La montée à la surface aura été difficile. Après de multiples retards (pour un projet imaginé depuis plusieurs années!), puis quelques soucis de serveurs dans la première journée de lancement (et qui sont toujours un peu poussifs), 1001libraires est enfin accessible aux internautes. Ce portail, qui vise à donner une visibilité aux librairies indépendants sur le Net, débarque avec plein de promesses. En plus d’offrir de nouveaux débouchés aux libraires sur la Toile, 1001libraires cherche aussi à réinstaurer un lien entre lecteur et libraire qui a pu se distendre ou disparaître ces dernières années. Du coup, 1001libraires cherche à mettre à disposition de la profession un outil e-commerce performant pour vendre du livre papier. Tout en en profitant, par la même occasion, pour donner aux libraires les clés pour distribuer des livres numériques.
Cependant, s’imposer comme un acteur du e-commerce ne se fait pas en un jour. Cela suppose une bonne compréhension des besoins des consommateurs ainsi qu’un savoir-faire technique, aussi bien dans la réalisation de la plateforme logicielle qu’en logistique. Sur ce dernier point, il sera difficile de remettre en question le choix de 1001libraires qui s’est doté d’un prestataire d’envergure, situé à quelques centaines de mètres des entrepôts d’Amazon. On peut donc s’attendre à un système de livraison efficace. Mais avant de se faire livrer, il faut passer commande, et question ergonomie de navigation, 1001libraires a encore du chemin affaire. Concevoir une librairie en ligne est un métier, une chose dont 1001libraires ne s’est visiblement pas rendu compte…
La librairie en ligne, un métier à part entière
Tout d’abord, la page d’accueil relègue le contenu (les livres à acheter !) à un coup de molette. A moins d’avoir un grand écran, raté pour voir les livres en un clin d’oeil. C’est à se demander si le prestataire en charge de la charte graphique a fait son boulot. Ensuite, un peu plus grave, cette page “Tous les rayons”. Elle présente l’ensemble du catalogue de la plateforme (1 million de référence) sous forme de catégories et de tags. A l’usage, c’est tout simplement inutilisable. Un visiteur sans idée d’achat précise abandonnera rapidement après avoir cliqué sur un ou deux mots-clés.
Si vous savez déjà quoi acheter, le moteur de recherche s’impose. Malheureusement, celui-ci ne fait pas ressortir les résultats les plus pertinents. Tapez un nom de roman (par exemple, Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski) et voyez le résultat. En général, la version poche ne ressort pas en premier et l’on tombe parfois sur des résultats incongrus. Autre élément important, lorsqu’un livre existe en version numérique, il dispose d’une fiche-produit distincte de son l’équivalent papier. Alors que la FNAC et Amazon considèrent un ebook comme un produit identique au livre papier, 1001libraires n’a pas opté pour ce choix. Dommage car cela se fait au détriment de l’ergonomie.
Le site se rattrape sur un processus de commande assez simple (même si l’inscription au site est bizarrement pensée) : choisissez des bouquins puis glissez-le dans votre panier. Ensuite, plusieurs formules de livraison sont proposées telles que l’envoi Colissimo (gratuit à partir de 25€ d’achat) ou le retrait en point relais (2,95€ en dessous de 25€, même tarif que l’envoi postal) ainsi que le retrait chez son libraire du coin. Cette dernière formule est assez intéressante, notamment si votre libraire de quartier disposed’un stock varié ou que vous recherchez un bestseller. Dès que l’on se met à fureter dans le large catalogue de 1001libraires (notamment en littérature de genre : SF, Fantasy etc.) il n’est pas improbable que le livre recherché soit indisponible pour ce mode de livraison. Il ne reste alors plus qu’à le commander sur le site. Ou ailleurs.
