au Trésor des Chartes. Nous en savons plus long sur le sort des réserves métalliques qu’abritait le Temple de Paris au moment du coup de filet. Elles n’appartenaient pas toutes à l’Ordre et l’Etat reprit possession de la part qu’il avait confiée à la gestion de celui-ci. Quant au reste, il fut, comme tous les autres biens templiers, placé sous séquestre, puis dévolu dans sa presque totalité à l’Ordre des Hospitaliers. Mais il est impossible d’affirmer qu’on parvint à confisquer à l’Ordre toutes les espèces qu’il possédait comme par exemple les moyens de paiement fiduciaires et les joyaux destinés au culte. A plus forte raison ne peut-on rien dire du sort du trésor que le grand-maître aurait apporté avec lui lors de son dernier voyage de Chypre à Paris, car on n’en apprend l’existence que par des rumeurs. Il est possible que les Templiers aient été prévenus du coup de filet du 13 octobre 1307. La vérité, assure Paul Chacornac, c’est que le roi ne trouva pas ce qu’il cherchait, car le Grand Maître, feignant la tranquillité, avait confié à un abri sûr les titres fondamentaux de ses archives.
Le Templier Jean de Chalon fit une déposition en juin 1308 devant le pape. Il déclara que la veille du coup de filet le 12 octobre 1307, il avait vu lui-même trois chariots chargés de paille quitter à la tombée de la nuit le Temple de Paris sous la conduite de Gérard de Villers. Ces chariots, dans lesquels étaient dissimulés des coffres contenant tout le trésor du Grand visiteur de France Hugues de Pairaud, prenaient la direction de la côte pour être embarqués vers l’étranger à bord de 18 navires de l’Ordre. Il existe à la Bibliothèque nationale, intercalé dans les lettres de Clément V, un texte que personne n’a cité. Il contient la liste des douze dignitaires de l’Ordre et l’indication de la direction empruntée par certains d’entre eux. Or, on y trouve les deux noms cités par le témoin de Poitiers : Hugues de Châlons et Gérard de Villers. Le convoi s’était dirigé vers L’Angleterre. Mais il avait dû s’arrêter en chemin et son contenu mis en lieu sûr.
3è partie : l’énigme de Gisors.
En 1711, les chanoines de Notre-Dame de Paris, désireux de donner de plus belles sépultures aux archevêques, entreprirent de faire creuser une fosse derrière le maître-autel. Le 16 mars, on mit au jour un antique mur qui traversait le choeur dans toute sa largeur. On trouva neuf pierres cubiques armées de bas-reliefs et d’inscriptions. Sur l’une figurait un taureau portant sur le dos trois grues comme on en voit s’ébattre au bord du Nil ; sur l’autre le dieu celte Cernunos, dont les cornes enroulées supportaient deux roues, et son jumeau Smertullos ; sur une autre encore le fils de Jupiter : Vulcain ; sur une quatrième un arbre qui abattait Esus, le Mars Gaulois ; la 5è montrait deux cavaliers : Castor et Pollux ; les 6è et 7è un Hercule et diverses attitudes d’un homme et d’une femme. La 8è indiquait l’origine de toutes les autres puisqu’on y lisait une inscription qui signifiait : « Sous l’empereur Tibère, en l’honneur de Jupiter très bon et très grand, les bateliers parisiens ont publiquement posé ceci. La trouvaille des chanoines intéressa Leibniz qui souligna que le nom d’Esus, gravé sur une des pierres, formait un jeu de mots avec celui d’Isis. Le 9è cube était marqué de l’inscription énigmatique Eurises.
Jumelage avant la lettre
A l’époque de Tibère et de Jésus où ils semèrent neuf fragments de leur livre de pierre dans le vaisseau de l’île de la cité, les nautae parisiaci, dans leur navette entre Paris et Rouen, traversaient chaque semaine le territoire de la tribu des Evroises. Ils allèrent dans le Vexin au Pagus Belio Cassinus, le pays du secret du Bélier. Dans le Vexin comme sur les cubes des Nautes, dieux gaulois et dieux latins se mêlaient tels les fils aînés de la même mère. Au Moyen Age, le Vexin change de nom, mais reste toujours placé sous le signe du feu, puisqu’on l’appelle Pagus Vulcasinus : pays du secret de Vulcain. Les Nautes parisiens, qu’on appelait dès leur origine « corporation splendissime » ont fait carrière sous le nom de marchands d’eau. Le plus ancien sceau de Paris que nous possédons date de l’an 1200; il représente le navire des marchands d’eau. Sur la route romaine, on allume toujours les feux; ils ne jouent plus que le rôle de sémaphores et pourtant on les appelle les Mont-Joies, nom qui signifie Monts de Jupiter et sans doute la survivance secrète de leur antique fonction. C’est en 986 qu’apparaît le premier comte du Vexin : Gauthier, et en 1075 que son descendant Godefroy prend, le premier, le nom de Gisors. Les comtes du Vexin avaient une bannière couleur de feu semée de flamme d’or, on l’appelait la Romaine ou la Mont joie.
