Hier, à Paris, la montagne Sainte-Geneviève était endimanchée. Elle était distinguée, elle était chatoyante, elle était majestueuse. Pour cause, l’une de ses aires augustes, le Panthéon, accueillait une plaque sur laquelle la République française a daigné graver un nom de lumière : Aimé Césaire. Te voilà donc cher Aimé Césaire, du moins ton esprit, dans ces murs antiques et austères ! Te voilà aux côtés de tes amis en littérature : Hugo, Zola, Malraux. Bravo à la République qui t’a fait ce privilège si grand, si pompeux, idoine à ton immense stature. Mon cœur bondit de joie. Moi qui te vénère à jamais. Mais, là, s’arrête le jaillissement de mon allégresse. Je veux être rabat-joie. Et bousculer l’œcuménisme politique de circonstance qui régnait rue Soufflot. Car, hier après-midi, chacun voulait être ton apologiste, le défenseur acharné de tes idées. Ce qui est faux ! Le discours actuel hexagonal est plutôt aux antipodes de ce que tu as toujours professé : c’est un discours nimbé de racisme, d’intolérance échevelée, d’ostracisme bourgeois. On stigmatise ici, on rejette là. On concocte de pseudo-débats pour dire au Musulman ta religion nous dérange. Mieux encore, on est prêt, à mille lieues de la Seine, de dire aux Africains : « Vous n’êtes pas encore rentrés dans l’histoire ! » Béante ignorance ! Qui avait sans doute fait sortir de ses gonds le célèbre anthropologue, Yves Coppens. En effet, si l’Africain n’est pas dans le vaste champ historique, qui le sera ? Lui qui a enfanté l’humanité. Lui qui a accueilli, en Egypte, le Christ des évangiles. Alors, en ayant dit tout cela, en ayant maugrée tout cela, tu seras d’accord avec moi, Aimé, maître sublime, qu’hier, c’était un peu la fête des Tartuffes guindés et cravatés.
Guillaume Camara