La Cour de cassation vient
de refuser d’inscrire sur les registres d'état civil français les 2 petites
filles d’un couple qui les avaient fait fabriquer par une autre femme et aux
Etats-Unis !
Je viens de lire un
entretien donné par le père qui exprime son indignation devant cette
décision :
A la question de la journaliste, quelles sont les implications de cette
décision pour vos enfants ?...il répond
: « Cela veut dire que les jumelles resteront toujours des fantômes et
qu'elles sont privées de tous les droits associés à un état civil français.
Comme elles n'ont pas la nationalité française, lorsqu'elles seront majeures,
elles ne pourront pas rester sur le territoire français. A leur majorité, pour
la résidence, le travail, le vote, elles n'auront aucun des droits qu'ont les
Français ou les Européens puisqu'elles sont seulement américaines à la suite de
cette décision. »….bien sur, dit comme cela il y a de quoi provoquer
l’indignation la plus véhémente, gageons qu'on retrouvera cette histoire dans
le prochain bouquin d'Hessel !!!!
En fait, c’est une autre sorte d’indignation, tout aussi véhémente, que cela
a provoqué chez moi.
Voilà un couple qui savait pertinemment (surtout en 2000) que la pratique
est interdite en France et qui ne pouvaient donc ignorer à quoi ils exposaient
leurs enfants. Malgré tout, les voilà qui se pointent la bouche en cœur en
disant, maintenant que c’est fait, pour leur bien, vous vous devez
d’enregistrer nos enfants comme si de rien n’était !
Les responsables de cette malheureuse situation ne sont, à l’évidence, pas les
juges de la Cour de cassation qui ont appliqué le droit français, ni les
législateurs qui débattent en ce moment du sujet, mais les parents qui, en
toute connaissance de cause, ont pris le risque de mettre leurs enfants dans
une situation impossible !
Je trouve cette attitude tout à fait lamentable.
Un petit peu comme une entreprise va s’installer dans un pays qui pratique
le dumping fiscal, ces couples pratiquent une sorte de dumping juridique, ils
font leur marché planétaire, qui aux Etats-Unis, qui en Indes ou dans les pays
de l’Est, pratiquent un acte qui est illégal dans leur pays et reviennent
ensuite en France en mettant la Justice devant le fait accomplis et exigeant
d’elle qu’elle légalise leur action !
Au-delà de ce cas particulier pas si particuliers que cela puisqu’ils sont
plusieurs dans la même situation, un bref avis sur un sujet évidemment
délicat.
La gestation pour autrui est interdite en France, un débat législatif est en
cours dans le cadre du projet de loi sur la bioéthique. Ce débat, comme à
chaque fois sur ce type de sujet, est plutôt passionné et le clivage en la
matière n’est pas politique puisque
de tous bords on trouve des partisans et des réfractaires.
En décembre 2010 une soixantaine de personnalités (dont Elisabeth Badinter
???) ont signé un
manifeste appelant à une légalisation de la pratique sous réserve qu’elle
soit parfaitement encadrée par la Loi.
J’avoue avoir été assez peu sensible à l’argumentation développée dans ce
manifeste.
D’entrée j’ai été indisposé par cet espèce de terrorisme intellectuel
consistant à sous entendre assez lourdement que ceux qui s’opposent à cette
légalisation ne sont que des conservateurs quasi réactionnaires du type de ceux
qui se sont opposés jadis au droit au divorce ou à la libéralisation de
l’avortement.
Puis nous avons droit aux classiques, « la technique le permet, donc on
se doit d’adapter le Droit en conséquence » ou pire encore à « ça se
fait ailleurs donc faisons le » …arguments qui n’en sont pas, sauf à
considérer que se laisser aller béatement au gré des avancées de la technique
et des exemples que nous proposent une sélection choisie de nos voisins,
constituent des mobiles suffisants !
En conclusion, le manifeste invoque la liberté des parents, des géniteurs et
d’une génitrice (gestatrice ?), à construire ensemble un projet, que la Société
se doit naturellement de protéger.
Je crois que c’est surtout la liberté du couple qui veut un enfant et qui
considère qu’il a le droit de l’obtenir par n’importe quel moyen que l’on
cherche à garantir !
Pour ma part, dans l’état de ma réflexion actuelle, je n’y suis pas
favorable pour 3 raisons essentielles :
La première c’est que je ne crois pas l’altruisme d’une mère porteuse,
comment une femme qui acceptent de porter un enfant pour le compte d’une autre
femme et qui se le voit retirer dès sa naissance peut-elle sortir indemne d’une
telle expérience ?
Je crains que la marchandisation du corps de la femme, dans le plus bel acte
qui soit, qui est déjà une réalité dans certains pays, finira d’une manière ou
d’une autre par l’emporter.
La seconde raison, c’est que j’ai le sentiment profond, qu’avant tout, cette
pratique n’existe que pour satisfaire les parents convaincus qu’avoir un enfant
est un droit. Or, non, non, non !
Il existe bien les droits de l’enfant mais le droit à l’enfant, non !
La troisième, c’est que, comme d’habitude, le dernier à être considéré dans
cette histoire, c’est l’enfant ! Lorsqu’on voit toutes les questions qui
se posent autour du don de sperme, de l'anonymat du donneur, comment ne pas
imaginer qu’elles se poseront puissance 10 avec la gestation pour compte
d’autrui !
Comment l’enfant devra t’il considérer la femme qui l’a fait naître ?
Et puis derrière tout cela se posent un tas de questions, non répondues à ce
jour.
Si la génitrice/gestatrice change d’avis, que ce passe t’il, a-t-elle le droit
de se faire avorter ou le contrat l’interdit-il ?
Et si il y a des complications, est-ce qu’elle les assume toute seule ?
Et puis, sans parler de rémunération, il y aura nécessairement des
compensations financière, ou sera positionnée la limite entre compensations et
rémunération ?
etc etc etc
En bref, la question n’est pas simple et mérite un bon débat et en tout cas,
certainement pas que le législateur ou la Justice se fassent forcer la main par
quelques parents qui cherchent à leur imposer leur propre choix, avec l'aide de
toutes celles et ceux dont le seul argument tient en un mot
"modernité".