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Travail à domicile: la prostitution

Publié le 07 avril 2011 par Raymond Viger

Agence d’escorte à la maison

Pour se faire de l’argent, Britanny a tâté de tout, dans le monde de la prostitution: la rue, l’agence d’escorte et le service à domicile.

Dominic Desmarais Dossier Prostitution

prostitution-domicile-agence-escorte-services-prostituee Au gré de la demande, elle alternait de l’un à l’autre. Si l’agence d’escortes n’avait rien à lui offrir, elle se retrouvait à la rue pour combler son goût du luxe. Mais c’est chez elle que Britanny préférait offrir ses services. C’est là qu’elle a fait le plus d’argent. C’est là qu’elle s’est sentie le plus en sécurité.

Britanny s’excuse. Elle termine de friser ses cheveux. Bien que sa vie de prostituée soit derrière elle  la jeune femme porte toujours un soin jaloux à son apparence. Les cheveux fraîchement coupés, elle se fait belle pour aller faire ses courses plus tard. Son appartement respire la coquetterie et le bien-être. Difficile d’imaginer qu’il a été le théâtre, pendant une dizaine d’années, d’une succession de fantasmes masculins.

Britanny n’est pas dégoûtée par son passé. Elle parle de sexualité sans gêne, d’un ton amusé. Avoir couché avec autant d’hommes inconnus, pour de l’argent, ne lui cause aucun remords. Elle est à l’aise avec cette partie de sa vie, mais quand elle parle de sa sécurité, elle devient tout à coup sérieuse. C’est ce qui était au centre de ses préoccupations. Quand elle offrait ses services chez elle, elle se sentait plus en sécurité.

Sexe et business

agence escorte prostitution domicile prostituéeTravaillant à son compte, Britanny n’avait pas d’intermédiaire. La jeune femme recevait les appels et filtrait les indésirables. «Par le timbre de sa voix, je pouvais savoir s’il avait consommé de l’alcool ou de la drogue, s’il semblait agressif. Je le faisais parler pour me faire une idée», explique-t-elle. Lorsque Britanny accepte un nouveau client, elle le convoque au coin de la rue, à quelques pas de son domicile.

Si, après l’avoir rencontré en personne, elle ne se sent pas en confiance, elle refuse de l’emmener chez elle. «C’est arrivé à quelques reprises. Pas souvent. Quelquefois, c’est le client qui refusait parce que je ne correspondais pas à ce qu’il recherchait. Ça ne me faisait pas plaisir mais c’est son fantasme et c’est lui qui paie.»

Une mauvaise expérience lui a donné l’idée de ce contact initial au coin de la rue. Après qu’un client ait débarqué chez elle pour ensuite refuser d’aller plus loin, le stress s’est emparé d’elle. «Il ne voulait pas de moi mais je ne le connaissais pas et lui savait où j’habitais.» Les scénarios se sont bousculés dans sa tête, l’affolant.

L’apprentissage de la prostitution à domicile a suivi son cours. La jeune femme s’est rendu compte du manque de sérieux de plusieurs hommes. «J’ai donné rendez-vous à des clients qui ne se sont jamais présentés. C’est arrivé souvent. Ça me mettait en maudit. J’attendais indéfiniment et je devais refuser d’autres clients potentiels.» C’est le prix à payer pour recevoir des clients chez soi sans recourir à une agence. Avec le risque de voir un client cogner à sa porte sans prévenir. «Je lui ai fait comprendre que j’aurais pu être occupée avec des amis ou mes parents», raconte-t-elle en se comptant chanceuse que ce ne soit arrivé qu’une fois. Britanny ne criait pas sur les toits qu’elle menait une double vie. Certains de ses proches ignorent encore qu’elle offrait ce genre de services.

Prostitution et service à la clientèle

Britanny prenait grand soin de sa personne et de son lieu de travail. Maquillage, ongles, coiffure, vêtements, elle s’assurait de se présenter sous son meilleur jour. «Je n’ai jamais fait de compromis sur mon apparence physique et mon appartement était toujours très propre. Certains de mes clients me disaient qu’ils avaient déjà décampé d’un domicile parce que c’était malpropre. Ils vont aller dans mon lit! Si ce n’est pas propre, ils vont être dégoûtés!»

La jeune femme soigne les détails. Son but est évident: elle veut que ses clients reviennent. Elle se cherche une clientèle régulière qui la paie et ne lui crée pas de problèmes. C’est la meilleure façon pour elle de chasser la peur qui la tenaille quand elle se prostitue. Avec ses clients réguliers, elle ne ressent pas le besoin de consommer de l’alcool ou un joint. À l’aise avec sa sexualité, pas avec sa sécurité. «Les nouveaux clients, ça me stressait toujours, surtout que je les accueillais chez moi», avoue-t-elle avec gravité.

