Présentation de l’éditeur :
Une nuit d’émeute dans la cité de la Grande Borgne en banlieue parisienne : pendant que les tirs de cocktails Molotov répondent aux détonations de flash-ball, chacun essaie de sauver sa peau, notamment Dino Dozelin, surnommé Doze, voyou acculé devenu meurtrier par accident, traqué par la brigade du commissaire Licken dont la mort, des mois plus tard, ne sera qu’un rebondissement supplémentaire à une bien étrange histoire…
Ce roman singulier à l’écriture nerveuse et poétique entraîne le lecteur dans le sillage de Marcel Treuffais, ancien activiste des F.H.A.R. (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) vivant à l’écart du monde, et le met aux premières loges pour assister à sa dernière et plus périlleuse entreprise. L’on suivra en parallèle la cavale de Doze et de son acolyte David Tétard, activement recherchés par les hommes du pensif Licken, sommé par sa hiérarchie sur les dents d’alpaguer celui qui leur a si bien filé entre les doigts.
C’est aussi (et surtout) une galerie de personnages mêlant petits truands inséparables et flics à bout de souffle, qui portraiture avec le même mordant des caïds de banlieue et de jeunes femmes ambitieuses, et donne à voir le quotidien des marginaux et des hommes de pouvoir. On y croise tour à tour un ermite anarchiste, un vieil architecte revanchard, une figure légendaire du milieu, un garagiste louche, le directeur de cabinet et souffre-douleur d’un ministre, un préfet lyrique depuis sa tour d’ivoire, un fomenteur de guérillas urbaines ainsi qu’un écrivain jouisseur, arrogant et désabusé.
Notre avis :
« Chbebs ! » est la première œuvre d’une auteure de la trentaine, élevée dans le fumier d’une cité française, avec toutes ses bizarreries, ses particularités et aberrations. Elle a implanté son roman dans ce milieu qu’elle connait parfaitement, à juste titre, on n’écrit bien que sur ce qu’on a vécu. Et Chbebs! est dans cette veine de la cité, vif, emporté, tapageur. L’écriture est aboutie, faisant usage d’un vocabulaire riche, qui demande même un certain effort tant les mots sont recherchés. La construction du récit est tout aussi soignée, chaque élément arrive à point. L’auteure n’hésite pas à égratigner les idées toutes faites et les autres. Le milieu gay est bien décrit, mais sans clichés. Certaines idées préconçues volent en éclats. C’est une histoire actuelle, implantée dans la réalité d’aujourd’hui, sur un ton vif et mordant . Une lecture difficile toutefois, qui demande un peu de temps. J’ai entendu parler de « polar spaghetti », je dirais plutôt « polar littéraire », encore que, il brise tous les principes du genre, de tous les genres…
« Et puis aucun bruit, que le souffle du vent, la campagne déserte. Feuilles qui s’agitent ou aluminium des épouvantails. Un bout de nuit mis tout au fond d’un coffre-fort, dans une banque désaffectée. Le cri d’un oiseau de nuit. La proximité d’une forêt qui domine la vallée grise. Je ne sais pas. Le vent qui se tait. Goût de pièce métallique portée à la bouche. Des étoiles qui percent. C’est bien le cri lamentable de l’orfraie. Et plus bas dans la cour, l’amoncellement d’ordures qui dorent sous l’astre. Des ronces comme des ailerons de requin. La tentation d’offrir sa gorge à la lame rouillée. Gratter la pierre poreuse. S’évader. Leurs calibres qui scintillent soudain dans la nuit compacte. Des lambeaux de voix. »
Chbebs ! de Salima Rhamna. Éditions de l’Abat-jour