wild horses

Par Jilcaplan
En général,
c'est un petit soubresaut quelques jours avant
le poil qui se hérisse,
qui se rebiffe à l'idée de ce vertige à venir
à l'idée de l'énergie à déployer
à contenir
à laisser galoper
à l'idée de ce rendez-vous
qui se voudrait parfait
simple et puissant comme un baiser d'amoureux
quelques jours avant, oui
le frisson, le ventre qui se noue
le rouge aux joues
la paupière qui bat
et puis après, au matin même,
tout en soi se cabre
cheval attrapé au lasso qui se débat
qui hennit du feu par ses narines
ensuite, c'est le voyage, la résignation
il faut y aller
après tout c'est ainsi
on a persisté, signé, insisté
On arrive dans la ville, le lieu
qui sent généralement un peu la poussière et l'ombre
une odeur agréable
familière
le cheval s'est apprivoisé, tempéré
il trotte doucement de ses sabots sur la piste
revoit son numéro de cirque, rodé pourtant,
mais toujours flippant,
ce doit faire partie du charme du truc.
la bête va se reposer un peu entre les deux
grignoter sans faim, boire un peu,
attendre l'heure dite
revoir mentalement tous les écueils pour les enjamber sans tomber
et attendre
avec le noeud dans le ventre qui se noue en boule
comme une couleuvre dans les hautes herbes
attendre
un estomac replié, contrarié,
chahuté
attendre
un haut le coeur persistant, une fièvre au front
comme une honte à faire tout ça
attendre
la bouche est desséchée
les mains humides
et la langue s'embrouille
là bas, dans l'ombre et la poussière,
on perçoit une rumeur
qu'il faudra bien épouser
le noir se fait
en soi, c'est une pensée impossible à concevoir
et pourtant, ça va se faire,
ça s'est déjà fait
il faut juste enjamber l'espace crucial
franchir le rideau
et rejoindre la scène
parce qu'on sait qu'à ce moment,
plus rien ne sera dramatique
plus rien ne sera lourd
mais au contraire, lumineux, et peut-être, avec un peu de chance,
un petit moment de grâce.