C'était l'année dernière, au festival de La rue des livres à Rennes, je rencontrais l'auteur Philippe Grimbert, achetais l'un de ses romans " Un secret", chroniqué ICI il y a quelques semaines.
L'auteur m'avait gentiment confié son adresse mail pour qu'une de mes interviews qui m'amusent et que vous aimez tant puisse voir le jour !
Et comme mieux vaut tard que jamais, je vous annonce que ce jour est arrivé !!!
Cette interview porte donc principalement sur Un secret. Depuis l'envoi de mes questions à l'auteur, j'ai lu et adoré, voire plus encore qu"un secret", "La Mauvaise rencontre" qui sera chroniqué sur ce blog très bientôt.
Votre roman “Un secret”, assez autobiographique, traite d’un terrible secret de famille lié à la 2ème guerre mondiale. Par les romans, l’Histoire ou les faits divers, on connait tous les dégâts causés par ces fameux secrets de famille qui pourtant existent toujours, se perpétuent parfois de génération en génération. Pourquoi “ne dit on pas” ? Toute vérité n’est elle pas bonne à dire ? Quel est le plus grand frein : la honte ou la peur ?
PG : Le moteur à l' origine du secret est le plus souvent du côté de la honte, de la culpabilité ou de la douleur, sentiments propres à l'humain...mais ce peut être également l' amour, lorsque l'on pense (à tort) protéger ses enfants d'un choc ou d'un traumatisme en leur cachant une vérité difficile. On se trompe souvent car ce que l'on tait peut faire plus de mal que ce que l'on dit. Toute vérité est bonne à dire, à condition qu'elle puisse avoir un effet libérateur pour celui à qui elle est adressée... Durant ma lecture, j’ai eu la sensation que la notion de secret se tenait jusque dans votre style et écriture, dans le soin de ne pas nommer les choses mais de les faire comprendre. Certains mots semblent comme contournés, même si le sens est toujours atteint. Est-ce mon impression personnelle, un choix délibéré, une écriture naturelle ou un choix délibéré donnant lieu à un long travail d’écriture ? PG : Je préfère l'allusif au frontal et il me paraît évident que mon écriture porte le reflet de ce choix. J'aime aussi laisser au lecteur une marge de liberté dans laquelle il puisse projeter ses suppositions, son imaginaire. Dans un secret, vous raconter mais ne jugez pas. Vous ne jugez ni votre famille, ni vos parents. Est-ce le personnage de roman et l’écrivain qui choisissent de ne pas juger où est-ce l’homme que vous êtes qui ne juge pas ? N’a-t-il jamais jugé ? Auriez vous dit la vérité ? PG : L'écrivain rejoint ici l'homme qui n'a jamais jugé, ni tenu rigueur à ses parents de lui avoir dissimulé la réalité de leur histoire. L'homme avant l'écrivain avait trop bien compris que ce silence était motivé par une souffrance infinie...et que, maladroitement sans doute, il était à entendre comme une preuve d'amour. Un secret a été adapté au cinéma par Claude Miller. Qu’est-ce que cela représente pour un auteur de voir son film porté sur les écrans ? Une récompense suprême, une grande satisfaction personnelle, la possibilité de toucher un public qui ne lit pas, un aboutissement, une cerise sur le gâteau ? PG : Tout cela à la fois !!! Même si l'on a peur au début que le film dénature le projet du livre...ce qui n'a pas été le cas : j'ai été heureux que Claude Miller soit fidèle à l'esprit et infidèle à la lettre, en somme il ne s'est pas livré à une simple illustration de mon roman mais l'a passé à travers le filtre de son propre imaginaire. Curiosité. Techniquement comment cela s’est il passé ? Il paraitrait que vous ayez reçu plusieurs propositions d’adaptation ? Pourquoi le choix de Miller ? Avez vous ensuite votre mot à dire (comme pour le choix des acteurs...) où est-ce que par un contrat “vous prêtez votre bébé” au bon soin du cinéaste ? PG : Entre plusieurs réalisateurs j'ai choisi Miller parce que nous avons très vite compris que nous avions vécu tous deux des histoires qui présentaient beaucoup de points communs...de plus Claude avait signé quelques films cultes pour moi, en particulier "La meilleure façon de marcher". Par contrat je n'avais qu'un droit de regard sur l'adaptation, mais l'amitié qui est née très rapidement entre Claude et moi a permis qu'il tienne compte de toutes mes remarques et suggestions sur son scénario (ce à quoi il n'était pas tenu !) Seriez vous devenu le même écrivain si vous n’étiez pas psychanalyste ? Votre métier influence-t-il le choix des sujets de vos romans par exemple ? PG : Bien sûr les douleurs que je fréquente et les abîmes que je côtoie nourrissent mon écriture, mais je n'emprunte jamais à mes patients des éléments de leur histoire, éthique et secret professionnel obligent ! On dit de certains romans qu’ils sont thérapeutiques pour leurs auteurs. Cette notion d’écriture thérapeutique est elle réaliste ou illusoire ? PG : En ce qui me concerne j'ai eu la surprise de constater que mon roman "Un secret" avait eu des effets thérapeutiques pour nombreux de mes lecteurs qui me l'ont témoigné par leurs courriers, particulièrement en ce qui leur a permis de lever un silence sur des secrets dont ils se sentaient prisonniers. Y aurait il un danger à lire beaucoup ? Où se situe la barrière entre lire beaucoup et lire trop ? PG : Vivre et lire doivent s'alimenter mutuellement...si l'on se réfugie dans la lecture pour éviter de vivre cela peut en effet devenir un problème, comme tout enfermement...mais j'ai hélas plutôt tendance à penser qu'à notre époque on ne lit pas assez, tant le règne de l'image est prépondérant ! Le personnage de Louise mériterait le rôle principal d’un livre, (c’est en tout cas mon avis de lectrice !), ce projet serait il concevable ou trop redondant ? PG : Louise est le seul personnage véritablement fictif de ce roman, c'est sans doute pourquoi vous l'imagineriez volontiers héroïne d'un autre roman, mais il n'en sera rien car je me suis interdit d'écrire quoi que ce soit qui puisse ressembler à "Un secret 2" !!!! Quel lecteur êtes vous ? Quels sont vos 3 derniers coups de cœur littéraires ? PG : Beaucoup de romans et pas mal de thrillers ou de polars ! En vrac, Millenium, le dernier Alexandre Jardin, HhhH de Laurent Binet! Philippe Grimbert est aussi l'auteur de 3 autres romans :