Ce sont des visages bien communs, des hommes bien ordinaires. Seul, un petit rictus suspicieux, contrarie de temps en temps, la bonhomie des personnages. Quand le doute s’installe et que la médisance s’en nourrit. Et que l’homme se repaît de la bête qui sommeille en lui.
Dans un noir et blanc sans contraste, Peter Fleischmann ne force pas le trait pour étayer un propos toujours à vif. Nous sommes en Bavière, dans un petit village de campagne, mais qu’importent le lieu et l’époque (l’œuvre n’est pas datée, alors que dans le roman elle début en 1945 ) : tous les imbéciles au monde sont devenus copains. Pour traquer celui qui ne nous ressemble pas, ne vit pas comme nous ou feint la « normalité » pour mieux échapper aux sarcasmes, aux quolibets, à l’hallali. Cette histoire nous renvoie à l’excellent film de Michael Haneke « Le ruban blanc », réalisé quarante ans plus tard, palme d’or au festival de Cannes en 2009. Lire dans ce blog.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Un tableau sans nuance
On soupçonne ,Adam un jeune mécanicien d’avoir eu des rapports avec l’idiot du village. La rumeur enfle, mais le garçon ne veut pas l’entendre. Sous leurs airs vertueux, derrière la piété dominicale, les villageois étalent toute leur violence. Elle est d’abord psychologique, aussi effrayante que la traque qui s’ensuit. Fleischmann nous la peint sur un tableau sans nuance ; dans cette société raciste ( les premiers Turcs s’installent en Allemagne ), et homophobe, personne n’est épargné et surtout pas la mère de la victime inquiète pour sa propre réputation.
Adam s’est un temps absenté du village. On dit qu’il était en prison. On a dit que, et puis encore que…
La mise en scène va ainsi crescendo, au fil d’un quotidien bien ordinaire ; la messe du dimanche, les moissons, les amours, les petits plaisirs…. Peut-être moins de battages aujourd’hui et encore moins d’offices religieux. Peut-être moins d’amour, aussi.
Complément
Entretien avec Peter Fleischmann
Par Volker Schaner et Angelika Stute – 2010 – 49 minutes
Le réalisateur évoque sa découverte du livre , et ce qui l’a fasciné : la peur qui s’y trouvait , » la peur qui nait d’une hiérarchie. Chacun doit se battre pour garder une petite place au soleil. » Il revient aussi sur certaines scènes ( il a dû acheter des champs entiers de blé , aux paysans, pour tourner ce qu’il souhaitait réellement ) et sur le choix d’un village bavarois . L’occasion de défendre cette région et ses habitants, » considérés comme des ploucs, alors qu’ils sont les seuls en Allemagne à avoir conservé leur culture » .Plus globalement c’est la société allemande, qui fait l’objet de ses critiques, en regard des événements de 1968.
Martin Sperr qui interprète le personnage d’Abram est également l’auteur de la pièce dont est tiré le film.Le film marque les débuts d’actrices de Angela Winkler (Le Tambour, Palme d’Or en 1979 et Oscar® du meilleur film étranger en 1980) et de Hanna Schygulla (Le Mariage de Maria Braun et Lili Marleen de Fassbinder).
18 €