Depuis le 21 mars, tôt le matin ou au cœur de la nuit, les vols s'enchaînent pour des missions « longues » de cinq à sept heures. Plusieurs ravitaillements au-dessus de la Méditerranée – des opérations délicates pour les pilotes – sont à chaque fois nécessaires. Mais c'est une fois que les avions survolent le territoire libyen que le danger est réel. « Les forces loyalistes disposent de missiles sol-air à infrarouge portables de moyenne portée », précise le colonel Bometon, commandant en second de la base. Hors de question donc de voler à moins de 15 000 pieds (environ 4 500 m). « Le stress apporte de la concentration », confie le capitaine Manuel B., 28 ans, pilote sur Mirage F1.
Il ajoute : « Ça peut paraître surréaliste de décoller d'ici où il y a la plage... Mais quand j'arrive là-bas, je ne pense plus au soleil corse. » Quand son avion se rapproche des côtes libyennes, Manuel fait quelques petits exercices respiratoires. « Je me réoxygène le cerveau, bouge les doigts, le corps. Un peu comme un boxeur. » « Je suis heureux dans le sens où j'applique le cœur de mon métier. Professionnellement, c'est un accomplissement. » Les pilotes ressentent-ils une certaine excitation ? « On évite ce mot, répond le colonel Bometon. Ça ne plaît à personne d'aller bombarder des gens. On est des pros, on fait notre métier. Mais la règle n° 1, c'est d'éviter les dommages collatéraux. » Il est 14 h 55, le Mirage 2000 revient à la base. Il n'a pas ouvert le feu.