Mémoires d'outre-tombe. Nous sommes en 1829. Après avoir été Ministre des affaires étrangères, Chateaubriand est ambassadeur de France à Rome. Le pape Léon XII meurt. A sa place, un conclave élit le cardinal Castiglioni, qui prend le nom de Pie VIII.
Pour relater tout ça, Chateaubriand recopie les dépêches qu'il expédiait à son ministre par intérim: le Comte Portalis.
Une élection papale, des courriers diplomatiques: vu comme ça, ça semble d'un ennui mortel. Et pourtant, c'est passionnant.
Pourquoi? Les intrigues, d'abord. La France et l'Autriche ont leurs candidats, et surtout des cardinaux qu'ils ne veulent pas à ce poste. La politique est omniprésente. Suspense, machinations.
La mise en scène de Chateaubriand est aussi bougrement efficace. Cette manière de communiquer les informations à travers les dépêches, qui pourrait sembler de la paresse ou de la facilité, nous met au contraire au centre de l'action: à la place du ministre qui reçoit les nouvelles, les commentaires, pour qui on démêle les intrigues et les pressions.
Et cela se double d'un arrière-fond: le lecteur sait que Chateaubriand n'apprécie guère Portalis. La correspondance va se terminer d'ailleurs sur un billet rude. L’ambassadeur se plaint de n'avoir pas été considéré à sa juste valeur. La lettre du ministre lui semble avoir été « rédigée par un commis mal élevé des affaires étrangères » et surtout « on aurait dû un peu se souvenir de la personne à qui on l'adressait ». Car on a le sens de sa valeur.
Et puis Chateaubriand est grand écrivain partout. Même ses billets diplomatiques ont cette luminosité un peu voilée, cette chatoyance du reste de sa prose.