Par Marion Messina
Décembre 2010. Chroniques de la douceur de vivre en France, pays prodigieux aux paysages extraordinaires que le monde entier nous envie. Une ombre plane néanmoins sur ce bonheur tranquille… la charia.
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Sortant de leur doux foyer, la Marion et Bernard se rendent, sautillant et le cœur léger, vers la gare RER de Joinville-le-Pont. La neige légère qui perle leurs cheveux leur rappelle les petites boules de coton qui décorent leur sapin de Noël, dans la cuisine de leur appartement. Pour 620 euros mensuels et une heure de transport de la Ville-Lumière, leur nid d’amür leur permet de se payer le luxe d’avoir une cuisine séparée de la chambre, à la différence des appartements au même prix en intra-muros. Il y aurait bien une petite ombre à apporter à ce tableau idyllique avec le fait que la porte d’entrée donne directement sur la cuisine. La « pièce », de la superficie d’une cellule de Fleury-Mérogis ou d’une chambre de bonne à Jean-Jaurès, met à rude épreuve leur sens de l’organisation puisqu’il est impossible de faire sa lessive et sa cuisine simultanément, faute de prises électriques. Pendant le repas, les couverts propres et la cocotte minute sont posés sur le dessus du micro-ondes, qui a trouvé sa place sur le réfrigérateur, pour être ensuite transférés sur les tabourets dès la fin des ripailles. Les oranges, biscottes, boîtes de conserve et autres denrées non périssables sont entassées sur la table pour laisser la place à l’étendage.
À Joinville, donc, cela fait plus d’une demi-heure que l’on attend un train du réseau express régional. Les doux et légers flocons glacent nos deux protagonistes pendant que la banlieue revêt son blanc manteau. Comme Gabriel à Marie, une voix pré-enregistrée annonce aux usagers qu’un « malaise voyageur » a eu lieu à Vincennes, sans plus de précision. Ce genre d’évènement, notent nos amis (ils se prennent la tête), a lieu quotidiennement depuis le début des débats au Parlement sur la réforme des retraites. Fatigués, les deux héros rentrent chez eux et posent une journée de congés auprès de leurs employeurs respectifs. Ils habitent à… 5 km à vol d’oiseau de leur lieu de travail. Des doutes de « grèves escargot » des personnes payées à conduire des trains qui roulent automatiquement les assaillent. Au même moment, sur la ligne 4 du métro (souterraine), la circulation est bloquée à cause de la neige.
Déterminés malgré tout à profiter de la plus belle ville du monde, nos Rastignac frustrés partent diner dans le quartier des Halles. Après avoir laissé 60 euros chacun pour un hamburger et une pinte de bière coupée à l’eau dans un bar d’inspiration « Ouest lointain », il est malvenu d’espérer pouvoir rentrer en métro après une heure du matin, surtout un samedi. Rentrer en taxi s’impose mais il leur faudra près de deux heures avant qu’un Haïtien ne les prenne pour leur facturer le trajet plus de 30 euros. Il faut dire que dans l’économie « ültrâ libérââle » de la France, les chauffeurs sont salariés et n’ont donc aucune envie de ramener deux naïfs en proche banlieue, même pour une somme sur laquelle ne cracherait jamais un taxi indépendant ou une personne rémunérée pour le fruit exact de son labeur. Leur week-end bousillé et les bourses vides, ils se préparent à redémarrer une semaine de travail palpitant, durant laquelle Bernard apprendra que sa charge de travail sera multipliée par deux. Henri-Philippe, son supérieur hiérarchique au QI de 120 (avec l’échelle Fahrenheit) a démissionné et c’est avec tout le bonheur du monde que notre Lucien de Rubempré du 9.4 apprend qu’il va monter en grade. Allégresse de courte durée puisque pour deux fois plus de travail, il ne sera augmenté que de 300 euros bruts. Ses grands-parents n’auraient pu rêver meilleur métier et meilleure situation pour le fils de leur fils. Journaliste, diplômé du supérieur, lui et sa Dame ne peuvent espérer mieux qu’un 25 m² à condition de pouvoir présenter six fiches de paye et quatorze avis d’imposition à un usurier des toits. Leurs années d’études validées et leurs diplômes en carton ne peuvent leur permettre d’envisager sereinement un avenir sain avec des enfants et une maison dont ils pourraient être les propriétaires.
Mais le problème, c’est clairement la charia.
Paris, Gare Auber. Mur de la station du RER A. Les services publics que le monde entier nous envie
Quitte à défendre la France (donc, l’Occident) contre la charia, il reste à savoir quoi défendre concrètement contre le code pénal des hadiths. Les droizacquis, Ikea et les bars à sushis? La Gay Pride et Plus belle la vie ? Il est très difficile dans une époque aussi marquée par la désintégration de dire ce qui définit mieux l’Occident qu’un écrin de très belles ruines. C’est ultra tangible l’Occident, mais pour l’instant, ça sent la mort. Une civilisation ne peut se résumer à un monastère dont deux entités départementales se partagent la garde pour obtenir des subventions de la communauté européenne.
