Duncan Jones, fils de David Bowie, n’a pas suivi les traces de son père, mais a tout de même embrassé une carrière artistique en se lançant dans le cinéma. Petit focus sur un réalisateur n’ayant pour le moment que deux films à son actif, mais avec déjà un univers et des thématiques bien à lui.
Moon
Avec ce premier long métrage ambitieux (un film de science-fiction à petit budget avec quasiment un seul acteur à l’écran tout du long), Duncan Jones a fait sensation dans divers festivals. Un buzz pour une fois pas usurpé, tant ce premier essai regorge de qualités et révèle un auteur à part entière. Avec une économie de moyens qui force l’admiration, il réussit à créer un monde crédible, et à bâtir une intrigue fouillée. L’esthétique du film n’est pas sans rappeler les grands films de science-fiction des années 70, dont l’inusable 2001, l’Odyssée de l’Espace (la blancheur et le dépouillement du décor principal), mais au niveau thématique, Moon se rapproche beaucoup plus d’un autre premier long-métrage ayant fait sensation à sa sortie : Bienvenue à Gattaca. On retrouve dans Moon cette même humanité, ce même attachement à un personnage tentant de lutter contre l’ordre établi, se rebellant contre son destin (les finaux des deux films sont d’ailleurs extrêmement similaires).
L’autre aspect intéressant du film de Duncan Jones, c’est son rythme assez lent, et surtout son refus de l’effet facile. Le film révèle en effet assez vite (au bout d’à peine une demi-heure) la nature du secret caché par la compagnie à Sam Bell (mais de nombreux indices permettent de le deviner assez vite), alors qu’un autre réalisateur aurait certainement bâti toute son intrigue sur ce twist. Du coup, la pression du twist évacuée, le film en devient beaucoup plus intéressant, et Jones peut se concentrer sur ses personnages. Sam Rockwell livre une excellente performance, mais se fait finalement presque voler la vedette par Kevin Spacey, qui « incarne » la voix de GERTY, le robot chargé de veiller à son bien-être (et qui rappelle furieusement le HAL 9000 de 2001, en beaucoup plus bienveillant). La relation entre les deux personnages est passionnante et très émouvante, renvoyant notamment aux écrits d’Isaac Asimov dans le fait que le robot de bord développe un attachement à l’humain qu’il protège.
Malgré un rythme assez lent, Moon est un excellent premier essai, bien écrit, bien interprété, et particulièrement émouvant.
Note : 7/10
USA, 2009
Réalisation: Duncan Jones
Scénario: Duncan Jones, Nathan Parker
Avec: Sam Rockwell, Kevin Spacey, Dominique McElligott
Source Code
Avec son second long-métrage, Duncan Jones reste dans le domaine de la science-fiction, mais livre cette fois un thriller haletant. Source Code suit les aventures de Colter Steven (Jake Gyllenhaal), un soldat américain connecté à un programme informatique lui permettant de prendre le contrôle des huit dernières minutes de la vie d’une personne décédée. Sa mission : trouver le responsable d’un attentat à la bombe dans un train, avant que celui-ci ne récidive.S’il passe à la vitesse supérieure avec ce thriller au pitch classique (rappelant fortement Déjà vu ou L’Effet Papillon, voire même un excellent épisode de la saison 6 d’X Files), Duncan Jones n’en abandonne pas pour autant les thématiques esquissées dans Moon. Il s’intéresse encore une fois à un personnage en bute à l’ordre établi (ici la hiérarchie militaire) et tentant de sortir du carcan dans lequel on voudrait le faire rentrer (même s’il est dans un programme informatique, Colter Steven veut à tout prix sauver les passagers du train, tout autant que trouver le poseur de bombe). Encore une fois, l’un des personnages lui viendra en aide alors qu’on ne s’y attendait pas (GERTY dans Moon, ici le lieutenant Goodwin).
Beaucoup plus rythmé que Moon, Source Code est d’abord un excellent thriller, ludique et maîtrisé. Les péripéties s’enchaînent sans temps mort, et Duncan Jones fait preuve d’une maîtrise technique plus apparente (les nombreux plans séquence dans le compartiment, les spectaculaires explosions). Mais une fois de plus, c’est avant tout l’humain qui est au centre de l’histoire, et la recherche du poseur de bombe passe assez vite au second plan (son identité n’est d’ailleurs pas des plus surprenantes). Ce qui intéresse Duncan Jones, et c’est tant mieux, c’est le cheminement intérieur de Colter Steven, et la découverte progressive de sa situation réelle. Le film réserve d’ailleurs quelques surprises à ce niveau, qu’on évitera d’ébruiter ici. Jake Gyllenhaal est tout simplement parfait dans ce rôle de héros au grand cœur, réussissant un difficile numéro d’équilibriste (il aurait pu vite tomber dans le ridicule du « héros inoxydable et incorruptible »). Une prestation qui fait oublier le désastreux Prince of Persia et donnera lieu à de beaux moments d’émotion, notamment lors d’un très joli final, bien loin du spectaculaire auquel on pouvait s’attendre (même si le film aurait peut-être gagné à s’arrêter 5 minutes plus tôt). Aux côtés de Gyllenhaal, la jolie Michelle Monaghan est malheureusement un peu sous-exploitée mais tire tout de même son épingle du jeu grâce à son charme pétillant et à son dynamisme. Vera Farmiga est quant à elle comme toujours excellente, composant un personnage d’une apparente froideur cachant en fait une grande humanité.
Avec Source Code, Duncan Jones transforme l’essai amorcé avec Moon de bien belle façon. Un auteur est né, et on attend avec impatience la suite de sa très prometteuse carrière…
Note: 8/10
USA, 2011
Réalisation: Duncan Jones
Scénario: Ben Ripley
Avec: Jake Gyllenhaal, Michelle Monaghan, Vera Farmiga, Jeffrey Wright