Ses réguliers, elle les bichonnait. Ils avaient même son numéro de cellulaire pour la rejoindre n’importe où, n’importe quand. Mais elle les avisait de ne pas donner ses coordonnées à leurs connaissances intéressées par ses services. «Je n’aimais pas beaucoup les références. Quand je n’ai pas rencontré la personne, je suis toujours réticente. Ce n’est pas parce que mon client régulier est correct que celui qu’il me réfère l’est.» Britanny apprécie la régularité. Car chaque nouvelle rencontre la met sur le qui-vive.

Escorte PME

Pour gérer sa double vie, Britanny s’est procuré une deuxième ligne téléphonique. Ce numéro n’apparaît pas dans l’annuaire. «Je ne voulais pas que les clients ou la police, connaissent mon adresse. Quand les gens devenaient trop insistants, je changeais le numéro. C’était gratuit. J’étais très alerte et avertie, pour me protéger.» Britanny doit assumer les mauvais côtés de la prostitution à domicile. Elle reçoit de nombreux appels d’hommes qui cherchent à se moquer d’elle. Excédée, elle rédige sa liste noire. Elle y note tous les numéros de téléphone des clients qui ne se présentent pas après avoir pris rendez-vous, les plaisantins ou ceux qui sont repartis en la voyant. «Quand j’apercevais l’un de ces numéros sur mon afficheur, je ne répondais pas», explique la jeune femme en exhibant une liste longue de 49 numéros.

Si les gens l’appellent pour la narguer, c’est qu’elle attire sa clientèle par l’entremise des petites annonces, sous la rubrique escortes dans les journaux. Britanny a offert ses services dans La Presse, Le Journal de Montréal, ICI et 24 Heures. À la recherche d’une clientèle aisée, des hommes d’affaires particulièrement, elle cible surtout La Presse. À ses débuts, en 1997, il lui en coûtait une vingtaine de dollars pour placer une annonce de deux lignes. Au milieu des années 2000, Britanny doit dépenser 45$ pour sa publicité. Elle se présente sommairement: belle, grande, blonde, sexy avec forte poitrine.

Elle passait son annonce en se rendant sur place, au comptoir des annonces classées et choisissait les jours où elle désirait publier. C’est le Journal de Montréal qui était le plus strict en exigeant un enregistre-ment au Palais de Justice. Un exercice à répéter à chaque année. Britanny l’a fait une fois. Elle s’est enregistrée sous un faux nom et une fausse adresse sous la rubrique Agence d’accompagnement. Mais l’année suivante, des mesures renforcées lui font rebrousser chemin. Elle craint que la police ne découvre ce qu’elle fait. Elle veut éviter les problèmes à tout prix. «C’est dommage parce que c’est avec une annonce dans Le Journal de Montréal que j’ai battu mon record absolu : 1200$ en une journée», dit-elle le regard brillant.

Prostitution et jour de paye

Au fil des ans, Britanny réalise que ses annonces lui rapportent plus les jeudis, jour de paie, et les vendredis. Sa clientèle, surtout celle du milieu des affaires, la rencontrait sur l’heu-re du midi ou à la fermeture des bureaux. «Ils ne prenaient pas toute l’heure car ils étaient trop pressés», se souvient la jeune femme qui re-cevait aussi, vers 3 heures du matin, la clientèle des boîtes de nuit. «Je ne m’empêchais pas d’aller me coucher mais je me tenais prête, dormant sur une oreille, prête à toute éventualité. J’avais juste à me recoiffer, me maquiller et me rhabiller.»

Britanny se fixait des limites. Ne jamais recevoir de clients le matin, son moment à elle. Et elle ne répondait pas au téléphone quand elle s’organisait des sorties dans les bars ou au cinéma pour voir ses amis ou qu’elle allait dévaliser les boutiques. «Quand j’avais gagné assez d’argent, je ne répondais pas. Si j’avais fait 400 $ dans la journée, je n’avais pas besoin de rester éveillée. Il ne faut pas laisser l’escorte prendre toute la place. Je serais devenue folle à toujours attendre des appels.»

Prostitution et voisinage

En évitant les clients à problèmes et en les espaçant autant que possible, Britanny croit ne pas avoir suscité la méfiance de ses voisins. Elle dit ne jamais avoir été dévisagée comme une prostituée. Les gens ne se doutaient pas que sous ce joli visage débordant d’énergie et d’empathie se cachait tantôt une bonne-à-tout-faire, un semblant d’infirmière ou encore une dominatrice prête à satisfaire des clients aux fantasmes qui dépassent l’entendement. Que dans ses armoires, des costumes et des jouets bien dissimulés procuraient un plaisir bien particulier. De son appartement, Britanny menait une double vie plus discrète que si elle avait offert ses services sexuels sur le trottoir.

Illustrations Énoch

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