Ça devient sérieux sur Stroggos : depuis que les Stroggs ont perdu leur arme ultime, le Big Gun, et leur leader, le Makron, ils sont aux abois… c’est-à-dire prêts à tout. Vous vous en rendez compte assez vite d’ailleurs, puisque la navette qui transporte votre escouade se fait descendre par un tir de missiles alors qu’elle se trouve encore en haute orbite. Quand vous revenez à vous, vous êtes au beau milieu d’une zone de combat et un camarade marine vous indique où vous pourrez retrouver ce qui reste de votre équipe.
Un simple flingue à la main, vous passez le seuil d’une porte qui vous mène à travers un couloir sombre dans une salle encore plus obscure où résonnent des cris et des grondements sans absolument rien d’humain.
Bienvenue sur Stroggos, soldat : c’est l’enfer ici, tu vas adorer…
Comme son titre l’indique, Quake 4 est bien une séquelle, mais pas de Quake III Arena (id Software ; 1999) car il s’inscrit en fait dans la continuité de Quake II (même studio ; 1997), au moins sur le plan de l’intrigue ; Quake 4, en effet, commence là où son prédécesseur s’arrête : à la mort du Makron, chef suprême de ces Stroggs qui ont déclaré la guerre à la Terre sans raison. D’ailleurs, des sources officielles ont affirmé à l’époque de la sortie de Quake 4 que le personnage qu’on y joue, le caporal Matthew Kane, se trouve être celui qu’on incarne aussi dans Quake II – pourtant, mises à part quelques allusions fugaces ici et là au cours du jeu, rien ne vient corroborer sérieusement ce point…
Mais ce n’est qu’un détail mineur car quand un titre à succès hérite d’une séquelle, la question qui compte consiste à savoir si cette dernière se trouve vraiment à la hauteur de l’original. Et d’autant plus quand autant d’années séparent celui-ci de sa suite… Car il en a passé de l’eau sous les ponts entre 1997 et 2005, et on sait bien ce qu’un laps de temps de huit années peut représenter comme fossé dans le secteur de l’informatique en général et celui des jeux vidéo en particulier. En fait, il n’y a pratiquement plus aucun rapport, à la fois sur le plan technique mais aussi sur le plan ludique : en d’autres termes, on ne joue plus aux FPS en 2005 comme on y jouait en 1997.
De sorte que Quake 4 pose un problème assez inédit. La plupart des séquelles, en général, arrive peu de temps après le titre auquel elle donne suite : l’industrie du jeu vidéo n’a pas eu le temps d’évoluer de façon conséquente et on peut donc se contenter d’une simple amélioration graphique avec ajout de quelques fonctions le plus souvent assez mineures. On bat le fer tant qu’il est chaud en somme… Mais à l’époque de Quake 4, les FPS n’ont plus rien à voir avec ceux de l’époque de Quake II, et le problème des développeurs de cette suite s’avère au final assez ardu : comment réaliser une séquelle fidèle à l’original mais aussi susceptible de satisfaire les joueurs du moment ?
Car les gamers de 2005 ne se contentent plus de rentrer dans le lard en tirant sur tout ce qui bouge, sans réfléchir mais en bondissant partout ; lassés de ces jeux où seuls comptent les réflexes les plus basiques et les plus instinctifs, ils aspirent à une certaine sophistication du geste, à une dimension tactique, à un aspect réflexion – tout aussi minimes, voire illusoires, soient-ils… Bref, encouragés dans ce sens par une mode qui à ce moment-là doit encore mettre bien du temps avant de commencer à s’estomper, ils veulent du réalisme – y compris dans leurs jeux de science-fiction au sein d’un univers de space opera sans presque aucun rapport avec le réel pour commencer…
Alors les développeurs de Raven Software ont pris la sage décision de marcher sur des œufs et se sont contentés de reprendre la plupart des idées du moment (armes qu’on recharge, présence de coéquipiers, passages en véhicules,…) ainsi que les noms des armes du titre original à défaut de leur aspect (au point qu’on ne les reconnait plus d’ailleurs…) mais en en rajoutant quelques-unes (sans pour autant qu’elles approfondissent vraiment l’expérience de jeu d’ailleurs…), et tout en faisant servir l’ensemble par un id Tech 4, le moteur de Doom 3 (id Software ; 2004), sensiblement remanié à travers des visuels et une ambiance sonore sans grand rapport – euphémisme – avec ceux de Quake II.
Et comme le gamer moyen n’a pas l’habitude de s’en laisser conter par des détails aussi insignifiants, le tout est passé comme une lettre à la poste : les vétérans revenaient sur Stoggos le sourire aux lèvres alors que les nouveaux-venus débarquaient pour la première fois avec le même contentement, et tous bouffaient du Strogg dans la joie et la bonne humeur. À vrai dire, le seul reproche qu’on pouvait faire à ce titre concernait sa durée de vie : à peine une douzaine d’heures de jeu en difficulté moyenne, et encore en prenant le temps de contempler le décor dans les moindres détails, ce qui même pour l’époque faisait assez court – mais le jeu s’avérait néanmoins assez sympa pour être rejoué plusieurs fois…
Les seuls à se trouver un tant soit peu floués furent les joueurs orientés compétition qui obtinrent un mode multijoueur au final assez décevant car bien trop semblable à celui de Quake III Arena – pourtant à l’époque déjà âgé d’une demi-douzaine d’années – sur le plan des mécaniques de jeu, et d’autant plus que les level designs officiels s’avérèrent en fin de compte assez peu inspirés… Si Quake 4 connut la compétition, il se trouva remplacé en à peine deux ans par des titres plus récents et plus originaux alors que son prédécesseur eut une durée de vie plus de trois fois supérieure dans le sport électronique…
Au final, Quake 4 s’affirme donc surtout comme un titre solo. Mais si ses mécaniques de jeu s’avèrent foncièrement différentes de celles de l’original, il n’en procure pas moins une expérience tout à fait comparable en terme de plaisir pur : pour les nostalgiques comme pour les nouveaux-venus à la franchise, il reste un titre tout à fait recommandable.
Quake 4
Raven Software, 2005
Windows, Mac Os & Xbox 360, env. 3 €