Officiellement, Nicolas Sarkozy est « concentré » sur une actualité internationale trop chargée: la France est en guerre en Libye, mais aussi en Côte d'Ivoire, même si le terme reste tabou. Tout juste se permet-il un hommage à Aimé Césaire, le grand auteur qui, en 2006, refusa de le rencontrer à cause de ses positions post-colonialistes.
Officieusement, le candidat Sarkozy enrage contre Fillon et ces ministres qui, telle Roselyne Bachelot, se sont démarqués sur son re-positionnement frontiste. Il ne pense qu'à son élection. Mardi, il était à nouveau en campagne dans la Somme. Et ce jeudi, il part dans le Puy-de-Dôme « à l'occasion de la Semaine de l'Industrie.»
Guerre en Afrique
En Côte d'Ivoire, l'armée française est intervenue pour protéger, voire sauver, les ressortissants nationaux bloqués par la guerre civile. Le secrétaire général de l'ONU l'avait autorisé, lundi, à intervenir aux côtés de l'ONUCI. Les forces d'Alassane Ouattara, le président élu, n'ont pas réussi à déloger Laurent Gbagbo, malgré une dernière offensive ce mercredi contre sa résidence. Ce dernier, à l'abri dans son bunker, négocie sa reddition, mais pas avec la France. Alain Juppé a expliqué, mardi, que la France souhaitait sa protection par l'ONU, sans toutefois envisager de l'accueillir : « Nous avons demandé à l'Onuci d'assurer (la) sécurité physique (de Gbagbo) et celle de sa famille.»
A l'Elysée, on a été pris de court. La France est donc engagé dans trois guerres, Afghanistan, Libye et maintenant Côte d'Ivoire... Le chef de guerre avait prévu de s'attaquer au colonel Kadhafi, pas à Laurent Gbagbo. Le premier est toujours là. Et les services de renseignement français s'inquiètent désormais que l'organisation AQMI ait profité du conflit libyen pour récupérer et acheminer quelques missiles sol-air... sur le sol français. Rien que ça !
Le problème Guéant
Mardi 5 avril à l'Assemblée nationale, François Fillon a apporté son soutien à « son » ministre Claude Guéant, qui assistait à la séance. Un soutien qu'il a maquillé dans une violente salve verbale contre le Parti socialiste, de l'affaire Guérini au poster du MJS figurant Sarkozy en Hitler. « Claude Guéant est un républicain, et sa carrière parle pour lui ! » a-t-il crié. Ce Guéant avait tenté de faire encore parler de lui, lundi, en déclarant que le nombre de Musulmans posait problème. Mardi, Guéant se montrait encore pour amalgamer un triste fait divers - le tabassage d'un jeune à Noisy-le-sec par une bande - pour louer la prétendue utilité de la videosurveillance qui, en l'occurence, n'a pour l'instant servi à rien. Guéant n'est pas ministre de notre sécurité, mais de la récupération électorale tous azimuts pour son patron-candidat.
Ce soutien de Fillon à Guéant est manifestement l'hypocrite. Fillon se démarque depuis des semaines contre la droitisation à outrance du discours gouvernemental prôné dans les cabinets élyséens. Et Guéant n'est que l'exécutant fidèle de cette stratégie sarkozyenne... Les dérapages n'épargnent personne au gouvernement. La semaine dernière, la secrétaire d'Etat à la Santé Nora Berra avait fait cet ignoble raccourci : « l'homosexualité est un facteur de risque pour le VIH, donc une contre-indication de don (d'organe) ».
Mardi, à l'Assemblée toujours, le dit-Claude Guéant se félicita d'avoir pu arrêter quelques 2.800 Tunisiens en un mois à peine, dont « 1.700 ont d'ores et déjà fait l'objet d'une reconduite à la frontière, la plupart à la frontière avec l'Italie.» Il y avait pourtant d'autres sujets « concrets », comme dirait Roselyne Bachelot, que le ministre de l'intérieur aurait pu commenter, comme ce récent recours de l'ASIC.
L'Association française des services internet communautaires (Asic), qui regroupe les principales sociétés de l'Internet français, dépose un recours devant le Conseil d'Etat. En cause, un décret publié le 1er mars dernier au Journal officiel qui oblige les hébergeurs et sites à conserver pendant un an la totalité des informations personnelles qu'ils collectent habituellement sur leurs utilisateurs. La situation prête à sourire : Facebook et Google, les grands Big Brothers de l'internet mondial, se sont joints à cette plainte ! La liste des informations susceptibles d'être ainsi transmises à toute administration française qui en ferait la demande est impressionnante : identifiants de connexion ; terminal utilisé ; caractéristiques de la ligne de l'abonné ; nom et prénom ou raison sociale ; adresses postales associées ; pseudonymes utilisés ; adresses de courrier électronique ou de compte associées ; numéros de téléphone ; mot de passe « ainsi que les données permettant de le vérifier ou de le modifier, dans leur dernière version mise à jour ». Que nous reste-t-il ? Au gouvernement, on prétexte que c'est pour la bonne cause, la lutte contre le terrorisme et les pédophiles.
