« Dans sa fameuse conférence de 1882, Renan commence par écarter toute définition raciale de la nation. « L’histoire humaine diffère essentiellement de la zoologie », dit-il, et il définit la nation comme un principe spirituel, comme une âme (il ne faut pas avoir peur de ce mot), composée de deux éléments : un riche legs de souvenirs, un héritage de gloire, et de regrets à partager d’une part et, de l’autre, le consentement actuel, le désir de continuer la vie commune. Or la France est aujourd’hui le théâtre d’une double crise : de l’héritage et du consentement. L’exécration de la France est à l’ordre du jour dans une fraction non négligeable des nouvelles populations françaises. Il faut vivre à l’abri du réel pour considérer que cette francophobie militante est une réponse au racisme d’Etat ou à la stigmatisation de l’étranger. Quant à l’héritage, l’école, depuis quarante ans, travaille avec ardeur à sa dilapidation. De plus en plus de français, élites comprises, sont aujourd’hui étrangers à leur langue, à leur littérature, à leur histoire, à leurs paysages. C’est parce que la civilisation français est peut-être en train de disparaître que cette question de l’identité nationale intéresse tant de monde alors que personne n’est dupe de la manœuvre électorale. »
Alain Finkielkraut, Badiou-Finkielkraut, l’explication, Lignes 2010.
« Et le paradoxe veut que le projet anthropologique du néo-libéralisme conduise les individus sans repères sans combat ni projet, interdits d’être un peuple ou une nation, à réveiller les plus anciennes déterminations de leurs origines, que sont la race, la religion ou la terre ! »
Hervé Juvin, Le renversement du monde.
« Moi je suis d’une fidélité assez exemplaire que possible à la France révolutionnaire, à son universalité paradigmatique. A la constitution de 1793 qui disait que quand un homme, n’importe où dans le monde, accueillait et élevait un orphelin, eh bien, par la même, il acquérait la nationalité française. Une identité de ce genre, immédiatement transmissible de façon universelle, j’en veux bien. »
Alain Badiou, ibid.