C’est un nouveau film sur le Tchad et son histoire récente, mais la patte du réalisateur est d’une telle sobriété, d’une élégance si discrète, que l’on adhère sans difficulté à ce regard sur ces hommes jetés malgré eux dans une guerre fratricide. Elle n’est jamais si présente qu’à travers l’histoire de ce maître nageur qui refuse de se soumettre à « l’effort de guerre », par manque d’argent dit-il. Sa famille en paiera les conséquences et il devra lui aussi sauver sa peau, au prix d’un terrible marchandage.
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Mahamat Saleh Haroun est d’autant plus surprenant, que la distance qu’il met entre son récit et sa caméra, nous rapproche encore d’avantage du sujet. Ses dialogues, parcimonieux, sont justes et suffisants. Les regards, les non-dits confèrent au vide toute l’éloquence nécessaire à une telle aventure.
Nous sommes au cœur d’un complexe hôtelier où Adam, un ancien champion de natation s’occupe de la piscine et de ses occupants, en majorité blancs. On les voit à peine, mais leur comportement est tout à fait significatif des rapports existants dans cet hôtel.
Son fils unique l’assiste, jusqu’au jour où la direction décide de lui donner la place de maître nageur, conduisant le père au poste de garde-barrière. Une déchéance sociale inacceptable pour le cinquantenaire, et qui le rongera jusqu’à la culpabilité d’un geste sourd et désespéré.
Comme le conflit que le cinéaste ne nous montre pas, c’est dans la marge que tout se joue et que le véritable sujet, l’amour d’un père pour son fils, se noue au cœur de ce quotidien malmené.Cette histoire universelle, filmée au plus près du cœur, bénéficie aussi d’une distribution parfaite, menée par le rôle-titre, Youssouf Djaoro, émouvant dans son déchirement silencieux , où la rédemption n’est pas de mise.
Un portrait d’homme qui n’enjolive en rien les soubresauts de l’âme. Il les rend simplement …plus humains.
LES SUPPLEMENTS
Entretien avec le réalisateur.
L’histoire du film et les difficultés de tourner au Tchad ( beaucoup de tensions pour l’équipe européenne ) nous conduisent à découvrir le travail d’un cinéaste, qui n’a pas les moyens « de se payer un directeur de casting. Tout se passe au feeling« . Rescapé de cette guerre civile qui dure depuis 45 ans ,et blessé au cours d’un affrontement , il s’est inspiré de sa propre histoire pour mener à bien » cette vision romanesque au milieu de la réalité » .
Et quand le film débarque à Cannes, c’est la cerise sur le gâteau. Depuis 13 ans, un film africain attendait une telle distinction : le prix du Jury, qui permettra au cinéma tchadien de rebondir à travers des décisions gouvernementales, dont la création d’un fonds d’aide pour les films, et la rénovation de l’unique salle de cinéma du pays…le Normandie.
Avec le making-of, on poursuit cette intrusion dans l’univers de Mahamat-Saleh Haroun à travers les décors et des scènes de tournage, et l’hommage du cinéaste à l’œuvre d’Aimé Césaire, qui a donné le titre du film.