Le problème Sarkozy
« Pour moi, il n'y a pas de problème Fillon » aurait déclaré Nicolas Sarkozy en privé, lundi matin. C'est Charles Jaigu du Figaro qui nous l'apprend. Pourtant, à lire d'autres confidences, cette fois-ci dans l'Express, le Monarque est loin d'être aussi tendre avec son « premier collaborateur.» Il n'a pas davantage apprécié les déclarations de Roselyne Bachelot, sa ministre aux Solidarités actives qui avait prévenu publiquement qu'elle n'assisterait pas au micro-débat UMPiste sur la laïcité de mardi dernier :
« Quelle conne! Est-ce qu'on lui demandait son avis sur la question? » se serait exclamé notre Monarque... A l'UMP, le débat sur la laïcité s'est donc tenu, dans un salon d'un hôtel de luxe à Paris. Le parti du Président des Riches ne se refuse rien pour débattre des prières dans la rues. Sans surprise, il y eut quelques dérapages (« certaines religions comme l'Islam font des brèches dans la laïcité » a déclaré Alain Marleix), le tout sous l'oeil attentif du conseiller élyséen Franck Louvrier.
« Le président est juste un peu las quand il lui faut en plus régler ces états d'âme totalement nombrilistes de la majorité alors qu'il est très concentré sur les questions internationales », avait confié un « proche » du Monarque au même Jaigu du Figaro. Le story-telling est délicieux. Concentré sur les questions internationales, notre Monarque ? Mardi, le candidat a surtout repris son tour de France des terroirs. Il était dans la Somme, pour lancer le grand du canal Seine-Nord Europe.
Un chantier comme il les aime : énorme, avec ses 106 kilomètres de longueur, ses 4 milliards d'euros d'investissements, et les 14 millions de tonnes de marchandises qu'il est prévu d'y faire transiter chaque année à l'horizon 2020. Dans les rues de Nesle (7500 habitants), le candidat fut photographié, en plan rapproché, au milieu de quelques sympathisants UMP enthousiastes ; ça sentait bon la proximité présidentielle ! On avait aussi organisé une table ronde sur l'avenir du transport fluvial, dans un gymnase du coin. La mise en scène était habituelle, avec grosse structure métallique, une douzaine de projecteurs pour éclairer la scène, trois caméras d'Elysée.fr pour fournir les journaux télévisés en déclarations sélectionnées, et une assistance sage et tranquille. Borloo était toujours là, aux côtés de son ancien patron et de Nathalie Kosciusko-Morizet, sa successeur.
Ce déplacement était avant tout politique. Le candidat a d'abord pu se montrer avec Jean-Louis Borloo, qu'il aimerait décourager de ses présenter en 2012. Ce cliché murement préparé était important pour les communicants de l'Elysée. Sur place, le candidat voulait aussi montrer son sérieux environnemental. Ce fut raté... Il perdit mesure et sang-froid quand il glissa sur le sujet nucléaire : « Je me battrai pour défendre le nucléaire, parce qu'il n'y pas d'énergie alternative en l'état actuel des choses, sauf à dire aux Français qu'ils vont maintenant se chauffer et s'éclairer à la bougie.» Il assura : « Il faut garder son sang-froid, le vrai débat n'est pas 'pour ou contre le nucléaire', il faut des énergies renouvelables et l'énergie nucléaire. Le vrai débat, c'est celui de la sûreté nucléaire.»
L'argument est vide de sens. C'est justement parce que le nucléaire représente de tels dangers que l'on doit débattre de son utilisation. « Le vrai débat, c'est de faire que nos centrales soient sûres et qu'on arrête avec ce terrorisme qui consiste à dire que tout développement, que toute croissance ou que toute création de richesse est en soi un mal.»
Mercredi, Nicolas Sarkozy voulait paraître ce président rassembleur qu'il n'a jamais été. Il rendait l'hommage attendu à Aimé Césaire, au Panthéon. Le discours, sans doute écrit par Henri Guaino, sonnait dans le vide : « Cette cérémonie était importante parce que c'est un homme qui compte pour la France, et pour nos compatriotes ultramarins. C'est un très beau signal de diversité de la France » a-t-il expliqué. En ces temps de polémique identitaire instrumentalisée au coeur de l'Elysée, la formule est incroyable. On frise la nausée... Quelques centaines de personnes, triées évidemment, s'étaient déplacées pour écouter le Monarque un mercredi après-midi. Sarkozy glissa une grossière et indigne allusion à l'identité : En 2006, Aimé Césaire avait refusé de rencontrer la candidat Sarkozy. « C'est un type dangereux » avait-il expliqué.
Ami sarkozyste, où étais-tu ?