On y était - The Kills à la Flèche d’Or

Publié le 06 avril 2011 par Hartzine

Photos © Emeline Ancel-Pirouelle pour Hartzine

The Kills, la Flèche d’Or, Paris, 22 mars 2011

Le 11 septembre 2009, on apprenait au détour d’une page MySpace que les Kills avaient commencé à travailler sur un quatrième album. Un an plus tard, Alison Mosshart avait fait trois fois le tour du monde avec Jack White et Jamie Hince s’était acoquiné avec Kate Moss. Le duo le plus diabolique des années 2000 semblait presque s’être perdu de vue, et l’espoir d’entendre leur nouvel opus s’amenuisait de jour en jour. Il auraient presque pu s’en tenir à leur trois premières oeuvres, cela dit. Entre un Keep on Your Mean Side aride, un No Wow somptueux de sobriété et un Midnight Boom doux-amer, ils n’avaient pas fait un faux pas. A travers leurs prestations sulfureuses, ils incarnaient la quintessence du rock’n'roll version 00. Allaient-ils prendre le risque de se jeter dans la gueule de la décennie suivante ?


L’été nous apporta une réponse, et l’automne une date de sortie - le 6 avril 2011. Grâce une âme mi-charitable, mi-mal intentionnée, la plupart d’entre nous ont pu écouter Blood Pressures dès la mi-mars. Et se rassurer par la même occasion : malgré le passage des amitiés et des romances, les Kills n’ont rien perdu de leur verve. Fidèles à leur blues-punk légendaire, VV et Hotel déroulent leur savoir-faire explosif sans faillir sur les onze titres qui composent l’album. Entre riffs cosmiques (Future Starts Slow, le morceau le plus réussi de l’ensemble), sons venus de nulle part (Baby Says), rythmes maladifs (Heart is a Beating Drum), clichés rock (You Don’t Own the Road) et romance déviante (Wild Charms, The Last Goodbye), on retrouve l’essence de ce qui a fait le succès du couple. L’album n’a rien d’étonnant mais il est bon. S’il y a bien un problème, il est ailleurs.


Pour le découvrir, il faut se projeter quelques jours plus tard, et un peu plus loin - à la Flèche d’Or, plus précisément, où le groupe a décidé de présenter ses nouveaux morceaux aux quelques trois cents chanceux qui ont pu mettre la main sur une des places vendues en moins de dix secondes. Eh oui. La popularité du groupe est monté en flèche ces dernières années, portée par le vent de la hype, les magazines de mode et Zadig & Voltaire. Ce soir, le public est donc logiquement à l’image de l’image qu’il se fait des Kills : jeune, beau et bien habillé. Mais pas pour longtemps, vu la chaleur provoquée par les nombreux projecteurs nécessaires à la retransmission de la performance en streaming. L’attente est longue et elle est grande. Chacun mesure la chance qu’il a de voir le duo dans une si petite salle.


Pourtant, à l’arrivée d’Alison et de Jamie sur la scène, ce n’est pas vraiment l’hystérie. Ça viendra, se dit-on. Après l’excellent Future Starts Slow, ils mettent en orbite Satellite, le premier single déjà bien connu issu de Blood Pressures. Ça remue un peu, mais à peine. VV et Hotel semblent accablés par la chaleur insoutenable, tout comme le public. Finalement, après quarante-cinq minutes d’une performance poussive et expédiée, la bonne surprise viendra des deux anciens morceaux choisis pour le rappel, Fried my Little Brains et Sour Cherry. Néanmoins, le soufflé retombe aussi vite qu’il a gonflé. Les Kills quittent la scène en nous laissant un sale arrière-goût.


Mais qu’est-ce qui n’a pas tourné rond ? La question nous taraude mais on a du mal à mettre le doigt sur la réponse. La déception est trop forte pour avoir les idées claires, et il faudra quelques heures pour trouver la coupable. Il y en probablement plusieurs, mais l’une d’entre elles s’est déhanchée lascivement dans l’ombre de la console pendant une bonne partie du concert. C’est aussi elle qui a retardé la sortie de l’album en jetant dans une piscine l’ordinateur contenant l’unique exemplaire de l’ébauche des morceaux. Elle également qui passera la bague au doigt de Hotel en juillet prochain. Kate Moss, la harpie jalouse, sous l’oeil de laquelle les Kills sont obligés de bien se tenir. Plus de regard langoureux, d’échanges violents, de postillons érotiques dans le même micro. Chacun de son côté de la scène, VV et Hotel font leur job sans se regarder. Tandis que la première répète sans conviction des pas de danse usés mille fois, le second n’a d’yeux que pour sa guitare. Mais où diable est passé ce jeu de scène entre l’amour et la haine qui faisait tout le charme des Kills ? Où sont passés les faux amants ? Pour ne pas subir les foudres de la Brindille, ces deux-là ont pondu un album honorable mais sacrifié la mise en scène hargneuse de leur relation. A quoi bon ? Comme dirait Obélix, c’est un peu comme un bon repas sans fromage. Ça manque de sel. Il n’y a pas de cerise sur le gâteau. Guère plus d’étincelle. Et c’est un peu la mort dans l’âme que l’on place tous nos espoirs dans le Bataclan du 6 avril qui, on le souhaite sincèrement, sera plus long, moins bâclé et un peu plus scandaleux.

Setlist

1. Future Starts Slow
2. Satellite
3. Heart is a Beating Drum
4. No Wow
5. Kissy Kissy
6. DNA
7. Baby Says
8. Last Goodbye
9. You Don’t Own the Road
10. Pots and Pans

11. Fried my Little Brains
12. Sour Cherry

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