Sous Godefroy, Gisors devient fief de l’abbaye de Saint-Denis et la précieuse bannière, quittant par la route romaine le pays des hommes sans tête (Saint Denis et Saint Clair), est posée sur la tombe du martyr parisien, ce qui lui vaut une nouvelle promotion. Appelée désormais l’Oriflamme à cause de ses couleurs ou le Vexin en raison de son origine. Gisors est vassale de Saint Denis selon les chartes mais en réalité elle en est suzeraine en vertu de quelque convention occulte. C’est en effet l’oriflamme qui préside au sacre des rois de France et ceux-ci la vénèrent comme une relique, presque comme un dieu. Le cri de guerre du roi est : « Mont Joie Saint Denis ! ». Sous le roi Jean II le Bon, le porte-Vexin est Geoffroy deCharnay, parent et homonyme du compagnon de supplice de Molay; l’oriflamme est de toutes les batailles où se joue le destin du royaume. Les premières couleurs nationales furent ainsi des couleurs alchimiques : celles de la toison du Bélier et de la forge de Vulcain. Ces couleurs, nous les retrouvons du reste dans les armoiries successives de Gisors qui, de plus, quand on les compare à celles de Paris qui, de plus, quand on les compare à celles de Paris, font apparaître de nouvelles correspondances entre les symboles attachés aux deux villes. Le symbolisme de leurs armoiries confirme l’existence d’un vrai jumelage entre les deux villes mais aussi, comme le faisait l’oriflamme, d’une sorte de suzeraineté occulte de la plus petite sur la plus grande. Les armoiries de Gisors offrent aussi une particularité qu’on ne peut manquer de remarquer : elles sont surmontées du nombre 1188. C’est en effet à Gisors que cette année-là, l’archevêque Guillaume de Tyr choisit de prêcher la troisième croisade. L’orme tenait une place importante à Gisors et c’est sous le feuillage de l’Ormeteau que Saint Bernard avait médité la règle des Templiers. Comme Gisors, il y avait aussi à Paris une orme célèbre de toute antiquité : c’était celui qui se dressait devant l’église Saint Gervais et Saint Protais. L’église Saint-Gervais et Saint-Protais reçut en 1195 sa charte dans le Vexin et un prieuré du Vexin s’en vit confier le patronage. L’église de Gisors était elle aussi dédiée à Saint Gervais et Saint-Protais. A Paris et à Gisors, on trouve dans les deux églises un personnage au genou découvert dont la qualité de maçon est soulignée par un compas.
Les bâtisseurs
Parmi les châteaux de l’Epte, celui de Gisors, qui verrouille l’ancienne route romaine, l’emporte en importance stratégique sur tous ses voisins; c’est pourquoi la lutte pour Gisors ne connaîtra guère de trêve jusqu’au Xvè siècle. Mais si les considérations stratégiques suffisent parfaitement à expliquer qu’il y avait un château à Gisors elles ne jettent par contre aucune lumière sur le plan qui a présidé à sa construction. On voit mal, par exemple, quelle nécessité militaire put inciter les bâtisseurs à donner à l’enceinte du donjon la forme d’un polygone régulier de 24 côtés et celle d’octogone réguliers au donjon lui-même ainsi jusqu’à sa tour de guet. Il en va de même pour l’enceinte extérieure du château : circulaire, elle est flanquée de 12 tours, mais celles-ci n’ont guère été réparties en fonction des besoins de la défense, puisque l’ouest et le sud-ouest, par où vinrent toujours les attaques, n’en comportent que trois. L’histoire du château est, à ses débuts, étroitement liée à la lutte que se livrèrent pour la Normandie les trois fils du Conquérant : Robert Courte-Heuse, Guillaume Le Roux et Henri Beau Clerc. Plus tard, elle se poursuit sous le signe de la défense du Vexin normand contre les entreprises françaises. Thibaud, comte de Gisors, n’était pas un personnage très catholique; on le surnomma Payen. Il eut une vie politique agitée, se rangeant tour à tour du côté des Anglo-Normands ou de celui des Français. C’est lui qui ébaucha en 1090 les premières fortifications. Thibaud Payen était le fils du comte Hugues de Chaumont et d’Adélaïde de Payen. Adélaïde était la soeur d’Hugues de Payen. Nous découvrons que celui qui posa les premières pierres du château de Gisors n’était donc autre que le neveu du fondateur de l’ordre du Temple. En 1128, se trouvant en France, Hugues de Payen rend visite à Thibaud.
