Il faut parcourir le rivage
du lac Tragosoldo à Antiñana,
très tôt, quand la rosée
tremble dans les feuilles dures du canelo,
et ramasser des pierres mouillées, des raisins
de la rive, des galets
de flamme, de jaspe,
des cailloux violets ou des alvéoles
de roche, perforés
par les volcans ou les intempéries,
par le mufle du vent.
Mais oui, la chrysolite oblongue
ou le basalte d’Éthiopie
ou la carte cyclopéenne
du granite
t’attendent ici, mais nul ne vient
hormis le pêcheur ignoré
tout à sa marchandise palpitante.
Moi seul accours, parfois,
au petit jour,
à ce rendez-vous avec les pierres échouées,
humides, cristallines,
cendrées,
et les mains pleines
d’incendies éteints,
de structures secrètes,
d’amandes transparentes,
je retourne à ma famille,
à mes devoirs,
plus ignorant qu’au temps de ma naissance,
plus simple chaque jour,
chaque pierre.
(Pablo Neruda)
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