Hydra a trois tetes

HYDRA A TROIS TETES

Durant de la précédente décennie, trois courants principaux ont irrigué le cours jamais apaisé de la musique anglaise. Le rock s’est réinventé en beauté grâce à l’impulsion donnée par Radiohead, qui aura su concilier le lyrisme électrique cher à Led Zeppelin et l’esprit laborantin de la musique de recherche. Dans la salle d’opération d’à côté, l’Electronica incarnée notamment par le label Warp ou par le faux groupe Four Tet du très doué Kieran Hebden a donné à la musique électronique une sorte de conscience propice à la rêverie et détachée des obligations sudatoires du dance-floor.

Enfin, le Dubstep, dont l’un des plus impressionnants cerveaux appartient à l’homme invisible Burial, a transcendé la pulsation des basses pour mieux palpiter dans un nouveau cœur métallique d’androïde paranoïaque et anxiogène. Rien d’étonnant à voir aujourd’hui ces trois activistes faire cause commune le temps d’un maxi deux titres, Ego/Mirror. Telle addition de grandes idées aurait pu s’étouffer entre elles, c’est au contraire dans l’épure, la soustraction d’ « ego » que leur collaboration en « miroir » aura fonctionné, au sein de cette éphémère odyssée sonore volontairement déceptive. La puissance contenue de Burial, la voix retenue de Thom Yorke, la luxuriance ténue de Four Tet donne ainsi à cette hydre à trois têtes une incarnation neutre, privée des affects de chacun de ses manipulateurs, simplement mécanisée par leur mains expertes. C’est peut-être une bonne indication d’un devenir de la musique : avalée par la machine, désintégrée à force de dématérialisation. Plongée dans un coma artificiel après avoir si bien vécu des plaisirs terrestres. Sans regret aucun. Prête toutefois à renaître de ses cendres, de CES cendres.

Stella.C