L’architecture du château telle qu’elle s’est conservée jusqu’à nous ne doit que bien peu de chose aux travaux de Thibaud de Payen. Elle fut conçue par Robert de Bellême qui en commença l’exécution en 1096, secondé par l’architecte Leufroy. Quand vint la première croisade, Robert de Bellême, dépourvu d’argent pour y prendre part, fut contraint d’emprunter à Guillaume Le Roux qui exigea la Normandie pour gage. Bellême se trouva ainsi, bien à contre coeur, au service de son ancien adversaire qui bientôt lui donna l’ordre d’envahir le Vexin français. C’est à cette occasion que, pour prévenir une riposte prévisible, commença la construction du château de Gisors.
En 1715, Anderson, organisateur de la franc-maçonnerie en Angleterre établit la liste des grands-maîtres qui s’étaient succédés à la tête de la corporation des maçons britanniques depuis 925 où elle affirmait avoir reçu sa charte. En 1066, les maçons britanniques élurent pour grand-maître Roger Montgomery, qui n’était autre que le père de Robert de Bellême. Bellême fut fait prisonnier par Henri Ier roi d’Angleterre en 1106. Henri Ier poursuivit la construction du château de Gisors. En 1119, Louis VI le Gros avait fait valoir à Henri Ier ses prétentions sur le château de Gisors mais il échoua. Le château de Gisors était un gâteau que les rois se disputeraient encore longtemps. En 1110, Henri Beau Clerc, alias Henri Ier fut choisi comme grand-maître par les maçons britanniques. Sous son règne s’organisèrent les premières guildes de métiers.
En 1144, le château de Gisors fut cédé au roi de France, Louis VII. Mais Henri II, roi d’Angleterre reprit le château en 1161 aidé par les Templiers. Si on peut s’étonner de l’ampleur des risques pris et des moyens mis en oeuvre par Henri II pour s’emparer de Gisors, l’attitude des Templiers est encore plus surprenante car le Temple, tout occupé en Terre Sainte, n’avait que faire de ce château, du moins du point de vue militaire. Anderson révèle qu’en 1155, on trouve à la tête des maçons britanniques le grand-maître de l’Ordre du Temple, Bertrand de Blanquefort. Henri II choisit Gisors pour palais.
Les amants de la Reine blanche
On sait que tout le procès fut bâti sur les dénonciations d’Esquier de Flayron et de son compère Bernard Pelet, Templiers qui prétendirent livrer au roi de Franfe quelques-uns des secrets de l’Ordre; or, c’est à Gisors que se noua l’intrigue. La tête de femme en or retrouvée au Temple de Paris fut confiée à un personnage appelé Guillaume de Gisors. La grande rafle eut lieu le 13 octobre 1308. Or, c’est le 29 novembre 1308 qu’un ordre écrit de Philippe le Bel enjoignit au bailli de Gisors d’arrêter les Templiers de cette ville. C’est à Gisors qu’on enferma Jacques de Molay avant que le dernier grand maître des Templiers ne prenne en 1314 le chemin de son supplice. C’est à Gisors qu’on trouve trace du Templier Simon de Macy. Sur ordre de Philippe Le Bel, il fut transféré à Gisors et enfermé dans la tour du château. Macy ne devait parler à personne. Peut-être détenait-il un secret.
