L’économie de marché se fonde sur un Etat de droit qui protège la propriété des gens. Sans propriété, pas de marché, pas d’économie, pas d’emplois, pas de produits… Chaque atteinte à la propriété réduit un peu la vitalité de l’économie dont nous dépendons tous. Si quelqu’un fait fortune sans privilège légal, sans violence ni fraude, il mérite sa fortune, car il l’a obtenue librement, par l’échange, en rendant service aux autres. Celui qui imagine un bien ou un service que les autres souhaitent posséder n’a rien volé. Il a au contraire fait acte de créativité et d’imagination. Il a littéralement créé de la richesse. Elle est donc sienne et il peut en disposer à son gré.
Pour beaucoup les «riches» peuvent bien payer ! Non seulement sont-ils fortement minoritaires, mais, pense-t-on, un franc de moins chez eux pèse bien moins qu’un franc de plus chez les personnes de condition modeste.
Mais quitte à accepter ce raisonnement utilitariste, soyons utilitaristes jusqu’au bout ! Pour améliorer la condition matérielle des plus défavorisés, il est illusoire de surtaxer les «riches» pour donner aux «pauvres». On n’enrichit pas les pauvres en appauvrissant les riches. En effet, les «pauvres» sont les premiers à pâtir du manque de vitalité de l’économie provoqué par des impôts spoliateurs, l’impôt sur les successions figurant au tout premier rang de ces derniers, car il est double, voire triple ou davantage. Le revenu à partir duquel l’épargne a été constituée au départ a déjà été imposé une fois. Ensuite, le contribuable a peut-être été soumis à un impôt sur la fortune de son vivant. Il dû payer un impôt sur les plus-values si ses projets ont fructifié et son jugement s’est avéré correct. Et à tout ceci s’ajoute encore l’impôt que représente l’inflation.
Un héritier n’est pas nécessairement entrepreneur, ce qui est vrai. Il n’a rien fait pour mériter sa chance, ce qui est vrai aussi. Il est facile de lui prendre son argent — vrai également. Mais gare à la facilité ! L’épargne est à la base même d’une économie saine. Le capital-risque, orienté sur le long terme, indépendant des agences de notation et des cours boursiers se trouve précisément auprès des familles fortunées. C’est pourquoi il est nécessaire de respecter les fortunes constituées au-delà d’une génération, pour financer de nouvelles entreprises innovantes, pour assurer le renouveau du tissu économique, les emplois et les rentes de demain. Il est même stupide de les spolier pour consommer davantage aujourd’hui et dilapider un capital-risque fécond pour l’avenir.
Cela étant une évidence facile à comprendre pour un enfant de dix ans, il faut malheureusement conclure que l’idée de taxer les successions doit être motivée par autre chose que le bien-être des personnes de condition modeste à la quête d’un emploi et espérant bénéficier un jour d’une retraite bien méritée. Par simple jalousie peut-être ? Par commodité électorale ?
Victoria Curzon-Price, ancienne présidente de la Société du Mont-Pélerin et membre du Conseil d’administration de l’Institut de recherches économiques et fiscales (Iref)
Article publié au départ dans L’Agefi, puis sur le site de l’Institut Constant de Rebecque
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