Une grande fatigue frappe les cœurs au bout d’un certain temps passé à se gaver de mensonge et d’hypocrisie. Les « mouvements sociaux » immobilisent 12 millions de personnes, la « solidarité nationale » se retourne contre ceux qui la financent, des petits pantins persuadés que le système est sain et que l’unique problème vient de trois racailles à capuche qui n’auraient jamais pu être conçues si l’État providence n’avait pas garanti à leurs géniteurs de pouvoir les nourrir à leur place. Ces mêmes racailles à capuche qui, si elles étaient confrontées à un peuple vivant, n’auraient pas le cran d’écouter Booba un peu trop fort avec des écouteurs. Se branler sur des faits divers de la cpfitude, ou comment pleurer les symptômes.
Je terminerai ici avec deux agréables anecdotes, dont la deuxième saura me faire détester des Charlesmarteldu72 et Ardèchelibredu26, du moins je l’espère.
J’arrivais à la station Cité de la ligne 4 et le métro a roulé sur un corps. Oui, un corps. Les passagers effrayés sont sortis du wagon et la voix de Big Brother a demandé aux moutons d’aller brouter ailleurs, le temps de réinstaurer la circulation interrompue suite à un « accident voyageur ». Tous les déambulants approbatifs ont alors jeté à l’unisson un regard dégueulasse dans l’espoir de voir un œil roulant sous la machine à Snickers ou un rein étalé sur l’affiche de « Boire, fumer et conduire vite ». Le novlangue instauré à l’occasion n’a su détourner les gens de leurs instincts primitifs et indomptables. Mais ça, cette animalité sous eau de javel, ces stations de métro dégueulasses où des gens décident de finir leurs jours, ce sentiment d’être un rat d’égout lors des correspondances, c’est la faute à Khomeini.
Pour la Saint-Sylvestre, j’ai pris le train jusque dans cette bonne vieille ville enracinée de Dol-de-Bretagne. De là-bas, un car du service public, ne passant que trois fois dans la journée, m’a déposée au Mont-Saint-Michel. Les rues sont déformées par les enseignes affreuses des boutiques de souvenirs. Seuls les Japonais, qui représentent l’essentiel des touristes (ont-ils plus de curiosité que les jeunes Français, plus d’argent, les deux?) se ruent pour acheter une boîte de biscuits fabriqués chez leurs voisins chinois à quinze euros. Tout ressemble à du préfabriqué sauf les pierres de l’abbaye. Tout ce que le vingtième siècle a fait est dégueulasse, tout ce qui est digne de voyage et de gratitude en France n’a même pas été construit par les grands-parents de nos grands-parents. Difficile de se sentir investi d’une mission divine quand il s’agit de mourir sur un sol pour ses ruines quand on ne peut y bâtir et y battre que du vent.
Décidant de quitter cet endroit (à regret), j’ai passé mon 31 à Rennes, « grande ville » la plus proche. On m’avait longuement vanté Rennes il y a quelques années. Un ami très proche y avait vécu en l’an 2000. Il semblerait que les choses aient cruellement changé en dix ans puisque Rennes n’est rien d’autre qu’une accumulation de rues aux largeurs variables et aux franchises identiques à celles de Lille et de Bordeaux, en passant par Marseille. Toutes ces villes, qui ne valent le détour que pour la grand’place ou le château des Ducs sont des ramassis de vulgarité, de consumérisme crasse qui donneraient envie de se pendre à quiconque d’un peu sensible aux charmes de l’authenticité. Il n’y a rien à voir à Rennes et cette ville a même réussi l’espace d’un instant à me faire regretter Paris.
Vers 23h45, désireux de faire un compte à rebours autour d’une bière, nous sommes partis en quête d’une bonne vieille auberge de not’ bon terroir français enraciné. Tous les établissements ont refusé de nous servir. Tous. Pour être parfaitement honnête avec mon lectorat, je ne comprends pas trop pourquoi Robert Dugenou, restaurateur et Eugène Delanoix, barmaid ont refusé d’accepter notre argent contre une bière ou une assiette de fromages. Toujours est-il que c’est dans un kebab, tenu par un Turc très affable que j’ai vécu mes premiers instants de 2011. Dans la rue, les cadavres euphoriques et avinés embrassaient des passants, heureux qu’une seconde administrative ait décidé d’un changement d’année. Pour du carton-pâte, c’était du carton-pâte. On n’avait jamais vu une pareille liesse aussi bien mimée auparavant. L’alcool aidant, nos jeunes amis rennais ont commencé à insulter Sarkozy et à danser sur du Shakira. Peut-être que finalement, ce que notre époque construit de mieux, c’est le faux.
Mais le problème, c’est la charia.
Un article de Marion Messina, repris de Marie-Thérèse Bouchard avec son aimable autorisation.