La Reine Blanche avait un amant, le chevalier Poulain; de ces amours naquit une fille qui ne survécut pas; le roi, instruit de son infortune, fit jeter son rival dans la tour du château de Gisors. Blessé alors qu’il s’évadait, Poulain mourut dans les bras de sa dame; elle l’ensevelit dans le fameux souterrain, près de la fille née de leurs étreintes. Il y eut à Gisors une Reine Blanche : c’était Blanche de Navarre. Elle était l’épouse de Philippe VI de Valois. Elle devint en 1359 douairière de Gisors et de Neaufles. Ce n’est pas seulement son prénom qui la fit appeler Reine Blanche : on nommait ainsi toutes les reines de France devenues veuves car leurs voiles de deuil étaient blancs. Dans son testament, elle légua une partie d’un des clous qui percèrent le Sauveur aux carmélites de Paris. A sa fille la reine légua le livre de Baarlaam, Josaphat et de beaucoup d’autres choses et à son chapelain Nicole de rueil un pot de cristal duquel était une fleur de lys et du lait de Notre-Dame.
Le livre de Baarlaam et Josaphat est un récit du XIVè en langue d’Oc, généralement considéré comme d’inspiration cathare : l’ermite occitan Baarlaam va porter à Josaphat, prince de l’Inde, « la précieuse Pierre qu’aucun homme ne peut voir s’il n’a la vue saine et qui donne tous les biens à son possesseur ». Dans le vocabulaire imagé des hermétistes, le « lait de la Vierge » désignait l’eau mercurielle indispensable à la fabrication de la Pierre philosophale. En nous apprenant qu’une reine férue d’alchimie prit à Gisors la succession des derniers Templiers l’histoire confirme ainsi ce qu’annonçaient à mots couverts les légendes.
Le mythe du chevalier Poulain pourrait venir de Wolfgang de Polham, homme de confiance de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire. De Polham fut fait prisonnier par Louis XI à la bataille de Guinegatte en 1479 et jeté dans la tour de Gisors d’où il ne sortit qu’à la mort du roi de France en 1483. Polham faisait partie de l’ordre de la Toison d’or institué en 1429 par Philippe le Bon.
Le château des trois chariots
Aussi stupéfiant que cela paraisse, tout l’édifice du château de Gisors a été conçu en fonction de l’état local du ciel le 24 décembre à minuit. Seule la croyance au symbolisme astrologique a dicté aux bâtisseurs leur choix et sans doute aussi l’obligation de camoufler la structure de leur oeuvre. C’est le 24 décembre à minuit entre 1090 (année où commence la construction du château) et 1184 (où elle prit fin) que le Grand et le Petit chariot d’une part, le Navire ou chariot des Mers d’autre part passaient aux antipodes les uns de l’autre par rapport à Gisors. Cette position réciproque des trois chariots, qui ne se retrouvait qu’une fois dans l’année, a dicté tout le plan du château. Les bâtisseurs ont élevé à Gisors un édifice à double destination : militaire et religieux. A Gisors le caractère sacré de l’édifice se dissimule entièrement sous les dehors profanes d’une forteresse. En basant leur plan sur le solstice, les bâtisseurs du château de Gisors ont agi comme avaient fait, 25 à 30 siècles plus tôt, ceux des grands temples mégalithiques dont Stonehenge en Angleterre offre le type le plus imposant.
Leur manière peu catholique de bâtir s’accorde avec leur vie à la fois savante, hétérodoxe et insolite. Thibaud Payen fut sensible aux superstitions selon lesquelles tous les mégalithes du Vexin tournent magiquement sur eux-mêmes, précisément la nuit du solstice d’hiver. Les princes hermétistes qui bâtirent le château de Gisors placèrent peut-être dans l’édifice un bâtiment, une nef située sous terre comme le Navire qu’elle représenterait. Princes normands, les bâtisseurs purent aussi se souvenir des navires de leurs ancêtres, appelés drakkars à cause du dragon qui ornait la proue. Et à ces drakkars visibles font pendant les drakkars enfouis sous terre dont, selon l’antique rite païen, les chefs normands faisaient leurs sépultures. A l’heure où l’église officielle s’apprêtaient à faire jaillir vers le ciel les orgueilleux vaisseaux des premières cathédrales, destinés à des foules immenses, des bâtisseurs cernés d’ombres n’enfouirent-ils pas dans le sous-sol de Gisors un sanctuaire réservé aux initiés, aux amants d’Isis, aux alchimistes qui avaient pris pour emblème la blanche nef des Argonautes ?
Isis, tu es cachée dans le Vexin...
