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[France - Economie] Gaz de shiste : quelles conséquences pour l’économie locale?

Publié le 06 avril 2011 par Yes
La polémique autour de l’éventuelle exploration des gisements de gaz de schistes dans le sud-est de la France inquiète les acteurs économiques locaux. Tourisme, immobilier et agriculture pourraient pâtir fortement de la mauvaise réputation de ces gaz non-conventionnels. Sur place, la résistance s’organise.

Une manne pour l’économie locale, les gaz de schistes ? Pas sûr que le message de GDF-Suez ne trouve bon entendeur dans les communes situées sur les potentielles zones d’exploration…
Dans une note présentée au maire de Villeneuve-de-Berg, commune ardéchoise qui fait l’objet d’un des permis délivrés en mars 2010 par l’Etat à deux groupements d’industriels franco-américains pour l’exploration de gaz de schistes, GDF-Suez promet en effet de belles retombées en termes d’emplois locaux. « Pour les travaux d’exploration, le groupement et ses sous-traitants s’adresseront en priorité aux entreprises locales, et ce dans la mesure des compétences disponibles. En cas de mise en exploitation du gisement, les besoins liés au pilotage des installations, à la maintenance des équipements, à la surveillance et à l’entretien des plates-formes créeront des emplois pérennes. (…) Durant la phase de développement et d’exploitation, des emplois seront également confortés dans le génie civil. » Associé à l’américain Schuepbach Energy LLC sur le projet de Villeneuve-de-Berg, l’énergéticien français envisage même de former du personnel. « Si nécessaire, des actions de formation seront étudiées avec les Missions d’emploi et les acteurs de la formation afin de concevoir une filière ad hoc. » Quant aux retombées pour le commerce local, elles semblent prometteuses, car « les phases de forage mobilisent plus d’une cinquantaine de personnes qui auront recours au tissus de PME locales pour l’hébergement, la restauration, les commerces de proximité… »

L’inquiétude des acteurs touristiques, immobiliers et agricoles

Élus et acteurs économiques locaux sont pourtant bien loin de tenir le même discours. En particulier en Ardèche, où la colère gronde. Connu pour son patrimoine naturel préservé, le département a su développer un tourisme axé sur la nature, qui attire chaque été pas moins de 2,5 millions de visiteurs. « Dans les villages les plus reculés, cette activité permet de maintenir des services et des commerces », souligne Gérard Bruchet, président de l’Agence de développement touristique de l’Ardèche et vice-président du Conseil Général, en charge du tourisme. « Avec les gaz de schiste, l’Ardèche n’aura plus la même image. » Notamment auprès des touristes d’Europe du Nord, qui constituent la principale clientèle des hôtels et chambres d’hôtes ardéchois, et qui sont particulièrement sensibles à la protection de l’environnement. Les opérateurs touristiques s’inquiètent donc des retombées sur leurs carnets de réservations mais hésitent à témoigner, de peur de ternir encore davantage leur image. « Nous craignons surtout pour la saison 2012, si l’exploration a effectivement lieu » précise un gérant de camping qui préfère taire son nom.

Autre secteur économique potentiellement impacté, l’immobilier. D’après une conseillère en financement immobilier – qui elle aussi préfère garder l’anonymat -, « deux compromis de vente ont été annulés le mois dernier dans le secteur de Villeneuve, avec pour motif l’éventuelle exploration des gaz de schiste à proximité des biens concernés. Deux annulations, c’est énorme pour nous, vu la densité du département.  Quand on sait que les agences immobilières du coin signent en moyenne deux ventes par mois, on comprend mieux l’impact de cette polémique sur leur activité !… Sans compter tous ceux qui avaient un projet immobilier qu’ils ont abandonné ou reporté. » Quant aux agriculteurs, principalement vignerons ou céréaliers, ils espèrent bien faire capoter le projet, en témoigne leur slogan « tous vos dollars ne valent pas notre pinard ! »

« No gazaran »

« Dans l’Ardèche méridionale, l’agriculture et le tourisme tiennent une grande place dans l’économie. Les agriculteurs ont fait de gros efforts sur la qualité des produits, notamment en bio. Quant au tourisme, il s’en trouverait profondément affecté, de même que la qualité de vie, l’environnement, le patrimoine, et tout ce qui fait de l’Ardèche un département reconnu par tous comme un département sain », rappelait Claude Pradal, maire de Villeneuve-de-Berg, lors d’une manifestation anti-gaz de schiste fin février dernier. Devant près de 15 000 manifestants (la commune en compte à peine 2800), le maire dénonçait alors l’opacité avec laquelle le gouvernement a délivré les fameux permis. « Accordés en mars dernier en toute discrétion par Jean-Louis Borloo, les permis de forer n’ont pas donné lieu à d’autre information qu’une publication dans le journal officiel. Pas un mot aux élus ni aux associations. Pourquoi cette opacité ? Il y a là un déni de démocratie d’un autre temps. » Et de rappeler le passé de résistance du département.

« En donnant ces arrêtés, le gouvernement mesurait mal les réactions des Ardéchois. Le sud de l’Ardèche a un passé de rebelle, depuis les protestants, les maquisards, les résistants et bien d’autres. »
Car plus qu’inquiets, les ardéchois sont en colère. Depuis le début de l’année et la montée en puissance de cette polémique, ils s’associent en collectifs, organisent de nombreuses réunions publiques et incitent les autres départements concernés par l’exploration (Drôme, Aveyron, Hérault, Vaucluse, Gard, Lozère) à faire de même. Ils sont aujourd’hui une quinzaine de collectifs à organiser la résistance. Avec pour seul mot d’ordre : « no gazaran ».

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