Pour les amateurs de numérique, l’ebook peut être une bonne alternative. Mais c’est à ce moment-là que les choses se compliquent…
Quand le numérique cherche sa place
Pour trouver un livre numérique, il faut se rendre en bas de la page d’accueil. Autrement, on trouve dans la barre latérale de gauche un onglet “Livres numériques”, avec un résumé des mots-clés présents sur la page “Tous les rayons”. Pire, après avoir cliqué sur une catégorie, on tombe sur une page qui ne comprend pas de titres numériques ! C’est déroutant. L’exemple-type est la catégorie BD numérique qui envoie vers le résultat suivant… En dépit de cet aiguillage assez aléatoire, 1001libraires a travaillé sa signalétique pour que le visiteur repère bien un ebook. Voici le résultat :
Brillant d’originalité ! Visiblement, l’un des stagiaires de chez Nealite (prestataire pour la charte graphique du site) est venu cueillir son inspiration dans notre logo. Etonnant, n’est-ce pas ? On aurait juste préférer être copié par Amazon…
Au-delà de ce point (on a l’oeil…) et des ebooks difficile à trouver, nous avons également été étonnés par la pauvreté des fiches-produits des livres numériques. En effet, elles ne mentionnent pas si le fichier est vendu avec ou sans DRM. De plus, l’utilisateur néophyte se trouvera bien désemparé après avoir acheté son fichier car aucune page explicative détaille la procédure de chargement d’un ebook sur un reader ou un iPad (si ce n’est cette courte chose). Bonjour le SAV… Concrètement, l’ergonomie de base d’une librairie numérique n’y est pas. Sans même aller regarder chez Amazon.com, 1001libraires est techniquement en retard par rapport à la librairie numérique de la FNAC.
Par exemple, on notera l’absence d’un historique des commandes qui liste l’ensemble des achats fait sur le site. C’est un très bon outil lorsque l’on vient à perdre un fichier que l’on pourra alors re-télécharger. Concernant la lecture sur un terminal (reader ou tablette), le grand public aura du mal à savoir comment faire. En cela, une application 1001libraires pour tablette aurait facilité l’usage. Mais cela a un coût…
Au final, on a la fâcheuse impression que le livre numérique est “en trop” sur 1001libraires. Même si la plateforme ne brille pas par son catalogue (Numilog manque à l’appel tandis qu’Immatériel, dont Publie.net, n’est toujours pas accessible alors que les contrats ont été signés), son but premier n’est clairement pas de mettre en avant le livre numérique. Il fallait bien trouver une place pour cette “chose” qui représente à peine 1% du marché, mais qui encombre et déroute déjà. Pourtant, le livre numérique est promis à bel avenir. Et ce n’est pas en ayant une émission sur le livre numérique (nommée Digitales) que l’on fait un bon distributeur de livres numériques. Malheureusement, 1001libraires pêche sur tous les critères de base d’une librairie numérique et n’apporte rien d’innovant. Pourtant, avec le budget pourvu à la plateforme, notamment la fameuse subvention CNL de 500 000 euros, il y avait de quoi faire. Ah si ! 1001libraires a inventé quelque chose… Le livre numérique de poche. En test prochainement sur eBouquin.
Le paramètre humain, le pari de 1001libraires
“Ici, pas d’algorithme, mais des libraires de chair et de paroles à rencontrer chez eux et sur la Toile.”, telle est la devise de 1001libraires qui trône sur la page d’accueil du site. 1001libraires n’apporte pas de révolution dans le monde de la vente de livre ou de livre numérique. La plateforme a même un train de retard sur plusieurs points, notamment sur le volet du numérique où elle est largement distancée. Cependant, pour être juste, il faut voir ce projet au-delà d’une simple plateforme de e-commerce. 1001libraires vise à être le “media” de la librairie indépendante et un point de rencontre avec les lecteurs sur Internet. Ainsi, un visiteur pourra demander l’avis d’un libraire sur une lecture et recevra une réponse par mail. Il pourra aussi “géolocaliser” la libraire la plus proche. Cela suffira-t-il?
1001libraires, c’est 180 libraires (!) référencés sur la plateforme qui vont contribuer au gré de leurs envies, et quotidiennement pour certains, afin d’enrichir la base de données d’avis et de critiques qui font souvent cruellement défaut aux autres distributeurs. En effet, c’est sur ce paramètre que 1001libraires peut faire la différence. Reste à voir si cette médiation qui existe déjà dans tous les lieux de la libraire indépendante arrivera à se transposer sur 1001libraires pour se marier aux attentes des internautes à la recherche d’une bonne lecture.