Quelques idées, notées au vol lors du dernier café stratégique, où nous accueillions Laurent Hennninger qui était venu parler de « révolution dans les affaires militaires ».
1/ Le terme de révolution n’est pas adapté. Mieux vaut parler de mutation, qui marque l’idée de rupture, même si la rupture n’est pas forcément visible à vue d’homme.
2/ Elle n’est pas seulement militaire : ce sont des phénomènes globaux, et pas seulement technologiques : il faut se méfier de la vision technologique de l’occidental. Certes, la grosse révolution est liée à l’arme à feu, mais elle ne suffit pas à elle seule : les Chinois disposaient de l’arme à feu, ils n’en ont rien fait.
3/ Il y a un aspect social important. Le rôle croissant de l’infanterie est logique, car elle est l’émanation du peuple (quand la cavalerie est l’émanation de l’aristocratie et l’artillerie, l’émanation de l’Etat) au moment de la révolution humaniste de la renaissance. Les armes à feu viennent dans un 2ème temps, après la mutation socio-tactique du 14°-15° siècle, celle de l’infanterie, qui mettra un siècle et demi à se développer, jusqu’à trouver l’action offensive.
4/ Le tournant civilisationnel immense de la Renaissance a un volet militaire. Or, aujourd’hui, il n’y a pas de mutation, mais seulement la continuation de la grande mutation de la renaissance.
5/ La maîtrise de l’occident dépend de la maîtrise des espaces lisses (au sens de Deleuze), dans l’ordre mer, air, spatial, informatique.
6/ Son inquiétude et son interrogation, c’est la question d’une éventuelle sortie de l’humain. L’humanisme du XVI° siècle est mort, il observe une haine de l’homme (cf. l’écologisme pour qui l’homme nuit à la nature sacralisée, et le capitalisme pour qui l’homme coûte trop cher, toujours trop cher).
On notera quelques idées qui sont apparues lors du débat (nourri) :
- pour la sortie de l’homme, on peut noter une sorte de « biolithique » (cf. un bouquin d’Hervé Kempf, paru en 1998), liant nanotechnologies, drones, satellisation, … La convergence de la biologie de l’humain, de la robotique et de l’informatique permettrait une intégration animal/humain/machine. Il faut lire les philosophes de la sortie de l’humain, Zizek et Baechler (et ici).
- Attaquer l’informatique, c’est attaquer l’organisation de la force : on ne cherche pas la destruction mais la désorganisation. C’est au fond l’objectif de l’art opératif, développé par les Soviétiques dans les années 30.
- Longtemps, fantasme de la bataille décisive : est remplacé aujourd’hui par le mythe de l’arme décisive (de l’air power à la Douhet au V2 des Allemands à la bombe nucléaire à la « cyberguerre »…)
- Il se crée des mailles du réseau planétaire, contrôlé par l’occident. Il se déroule des guerres, à l’intérieur de ces mailles.
Voici donc quelques idées qui ont été agitées ce soir là : fructueux et riche. Bravo.
O. Kempf