Le prisonnier de la Tour Ferrée du château de Gisors, Poulain, tua le temps en sculptant sur les murs à l’aide d’un clou les scènes de la passion du christ que lui inspirait son propre martyre. On trouve d’autres graffiti aux étages supérieurs de la tour du Prisonnier. On relève notamment un grand quadrillage formé de losanges, des étoiles à cinq, six et huit pointes et enfin un emblème connu sous le nom de triple enceinte. Le quadrillage losangé est une grille cryptographique et les étoiles sont les clefs qui permettent son déchiffrement. L’étoile à huit pointes est une figuration classique de la pierre philosophale des alchimistes. L’emblème de la triple enceinte se retrouve sur des menhirs, sur le Parthénon, des tombes mérovingiennes et des tapisseries du XVIè siècle. Ces trois figures se retrouvent sous forme de graffiti dans le donjon du Coudray à Chinon. Ils ont été tracés par les chefs de l’Ordre du Temple qui y furent enfermés en août 1308. Il y avait de Molay et Hugues de Pairaud. De Sede en conclut que des Templiers étaient enfermés au château de Gisors. La pièce maîtresse des graffiti des étages supérieurs de la tour, c’est un navire. C’est la nef des nautes que l’auteur a voulu représenter. Sa figure de proue est un poisson. Or, on sait que les premiers chrétiens persécutés choisirent le poisson comme emblème cryptographique du christ. Avec son carré et son poisson, le navire de la tour du Prisonnier indique avec une grande précision les éléments astronomiques, graphiques et chronologiques qui se combinent sans le plan : constellation du Navire, carrés, nuit de Noël. Il nous fournit donc la preuve que les hauts dignitaires de l’Ordre du Temple connaissaient tous les secrets de la construction du château. Les graffiti soi-disant religieux se révèlent à l’oeil attentif comme d’inspiration alchimique. Le bas-relief où tout le monde a cru voir un saint Georges terrassant le dragon se rapporte en réalité à la légende des Argonautes. Ces bas-reliefs que le guide prête généreusement au mythique amant de Blanche d’Evreux, Charles Nodier les situe entre les règnes de Louis XII et de Henri III. En principe, rien ne s’opposerait donc à ce que le sculpteur hermétiste ait été Wolfgang de Poltham. Parmi les bas-reliefs on trouve la Vierge. Cette invocation à la Vierge se trouve dans le panneau faisant face à la porte. Quand on se place à l’aube devant cette inscription, le dos au mur, on constate qu’effectivement le soleil, passant par une des quatre meurtrières du cachot, vient cadrer avec précision un des bas-reliefs du panneau d’en face. Celui de la Résurrection où Nodier prétend, pour les besoins de l’allégorie, avoir trouvé le papillon qu’on nomme Isis. Or, en regardant de près ce bas-relief, on s’aperçoit que la croix tenue par le soldat romain est la croix pattée de l’Ordre du Temple. Le prisonnier, instruit par les graffiti des Templiers, avait déchiffré jusqu’au bout les cryptogrammes. Or, l’inscription de la tour du Prisonnier repose sur un anagramme « O mater dei memento mei » (O mère de dieu, souviens-toi de moi) est l’anagramme de Amo Demeter enim timeo (j’aime Demeter car je la crains). Demeter est le nom grec d’Isis. Le sens secret de l’inscription s’accorde parfaitement avec la signature : en effet Poulain est l’amant de la reine Blanche, l’amant d’Isis, le chevalier de la Toison d’or, l’Argonaute. A côté de son inscription, le prisonnier a sculpté à l’envers un gisant qu’on peut voir aussi dans l’église. L’église de Gisors contient également des cryptogrammes faisant référence à Isis.
Et maintenant voici les preuves
A Gisors, à moins d’une heure de Paris, les Templiers sont parmi nous.
Comment une simple butte de terre rapportée peut-elle soutenir une construction aussi pesante ?
Si les fondations descendaient jusqu’au sol de la basse-cour, il existerait probablement un étage souterrain. Lhomoy a dégagé, dans la motte, des pans de muraille descendant jusqu’en dessous du niveau du sol.
Un rapport de 1375 fait par le gouverneur du château de Gisors au sujet de l’évasion d’un inconnu captif dans la tour du Prisonnier prouve qu’à partir du cachot de la tour on accédait au moins à quatre bâtiments contigus : une « cage », deux chambres et enfin une chapelle Sainte-Catherine, nécessairement autre que la chapelle Saint-Thomas qui se trouvait au sommet de la motte, dans l’enceinte du donjon. Or, le cachot se trouve à douze mètres au-dessous du niveau de la cour. Cette cage, ces deux chambres et cette chapelle ne peuvent donc être que souterraines.
