De grâce, patientez encore un peu. Les dix premières minutes, je vous le concède, sont pénibles, complètement datées. Mais une fois les ritournelles hippies terminées, et le sujet enfin fixé, nous voici déjà dans du grand, du très grand Milos Forman.
Avec bien évidemment les précautions d’usage, dues au temps qui n’épargne rien. Sauf que sa patine a maintenant des reflets documentaires (ah ces années soixante-dix) et que le fond du discours, demeure un bel exercice de cinéma. Le premier film américain du cinéaste tchécoslovaque réalisé en 1971 (on saluera par la suite « Vol au-dessus d’un nid de coucou », « Amadeus »… ) s’incruste dans une famille typique de la bourgeoisie moyenne à la fin des années soixante.
Un peu largués les vieux
La fille unique du couple ,coincé comme il peut, rêve de liberté et fugue alors plus qu’à son tour, rejoignant les mouvements « peace and love » du quartier. Papa s’inquiète, maman prend peur, mais en partant à la recherche de la petite protégée, ils vont découvrir que le monde a bien des côtés sympathiques.
Si la légèreté du résumé peut surprendre, c’est à mon avis sur ce même ton que Milos Forman déploie toute sa maestria pour donner un bon coup de canif dans les préjugés.
La pointe n’est pas acérée, mais titille gentiment cette société dépassée par cette jeunesse bercée aux rythmes des musiques de Jimi Hendrix, Dylan et autres éléphants volants. Ca plane doucement et le monde ne s’en porte pas plus mal. C’est ce que vont découvrir ces parents made in USA, en cheminant à distance sur les traces de leur progéniture, goûtant à leur tour aux plaisirs défendus.
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Et alors là je peux vous dire que Forman s’en donne à cœur joie quand il s’agit de filmer une course-poursuite, à pieds, dans les rues de New-York, une nuit d’ivresse pour deux papas en plein désarroi, une partie de strip-poker, ou bien une séance collective de fumette pour grandes personnes. Les scènes sont drôles, grandioses et demeurent à jamais gravées dans le marbre du septième art.
Et le plus bizarre, c’est qu’au bout du compte Milos Forman nous fait la morale. Par l’intermédiaire de l’héroïne qui rentrant tranquillement chez elle le soir pour faire dodo, trouve la maisonnée vide. Et pour cause… Quand elle se réveille ce qu’elle voit de ses parents, revenus de leurs escapades libertines, c’est le monde à l’envers. Et c’est génial !.
Suppléments (en hd)
. Préface de Luc Lagier (6 mn)
. Avant « Taking off » : Milos Forman en route pour l’Amérique (30 mn)
Le réalisateur raconte le début de sa carrière dans la Tchécoslovaquie soviétique et la genèse de « Taking Off » entre la France et les États-Unis.Au milieu d’un casting d’adolescents issus de mouvements contre-culturels (la jeune Linnea Heacock , repérée par le cinéaste dans Central Park), quelques visages connus traversent le film : la chanteuse Carly Simon, encore anonyme, l’actrice Kathy Bates à 22 ans, ou encore Ike et Tina Turner en guest stars.
. Deux Européens à New York (16 mn)
Jean-Claude Carrière, qui a co-écrit avec Milos Forman, se souvient de leur rencontre et leur expérience unique du New York hippie.