Bon, ça y est, le débat sur l'islam, le débat sur la laïcité, la convention sur la laïcité organisée par l'UMP a eu lieu, après des semaines de polémiques et d'affolement général bien de chez nous.
Un soufflet politique du meilleur goût dont voici la recette. Prenez une réalité difficile à admettre dans un contexte de mutation économique, énergétique, environnementale, démographique... disons géopolitique, ajoutez quelques politiques dépassés et/ou lâches, laissez macérer pendant 20 ans environ. A l'occasion d'une crise grave, ajouter des gauchistes aguerris, un parti d'extrême-droite en pleine ascension, des politiques soucieux de leur réélection, bien mélanger. S'il vous reste un peu de sentiment de culpabilité occidentale et de passé mal digéré, saupoudrez et passez au four. Au bout de quelques jours de cuisson votre soufflet est prêt. Au bout de quelques semaines votre soufflet est sans doute trop haut. Retirez alors rapidement du four. Votre soufflet s'effondre et retrouve une taille habituelle. Vous pouvez le consommer avec ou sans modération.
D'autant que la plupart des 26 propositions n'ont rien de scandaleux ou d'explosif. Juste un goût de déjà vu, de réchauffé.
Il y a d'abord un constat et des évidences : " La laïcité consiste en une distinction entre la sphère religieuse et la sphère politique. Elle se traduit, en France, par la séparation des Églises et de l'État, établie par la loi de 1905. Dans une République laïque, on ne peut pas confondre la loi civile et la loi religieuse. Ce sont deux ordres différents et dans la sphère publique, c'est la loi civile qui prime.
[...] Depuis 1905 ou 1920, le contexte a changé : l'islam est la 2e religion en France et, dans certaines parties du territoire, elle devient même majoritaire. Alors que l'Europe sécularisée avait presque oublié la question religieuse, le développement de l'islam la remet à l'ordre du jour et rend nécessaires certaines clarifications [...]"
Les premières propositions concernent le cadre législatif : élaboration d'un " recueil exhaustif des textes (lois, règlements et circulaires) et jurisprudences relatifs au principe de laïcité " et rédaction d'un " code de la laïcité et de la liberté religieuse ".
Si la 1ère proposition est prévue pour 2011, la seconde est prudemment reportée après les élections présidentielles de 2012, car il s'agirait de mettre à jour la loi de 1905 : " donner valeur réglementaire à certaines circulaires ", " f ixer de nouvelles règles, législatives ou réglementaires" , abroger les dispositions obsolètes tout en préservant " les dispositions législatives essentielles, au premier rang desquelles les articles fondamentaux de la loi de 1905 (notamment les deux premiers) ". Il y a aussi une résolution parlementaire pour " réaffirmer " l'attachement à la laïcité... Réaffirmer est le bon terme car il me semble que cela avait déjà été fait.
L'ensemble de ces propositions ressemblent à une ébauche de programme sur le sujet. Certaines reprennent des éléments présents dans la charte diffusée en 2007, elle-même inspirée par le Haut Comité à l'Intégration.
Ainsi les propositions sur les agents des services publics : " étendre les exigences de neutralité et de laïcité des agents des services publics aux collaborateurs occasionnels du service public [...], étendre les obligations de neutralité qui s'imposent dans les structures publiques, aux structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite enfance chargées d'une mission de service public ou d'intérêt général [...]. La logique ici est de privilégier la fonction de service public plutôt que le statut du prestataire.
De même les propositions sur les usagers des services publics : " interdiction de récuser un agent du service public à raison de son sexe ou de sa religion supposée [...], rappeler que, dans le cadre d'un service public, les convictions religieuses, politiques ou philosophiques n'autorisent pas à invoquer un traitement spécifique de nature à mettre en cause son bon fonctionnement mais que, dans cette limite des aménagements peuvent être trouvés, par exemple concernant les prescriptions alimentaires (menus végétariens) et les fêtes religieuses (dates des examens ou concours) [...], interdiction de se soustraire au programme scolaire obligatoire [...]. "
Ces propositions font échos aux problèmes rencontrés sur le terrain notamment dans les hôpitaux et les établissements scolaires. Coté scolaire, un récent rapport du HCIpassé inaperçu, " les défis de l'intégration à l'école ", pointait un aspect moins connu de ces problèmes que les demandes de repas spécifiques, à savoir la remise en cause des programmes d'histoire (" depuis plusieurs années, dans un nombre croissant d'établissements, les cours d'histoire sont le lieu de contestations ou d'affrontements, de mise en concurrence de mémoires particulières qui témoignent du refus de partager une histoire commune. " rapport p. 103). Ceci était déjà dans le rapport Obin de 2004 (" De manière générale, tout ce qui a trait à l'histoire du christianisme, du judaïsme, de la Chrétienté ou du peuple juif peut être l'occasion de contestations. " rapport p. 26). Qu'est-ce-qui a été fait depuis, à part des rapports ?
Plus nouvelles des propositions concernant les entreprises : " permettre aux entreprises, pour des raisons précises, d'intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives au port de tenues et signes religieux [ou] ou encadrant les pratiques religieuses (prière, restauration collective...). "
Les dernières mesures concernent les cultes (exercice, construction de lieux de culte, sépulture, abattage rituel...). On y trouve cette proposition étonnante : " affirmer clairement par voie législative que, sauf manifestations à caractère traditionnel, l'exercice du culte hors des lieux de culte est subordonné à déclaration préalable. " Ce qui reviendrait à faire une loi pour faire appliquer un décret-loi existant !
La partie sur la construction des lieux de culte vise clairement à en faciliter la construction de nouveaux... mais il est tard et je sature... Ce sera pour un prochain billet.
Au final, ce texte donne l'impression de proposer d'appliquer les lois existantes et de remettre à plus tard les nouveautés ou la réflexion d'ensemble. C'est donc bien un élément de programme pour 2012.