Un manuscrit d’une centaine de pages daté de l’an 1696 écrit par Alexandre Bourdet, né en 1660 et mort à Gisors en 1728 prouve que l’auteur a été mis sur la voie de la découverte par un manuscrit du XIVè siècle écrit par Nicole de Rueil, chapelain de la Reine Blanche d4evreux. A la page 86, Bourdet a placé le plan de la fameuse chapelle, avec les statues et les coffres.
En 1938, l’abbé Vaillant curé de Gisors, écrivit une lettre à un architecte parisien auquel avait été confié pour inventaire un paquet d’anciennes archives de l’église. L’abbé y demanda à son correspondant de lui retourner un manuscrit en latin daté de 1500 qui parlait de 30 coffres de fer.
En mars 1947, dix mois après la découverte de Lhomoy, une équipe de terrassiers, chargés d’élargir la ruelle qui relie le portail nord de l’église à la rue de Vienne à découvert, à six mètres de profondeur, un carrefour de souterrains voûtés en plein cintre. Poursuivant leurs travaux, les ouvriers trouvèrent ensuite quatre sarcophages contenant des squelettes. L’archéologue Eugène Anne prit des mesures qui correspondaient à celles des sarcophages de la chapelle souterraine, telles que les avait relevées Lhomoy. On sait que le château de Gisors fut construit sur l’emplacement de l’église primitive. Cette église aurait pu succéder à un sanctuaire païen. Ce sanctuaire aurait pu être préservé par les bâtisseurs de l’église ou être intégrée aux plans hermétiques des bâtisseurs du château. Bien des gens peuvent l’avoir utilisé pour leurs pratiques occultes. Confié à des légendes initiatiques et transmis au sein de certaines corporations, le secret de la chapelle souterraine fut percé au XVIè siècle où l’on voit se multiplier dans l’architecture et l’épigraphe les allusions à son existence. Cette chapelle a pu servir de salle d’initiation aux hauts grades de certaines sociétés secrètes. Gérard de Sède en appelle à André Malraux, ministre de la culture de l’époque pour que des fouilles soient faites. André Malraux tombera dans le panneau et rien ne sera trouvé à Gisors. De Sède avait créé un superbe canular.
Point de vue d’un hermétiste.
De Sède a rencontré Pierre Plantard, un ancien collaborateur sous Vichy, qui créa le Prieuré de Sion. De Sède crut que cet homme était un archéologue. Plantard pensait que le château de Gisors cachait peut-être dans sa construction abstraite une oeuvre d’art unique en France. Selon lui, le nom de Gisors viendrait de Gi (refuge) et Sor (courant d’eau). Pour Plantard, la forteresse de Gisors aurait été édifiée sur des bases secrètes. A l’origine, le secrets mineurs des « anciens » se transmettaient de bouche à oreille, les secrets majeurs des «Maîtres » étaient conservés sous l’effigie de la « Toison d’or ». Les membres se conformaient à des usages anciens et pratiquaient des rites initiatiques que les légendes corporatives faisaient remonter à la plus haute antiquité. Les constructeurs se déplaçaient souvent par mer, fleuves et rivières en bateaux, d’où leur nom de « nautes constructeurs ». Ils transportaient avec eux les instruments relatifs à leur art, entre autres une « tête à face double ou triple », règle mathématique des proportions, effigie taillée d’après l’observance de règles strictes dans un cube en « bois de Mars »; cette tête figurait souvent celle d’un bélier. Plantard affirme qu’en 1188 « l’orme fut coupé » et qu’un de ses rameaux, l’ »ormus », ayant pour emblème une croix rouge et une rose blanche, serait à l’origine de la Rose-Croix. Depuis 1188, le nombre de ses membres serait 13 comme les signes du zodiaque. Le suprême Maître, dit Nautonier, adopterait touours le nom de Jean. Le premier aurait pris le nom de Jean II. Nous serions aujourd’hui au XXIè règne de Jean. Plantard pense que la forteresse de Gisors aurait été établie sur un plan hermétique en rapport avec l’astronomie.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 30 avril à 19:16
bonjour, vous semblez savoir bien plus que ce que vous ecrivez, comment cela se fait il? pouvez vous m eclairer sur l origine de votre savoir, les anciennes confreries ne sont elles pas aujourd hui au mains des mechants?