Hasard du calendrier, à une semaine d'intervalle, deux des éléments les plus importants du XV de France ont été victimes d'une entorse. C'est d'abord Thierry Dusautoir, le capitaine, qui a vu sa cheville gauche lacher. Puis ce fut au tour du genou droit de Thomas Domingo de rendre les armes.
Si, pour le premier, le temps de repos devrait être assez bref, on peut parler de catastrophe pour le pilier gauche de Clermont. Les ligaments ont cassé, envoyant le "petit taureaux" à l'écurie pour six mois. La coupe du monde s'éloigne pour lui, même s'il a déclaré ne pas avoir fait une croix sur l'événement.
Ne nous leurrons pas. A moins d'un bien improbable miracle, on ne verra pas le pack du XV de France calé par ce qui se fait de mieux en ce moment du côté gauche de la mêlée tricolore. C'est plus qu'une tuile pour les bleu. On peut véritablement parler de désastre, tant l'absence de Thomas Domingo sonne comme la fin de notre assurance-mêlée, dernière véritable garantie dans le jeu. Sans parler des qualités du bonhomme dans le jeu courant.
Une tuile qui survient quelques mois après la rupture d'un tendon d'achille de Fabien Barcella ex-numéro un au poste du même chiffre. Ces histoires de ruptures ligamentaires posent évidemment la question du calendrier des compétitions, que beaucoup jugent responsables des malheurs de ces joueurs qui sont usés prématurément par la répétition des matchs.
Les cadences infernales, dénoncées depuis que le championnat professionnel existe, ne sont pas uniquement liées au Top 14. La coupe d'Europe mobilise également les meilleurs joueurs Français en particulier à des moments (l'automne et le début de l'hiver) où ils pourraient sinon souffler du moins bénéficier d'un relatif répis.
Les internationaux Français souffrent de la comparaison avec leurs homologues de l'hémisphère sud ou des provinces Celtes. En revanche, leur situation est plus proche de celle des joueurs Anglais. Cependant, la puissance de la RFU permet à cette fédération d'obtenir un certain nombre de garantie quant à l'état de fraîcheur des membres du XV de la Rose.
C'est loin d'être le cas en France, où chacun penche du côté du portefeuille : les clubs qui emploient les joueurs et estiment qu'ils doivent décider du calendrier de ceux qu'ils paient ; la fédération, qui n'a pas les moyens de dédommager les clubs pour ménager des plages de repos plus grandes pour les internationaux. Au-delà des aspects financiers, il est difficile de demander à un club de se passer de ses meilleurs joueurs, en particulier lorsque les matches "couperets" se profilent à l'horizon.
Alors que faire ? Les joueurs concernés se préparent comme ils peuvent, et ont peut-être tendance à ne pas écouter leur corps quand celui-ci commence à protester de fatigue. Ils sont salariés et, par ailleurs, ne sont pas disposés à faire une croix sur la sélection. C'est une évidence, certes, mais celle-ci les conduit à en faire trop, au risque de se casser.
Faire confiance aux dirigeants des clubs pour qu'ils ménagent leurs internationaux tient de la gageure. Alors on évoque, comme le fait un grand journal de l'ovale, la mise en place d'un permis à points pour les internationaux. On aime, en France, s'en remettre à ce type de mesures plutôt qu'au sens des responsabilités de chacun. Un dispositif comme celui proposé ne résoudrait pas un certain nombre de difficultés : quid des joueurs nouvellement capés en cours de saison, des jokers médicaux et des étrangers ? D'autant que la saison internationale ne coïncide pas avec celle du Top 14.
A force de marcher sur la tête, le rugby de France transforme ses joueurs en unijambistes. Et en attendant que le mécano foutraque que constitue le calendrier professionnel ne finisse par s'effondrer, on se contentera d'assister à une coupe du monde qui risque bien de se transformer en chemin de croix pour le XV de France.