Nous voilà présent sur trois fronts : l’Afghanistan, la Libye et la Côte d’Ivoire. Dans les deux derniers, on a affaire à d’étranges guerres. Non pas des guerres classiques contre un ennemi bien identifié (un Etat…), pas plus des guerres où l’on viendrait en aide à un pouvoir en difficulté face à une rébellion, une guérilla ou un mouvement de partisans, comme ce peut être le cas en Afghanistan. Ce ne sont pas non plus, quoiqu’on dise des guerres coloniales : qui voudrait mourir pour quelques gousses de cacao ou pour du pétrole que l’on peut trouver un peu partout dans le monde? Non, nous nous immisçons, au nom de grands principes, dans des guerres civiles larvées dans des pays qui ne tenaient depuis longtemps que par la poigne de fer des dictateurs en place. Comment expliquer autrement que ces dirigeants dont on veut se débarasser disposent, tant en Libye qu’en Cote d’Ivoire d’assez de soutiens dans la population pour résister comme ils le font?
Notre intervention a été conçue pour éviter des massacres, mais on sait qu’en Cote d’Ivoire au moins elle ne les a pas complètement empêchés. Ce qui en réduit singulièrement la légitimité. La question qui se pose aujourd’hui est bien de savoir comment en sortir sachant que gagner des guerres de ce type parait bien difficile. Cela voudrait dire déposer le dictateur et voir émerger un Etat avec des institutions plus ou moins démocratiques. Mais qui peut prétendre que cette issue est seulement plausible? Se désengager rapidement comme ont entrepris de le faire les Etats-Unis serait prendre le risque de voir se prolonger une guerre civile avec son lot de tueries, de massacres et de catastrophes. Attendre que le sort des armes choisisse le vainqueur serait prendre le risque de voir Khadafi ou Bagbo l’emporter in fine. Offrir nos moyens à leurs adversaires ne peut que nous mettre en situation d’exercer une sorte de protectorat sur des régimes imposés par l’étranger et donc sans vraie légitimité.
Si Khadafi et Bagbo étaient raisonnables, nous pourrions engager des négociations, inciter les belligérants à trouver une solution transitoire plus ou moins bancale qui nous permettrait de partir la tête haute. Mais voilà, ils ne le sont pas.
Nous nous sommes, avec les meilleures intentions du monde, engagés dans une très mauvaise passe. On s’est beaucoup félicité de la capacité de Nicolas Sarkozy à entraîner la communauté internationale dans ces aventures. On aimerait qu’il invente une bonne manière de sortir de ce qui risque de ressembler très vite à un bourbier.